lundi 26 novembre 2018

solarisé

Solarisé en négatif.
Je crois que Dieu (celui imaginé par Bernardin de Saint Pierre pour le moins, vous savez celui qui pensait que les côtes du melon avaient été dessinées par Dieu pour être mangées en famille)  ou les dieux si vous préférez ou peut-être plutôt finalement la terre, sa gravitation et son déterminisme, sans même de majuscule, m'ont ou plutôt m'a fait païen ou pire, pur animal, à peine moucheron : dés que je vois un rayon de soleil je ne résiste pas, je sors des livres, de l'écran, des bureaux et couloirs de pénombre et des lieux climatisés, quitte à me geler ou à me griller, pour rendre un culte au soleil. Ceci n'est nullement un hymne mais un  simple comportement réflexe.
J'ai dû abuser.
Tanné je suis comme un homme de mer ou un vigneron.
A tel point que mes mollets en sont troués, piquetés d'espaces incolores, ce qui me fait homme-léopard-ou-jaguar en négatif, peau tatouée, marqué définitif et voué à passer à l'ombre.

Non pas que j'aime tellement les plages, sauf pour marcher en hiver et aller nager dés le printemps venu, mais la moitié de l'année je suis en short et pieds dans des sabots de jardin ou tongs et sandales, privilège des excentrés, périphériques des urbanités, me voilà rachalan des garrigues.

C'est que, à force d'éclats, de soleil en flammes, après l'Afrique, la Sudamérique à foison et, y compris, en passant, par moissons salées, les Caraïbes, l'océan Indien et Pacifique, bien qu'un peu moins, des trous se sont fait jour dans cette peau mienne boucanée.

Azof.

Qui savait avant ces manœuvres et agressions russes qu'il existait une mer d'Azof  aux plages paisibles
?

dimanche 25 novembre 2018

malotru

Un malotru serait d'abord, d'après les lexicographes, celui qui avant d'être mal embouché et mal venu, intervenant grossier aux propos et gestes déplacés sur la scène visible où tout se joue en une fraction de seconde - et souvent sur une autre invisible du public - . . . serait d'abord et avant tout, mais
surtout
astrologiquement
selon l'étymologie romaine,
un mal né, né sous une noire étoile un astre mauvais,
celui qui a choisi de toute éternité le mauvais chemin d'incarnation.

Tel est à sa manière l'agent Malotru,
protagoniste d'une série d'espionnage à la française,
joué par Mathieu Kassovitz - pourtant si bien attentif aux autres, pour un espion, surtout dans un monde où la vie humaine si elle fait obstacle compterait si peu - et ne correspondant à son nom de guerre que du moins en tant que mal venu et mal inspiré en ses amours pour une Iranienne . . . qu'il ne sauve d'un terrible sort que lui-même, téléguidé par une partie de sa machiavélique hiérarchie, acculé à une trahison et se plaçant, par choix moral et par fidélité amoureuse, en porte à faux vis à vis de tous les autres : agents américains "alliés", russes infiltrés à grand peine et risques, et bien sûr collègues français inquiets ou déçus ou carrément hostiles face à l'espion trouble qu'il est devenu.

Quel beau rôle que celui du traître généreux et humain qui au dernier moment laisse comprendre qu'il a cohérent et clair à lui-même tout assumé et compris !
Quel acteur n'en rêverait ? Et quel metteur en scène ou scénariste aussi ?

Mais puisque le voilà mort à la fin de la série
pourquoi ne réapparaîtrait-il pas (sous un autre nom, ça va sans dire) ailleurs ?
dans un autre feuilleton ? ici même peut-être ? une péripétie de dernière minute ou un retournement de situation étant toujours possible . . . souhaitable ? (A suivre . . . 

baleine

J'ai été réveillé aux aurores par une baleine à bosse et son ventre blanc cannelé de sillons profonds, ça m'a frappé, j'ai du laisser échapper un "oh !" et faire une drôle de tête illuminée en dormant. Elle a frôlé ma main quand je tâtais la température de l'eau, filant légèrement inclinée sur le flanc pour se chatouiller et gratter aux herbes, aux algues, aux cailloux et coquillages du bord, dans l'eau tranquille de la passe dont je longeais en rêve les rives et c'est en voulant appeler, toujours dans mon rêve, ma compagne qui regardait ailleurs des sternes batailleurs en train de nidifier à même le sable, que je me suis réveillé.
Ensuite, quelques minutes, ou peut-être secondes, après, il y avait une punaise verte bien vivante, entrée je ne sais comment, sur mon lavabo où je faisais, au lever immédiat, une toilette de chat avant d'aller voir le ciel encore noir. J'aurais pu la noyer ou l'écraser, j'ai ouvert la fenêtre et fait envoler la bête dans l'air.
C'est alors que j"ai réalisé, une fois de plus, à quel point ce monde qui, généreusement, et pas pour son bien, nous englobe et nous porte, pourrait fort bien, un nouveau jour, se passer de notre conscience et de notre présence.

samedi 24 novembre 2018

arbre

J'aurais du faire ce article plus tôt,
vu ce que j'ai déjà planté comme arbres et coupé comme branches
feuillues ou piquantes.
Sa cime, ses racines, son développement, ses fruits,
arbre exploité, porteur d'abeilles et de miel,
ses fleurs, ses aiguilles ou ses feuilles qui tombent,  jonchent, tapissent de flammes,
paradigme de vertus, 
totem vivant, 
arbre tu es un homme debout résistant aux vents, bras étendus en pylône,
aux saisons, aux déluges, aux humeurs passagères,
                                                                                  aux inutiles déplacements.
Enfermé en ton écorce poreuse tu subis et supportes et absorbes les variations de lumière et de bruit maudit, repère des nids, tremplin,
poumon immense et multiple du ciel humide ou sec, parfumeur du souffle,
producteur du bois de nos vaisseaux, mats, tables épaisses, charpentes, cercueils, caisses et containers et théâtres de planches.

samedi 17 novembre 2018

amphigourique

Le discours amphigourique trouble la perception.
On s'applique d'abord à comprendre puis on s'interroge et on doute.

