lundi 23 septembre 2024

(un . . . sur une . . .)

C'était un matin comme les autres, d'intersaison, de passage du chaud au premier froid. Un matin d'après un court voyage qui changeait tout. Passage de l'eau à la terre. Passage de la mer encore tiède, du bain en apnée transparente aux humidités et giclures de boue de la terre après les fortes pluies, aux feuilles tombées bouchant les canalisations, aux herbes folles montées en graines entre les pavés.

J'ai mis le pied en nageant au loin, un peu (peut-être trop) loin, chaque fois je me fabrique une émotion me disant que je pourrais ne pas revenir, j'ai mis le pied sur un sol que je voyais nettement apparaitre, petite surface ovale, corps, une peau, carapace, une terre , affleurant à moins d'un mètre cinquante de petite profondeur, alors que je pensais être au dessus de six ou huit mètres d'eau au moins, peut-être une dizaine. J'ai tout de suite pensé que je marchais sur une tortue. Une de ces tortues qui portent la sphère ou la galette du monde dans les mythes fondateurs. Mais en vrai, par rêvée.

Car c'est une tendance qui s'accentue à mesure que passe le temps, mon temps imparti : rêve et réel se rejoignent, se recoupent de plus en plus, décalques l'un de l'autre. Dessin au papier (sur) calque, quel est la part de solide et original, primitif, dans ce recouvrement des transparences ?

Bref j'ai posé le pied et ça résistait, ça me portait, j'étais parti au large et pouvais déjà atterrir.

Sur une île ?

Curieusement ce n'était pas tout. Ce n'était pas qu'une surface. J'en avais bien conscience. Plaque, trappe ouvrante ou passage plus subtil dans le sable (ce sol était doux au pied) j'arrivais, non ça n'avait pas l'air d'être une bête, tortue, baleine, dos de cachalot ou de dauphin émergeant, . . . j'y reposais le pied et j'entrais sous cette peau par un étroit et rapide couloir dans le paysage secret d'une vraie . . . . terre isolée, île. 

Une île qu'il faudra bien un jour, bientôt sans doute, montrer et dépeindre.

Une île dont tout le monde a pu une fois dans sa vie voir, entrevoir . . . quelque chose. Chacun à sa manière. Sous un certain angle. Après un choc. Au détour de pérégrinations et cheminements lents. Ou à force de ramer ou de nager dans des étendues interminables. Au bout du compte l'inattendu simple.

. . . . . . . . . . .

La mienne était peuplée d'hommes et de femmes enturbannés. Il y avait des bois et des vignes.

Je n'étais nullement surpris d'y tenir ma place. 

Il fallait entre autres que j'y sélectionne des parcelles et y goûte des vins. Il fallait que j'y joue un rôle d'arbitre ou d'expert alors que ce genre d'intérêt et de spécialisation n'est pas de mon ressort. Oui certes j'aime la terre, ses cultures et ses produits mais je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler un très subtil connaisseur ni un palais éduqué et averti.