Plutôt que de vous parler de ce qui était envisagé aujourd'hui, un peu abstrait, à peine arraché à l'obscurité ou totalement intime, enfoui dans les circonvolutions à images, souvenirs et irruptions de pensées naissantes, de filières de sentiments, de prédilections et de répulsions, ce seront les pirogues qui formeront le thème qui me convient nettement mieux par ce temps gris et froid de souvenirs secs,
les pirogues et le mouvement d'eau qui se forment quand elles avancent, fendant le courant, pirogues qui soulèvent l'image, l'impression, plus elles vont vite, qu'elles pourraient à chaque instant,
pirogues maritimes ou fluviales, lacustres, franchissant les vagues ou remontant le fil d'un fleuve immense comme la mer, chavirer.
Parmi les premières, ces pirogues sénégalaises aux très vives couleurs, la rouge et la bleue, chaque jeune chef batelier s'époumone et appelle pour que soit choisie sa barque, ornées de motifs anguleux, peints et sculptés en blanc et noir qui en font des serpents, des bêtes, des dauphins, des crocodiles, des flèches, des ponts, des pontons et passerelles mobiles, nous conduisaient en fin de semaine vers ces îles proches de Dakar où nous pouvions nager dans des bancs de poissons immenses, perdus dans cette ondulation en filets, en grappes, en cascades sous-marines, intégrés à ces mouvements confondus aux éléments où chaque poisson, facette à revers sombre brille tour à tour en passant dans le rayon qui traverse le flot entre deux rochers, sur le sable blanc ou gris;
mais aussi celles des pêcheurs de Saint Louis pour apercevoir la ville ancienne, de loin, de la mer, si belle à l'horizon de l'histoire si cruellement présente là , perdue, maisons à étages vénérables des signares et des chevaliers vainqueurs esclavagistes, des fortunes amassées aux carrefour des eaux,
ou celles sillonnant l'Amazone large comme la mer, fièvre du caoutchouc bien largement retombée, ruines de riches parvenus,
emportant vers la forêt immense, chargée de bêtes, de cris, d'insectes, où maintenant ont circulé, armée de libération appui des gangs, toutes sortes de matières, de malédictions, de misères, de messagers de mort,
un vent chaud passe sur nos visages, rien du monde n'a changé,
drame et redrame, le lac Kivu immense, étale beauté, grandeur, tremblements de terre et d'hommes, massacres ajoutés aux massacres.
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