vendredi 10 janvier 2025

Divad.

Parfois, comme hier, mais c'est assez rare, j'ai la très fâcheuse impression que tout mon être se met et va à l'envers, 

de travers, à reculons, à rebrousse poil, dans le mauvais sens, se cabre, régresse, freine, stoppe net, refuse d'avaler la nouvelle route, se cale, renâcle, avale de travers, n'éprouve plus cette formidable envie foncière, déterminante, irrésistible d'habitude, envie d'avancer. Cette curiosité, cette fièvre de recherche et de découverte s'est transformée en impression de déjà vu, de lassitude, d'inutilité corporelle, mentale, à quoi bon ? Mon corps n'est plus que refus, stagnation. Immersion dans un monde figé. Néant. Un corps ligoté, ficelé de filoche, retournant à ces légères crampes, paralysies provisoires, agitations internes inutiles, dépression des muscles et tendons. Tout cela purement intérieur, faux mais infranchissable, enfermement dans la négation de vivre faite de petites douleurs envahissantes et paralysantes, plus que ça, poussant en arrière, sécrétant l'hormone du refus.

Si j'ai été bien long à décrire c'est que je n'y arrive pas. A décrire ce besoin de repos, de sommeil qui mis au pied du mur se heurte à l'impossibilité. D'habitude je m'endors et me réveille avec assez de facilité, presque à volonté. Là plus rien ne fonctionne hors cette sensation d'absurde et insinuante généralisation d'inutilité de tout, même du sommeil. Même plus être sûr qu'au matin il n'en paraîtra plus rien si matin il y a avec réveil aux aurores et quelques heures à peine de paix . 

Si je veux être en mesure d'expliquer ça, une fois passé ce moment, je peux m'en référer à l'intoxication que je viens de provoquer moi-même en prenant ces remèdes anti-douleurs et en arrêtant ça. Retour du quotidien moins planant en définitive que cette menace de la pointe dure, violente, de douleur dans le dos, la hanche et la cuisse, matée par antalgique simple ou cortisone et opium dormitif. Retour à ces petits obstacles de mon corps vieillissant qui bouge encore mais au prix de petites victoires et obligations quotidiennes que je m'impose et qui me font encore rêver que je suis en état, sans drogue aucune, sans ordonnance, que je peux lancer des projets et songer à de nouveaux parcours.

Et ce matin, victoire, c'est reparti. Appétit d'ogre. Penser à remercier tout le monde : mes ancêtres qui m'ont légué ces fibres fortes, organes résistants, tripes absorbantes, cœur de bœuf ou de colibri, concentré de pompe, cervelle agitée, esprits vagabonds et yeux voraces. mes dieux tutélaires Mercure et Aphrodite, et aussi Neptune des eaux et rêves intuitifs, à tous les dieux de la Grèce et des profondeurs oublieuses et plus encore, Eshu et Ekeko, dieux des Afriques et des Andes, dieux de la terre argileuse dont je suis construit, rouge Taronus, dieu des Volques tectosages, merci aux guérisseurs du Ndeup lébou et Mères de Saint du Brésil, aux maîtres des vignes amazoniennes, chanteurs de mélopées et guides des enfers.

Que la paix règne sur tous ces corps souffrants, ces esprits dérangés, orientés à tort et à travers, douloureux et agissants, égarés, que je vois chaque jour hurler autour de moi.


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