Mais non.
Si nous prenons l'ancienne "route de la soie" Asie-Europe nous n'arrivons pas là.
Porte ouverte aux plus grands navires ce nouveau port péruvien, ce méga-port s'apprête à concurrencer et déplacer tout un courant atlantique vers le Pacifique et à jouer sur l'échiquier qui va de Los Angeles à Sidney, Singapour et les Philippines en passant par Shangaï.
S'il fut un petit lieu tranquille, un peu port de pêche, un peu station balnéaire et haut lieu archéologique ouvert à tous, ce fut bien la ville de Chancay, à peine plus de 30.000 habitants, au Nord de Lima, pas très loin, moins de 80 kilomètres, connue pour sa civilisation pré-incaïque.
Bonne fille son immense nécropole se laissait piller depuis les années 40 parce qu'elle contenait presque à ciel ouvert, si j'ose dire, de multiples tombes riches en tissus de cotons à motifs en guise de linceuls pour des morts dont subsistait encore parfois la chevelure, des poupées de tissus peints ou brodés qui accompagnaient leur voyage et de grandes céramiques quelquefois géantes.
Mais surtout des divinités protectrices des morts, toujours en couple. Homme et femme debout accueillant dans un monde meilleur les défunts.
Ces dieux ancestraux étaient appelés familièrement cuchimilcos, un nom inexpliqué sinon par des blagues issues d'une étymologie populaire dépréciative du genre "issu de l'enclos des porcs", ou "petits porcelets" mais ils avaient séduit plusieurs générations d'Occidentaux, venus bien après les Conquistadors destructeurs et indifférents, d'archéologues amateurs sans diplômes et sans scrupules, fouilleurs du dimanche, collectionneurs et touristes qui les revendaient et achetaient en guise de décor porte bonheur.
On en trouvait des files entières dans les vitrines des musées du Pérou mais aussi du monde entier.
On en trouvait aussi chez les particuliers, étonnant décor, posés debout ou allongés sur des présentoirs avec leur air de gros bébé nu et potelé et, quand il s'agissait de mâles, en mignonne et proportionnée érection.
Mais voilà maintenant que leurs bras tendus, leurs mains ouvertes, leurs yeux écarquillés, incapables de se retourner dans leur tombes, extraits, évacués et comme extasiés et excités devant la modernité, ils se voient contraints d'accueillir le nouvel impérialisme venu comme leurs très lointains ancêtres passés par le détroit de Béring, d'extrême Orient.
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