L'importance du jardin, seul paradis.
Mais n'est pas zen qui veut. Le jardin occidental n'est pas si souvent le lieu de la méditation silencieuse ou celui de la rencontre avec les amis, il est aussi bien, plutôt même, le lieu d'un drame originaire et répétitif.
Lieu de tentation et de jalousie plus que de plaisir et de philosophie.
Un jour j'ai eu des amis dans une copropriété fabuleuse faite de jardins suspendus dominant la mer, Babylone ou Ninive surplombant un coin de Méditerranée paradisiaque avec une petite île juste à côté presque en face qu'on pouvait gagner sans beaucoup se fatiguer; c'était d'autant plus le rêve du paradis sur terre qu'ils avaient projeté ensemble, en communauté, l'édification de l'architecture avec terrasses décalées ne gênant les voisins ni par le bruit ni par la vue et ces appartements enfouis dans la végétation, enfoncés dans une façade végétalisée que tout me monde admirait de l'extérieur, qui devaient leur servir d'abord d'appartements de villégiature, quelques semaines par an, semblaient voués à devenir leur résidence principale et finale, une fois gagné l'âge de se retirer, au moins partiellement des affaires, et de jouir à plein temps d'une quiétude entourée d'amis et d'une proximité du bruit et de la vue de la mer.
Fatalité.
Ces gens relativement fortunés dans tous les sens du terme, en sont venus, malgré leurs affinités, leurs intérêts en commun, comme dans certains biens en copropriété verticale ou horizontale d'ailleurs, à se tirer dans les pattes, à se critiquer, à se brimer, à se scinder en factions ennemies, à se trouver des raisons de ne plus s'entendre au point de s’entre-tuer verbalement dans des assemblées moins communautaires que liberticides.
Il n'est de paradis que caché, qu'entourés de murs, les anciens Perses le savaient bien.
La tentative de reproduire ces jardins idylliques en les empilant les uns au-dessus des autres était risquée, peut-être vouée à l'échec mais on va s'y remettre un de ces jours. Le souvenir des fontaines ruisselantes et des plate-bandes luxuriantes n'apaise pas toujours les hommes superposés, encore faudrait-il les civiliser comme on jardine la terre.
Ainsi, radical faute de mieux, individualiste à outrance comme un chat échaudé, mais plutôt que le patio, l'atrium, l'étroite cour pavée où jaillit la fontaine, hostile à trop de murs, aux barrières autant qu'aux communautés repliées, j'ai choisi, refermé sur lui-même par les végétaux mais donc ouvert aux risques, aux essaims de graines et d'abeilles, plus dur à maintenir épargné des regains de broussailles (quel boulot, quels coups de soleil ici, quelle sueur !) et des envahissements de bêtes (sangliers, loirs, chats des voisins) ou de gens (j'essaie de les trier cependant), le jardin entouré de haies d'oiseaux et de bois feuillus persistants jouant avec les changements de lumière et les pénétrations du vent à l'infini.
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