Faut-il aller de l'avant ? se risquer à essayer réellement ? faire un effort supplémentaire pour passer outre ? chercher en-deçà ou au-delà ? Un référent, vite, une bouée, un amer, je me noie . . .
Ou est-ce du pipeau ? du burlesque obscur ? parodique et approximativement imité d'une érudition récente ?
Le fait est que, par je ne sais quel travers potache et sénile à la fois, sans doute,
j'aime l'amphigourique,
l'amphigourique arrondi . . .

. . . et gladiolé.

Celui qui rend heureux par une sorte de bravade, de défi au sens et aux fins dernières, y compris les plus funestes, par excès subit de dépense, d'énergie, contre tout discours ravalé, par constante reprise de rodomontade roublardes, rageuses, rogues et raisonnées . . . .

vendredi 16 novembre 2018

Villes mortes.

Non pas que je n'aime pas les villes vivantes et leur cœur troublant. Tellement de dérives . . . j'ai pu y faire et encore aujourd'hui. Je suis un marcheur. (Mauvais esprits style début du siècle précédent, où ce mot avait un autre sens, prière de s'abstenir en matière de sarcasmes).
Mais j'aime aussi démesurément les villes mortes, les ruines, les cités antiques et dépeuplées.
Le virus romantique n'est pas près de disparaître parmi nous, je crois.
Le problème étant justement que ces villes mortes sont trop prisées de tous, pas seulement de moi et trop ressuscitées.
Rien de pire qu' Éphèse quand sont arrivés, presque en même temps; tous les bus chargés des visiteurs du matin, venus du monde entier et parfaitement synchronisés ou ne parlons pas de la Vallée des Rois surchargée de bateaux à ponton de contemplation stationnés en triple file sur le fleuve éternel et jadis nourricier et des temples  sauvés de la noyade par l'UNESCO dont les frises, les inscriptions ou même les colonnes sont impossibles à entrevoir  derrière les haies ou masses compactes des visiteurs agglutinées.
Alors débrouillez-vous pour essayer, au moins sur de petits tronçons, d'être à contre-courant du flot occultant.

Mon meilleur souvenir du Machu Picchu que j'ai vu sept fois comme chacun sait parmi mes lecteurs lassés de l'entendre, autant que mes amis nîmois, ce fut juste après un attentat. Il n'y avait personne sur le site, absolument personne . . . sauf, hasard non prémédité, une courageuse miss Pérou venue avec une armée de photographes essayer de relancer la machine touristique.
L'admirable Pétra, j'ai réussi à la parcourir à l'envers en marchant dans la solitude et le silence sur le parcours retour dans cette vallée-gorge-couloir, très lentement d'abord, jusqu'au théâtre taillé dans le roc, en louant un dromadaire qui, courant devant la foule, l'a facilement dépassée d'abord et semée au départ et m'avait emporté au bout désertique à l'arrivée des envahisseurs.
Quand à Angkor-Vat que je n'ai jamais vu qu'en rêve, à une époque où passant finalement non loin de là c’eût été possible de m'y rendre n'eut été la disparition du prince Sihanouk et la longue guerre suivie du génocide que l'on sait, que je visite souvent par tout autre moyen, filmé ou représenté, je ne l'ai jamais connu, et n'ai été jamais si transporté par sa vision qu'enfant, avant l'âge de sept ans, qu'au travers de ces images doubles sur plaques de verre en noir et blanc qui permettaient, en stéréoscope, en les plaçant dans un petit appareil portatif ressemblant à des jumelles, de le voir en relief.

Abaque, terme d'architecture ou . . .

Si Léonard de Pise, appelé aussi Leonardo Fibonacci, dans son livre des abaques explique en 1202 la multiplication des lapins à partir de la suite d'entiers qui porte son nom :
0,1,1,2,3,5,8,13,21, etc . . .
c'est bien parce que Gerbert d'Aurillac qui devint pape sous le nom de Sylvestre II, mort en 1003, avait fréquenté le monastère de Ripoll en Catalogne où avait été traduits des manuscrits venus de Cordoue
ce qui lui avait permis de fabriquer cet abaque dit précisément abaque de Gerbert où pour la première fois en Occident chrétien étaient utilisés les, tellement plus maniables pour les calculs, chiffres arabes.

L'abaque étant en ce sens d'antiquité comme dit Littré, une tablette recouverte de sable où les anciens dessinaient des calculs, remplacés par des cailloux (autre sens de calcul) puis des boules formant boulier comme en Chine,
mais aussi
une terme d'architecture
une tablette qui couronne le chapiteau d'une colonne
d'après Jules Adeline, auteur d'un lexique fameux en son temps (1884).

Bref, l'abaque, ancêtre de la tablette numérique et des algorithmes qui la gouvernent renforce aussi, par ailleurs, la stabilité et l'efficacité des colonnes. Voilà donc un mot particulièrement méritoire et édifiant - bien qu'en hébreu il désigne d'abord la poussière et son infime grain qui nous attend tous et qui recouvre tout - que nous aurions tort de renvoyer aux seules subtilités des mathématiciens et encore moins aux oubliettes ou aux gémonies.