Rien, juste un point de départ de cette rêverie. Mais c'est un mot que je n'aime guère.
Disons réflexion désarticulée. Oui j'adore les ponts jetés d'une rive à l'autre. Les liens qu'aucune spéculation raisonnable n'établirait en suivant une logique autre qu'analogique.
Je me souviens de l'avoir visité, ou surtout vu d'un peu loin se profiler, étant enfant, ce viaduc exemplaire. Oeuvre non pas de l'illustre Gustave Eiffel mais de l'ingénieur Paul Bodin, l'un de ses concurrents ayant débauché, pour accomplir la prouesse, le principal maître d'oeuvre du plus illustre que lui. D'où record, ouvrage le plus long de ce genre au tout début du XXe siècle, bien assis tout en légèreté sur ses deux pieds en ces lieux encore relativement éloignés de l'industrie et de la presse urbaine, lieux pour amateurs de calme échappant à la foule compacte qui inonde aujourd'hui les moindres sites marqués par notre histoire.
Je me souviens encore de l'admiration de mon père pour cet "ouvrage d'art" fait d'acier riveté enjambant comme une évidence mathématique cette vallée perdue.
Nous étions loin de ce qui aujourd'hui ramène dans ces contrées mon attention fluctuante, flottante, parfois folâtre et prompte à s'évader sur de nouvelles routes pourvu qu'elle s'échappe. (J'ai du donner bien du mal à certains parents, éducateurs ou supérieurs qui pourtant me voulaient du bien et tentaient de me ramener à des exigences plus terre à terre. Et qui avaient tellement de mal à croire que, roi de l'évasion, j'avais les pieds bien posés sur cette terre cependant, ici ou ailleurs ! )
En l'occurrence tout à l'heure c'est cet ogre, ce géant, ce Gargantua de François Bon qui m'a transporté ou ramené, par un pont d'une toute autre sorte, dans ces contrées et ces racines perdues. Et comme par hasard à propos de cet ogre, ce géant, ce forçat gargantuesque de Balssa dit Balzac, voire même Honoré de Balzac, dont les origines familiales bien modestes se situent précisément là, au bord du tantôt ruisseau, ou torrent, du cours d'eau Viaur (via aurea tamisée longtemps par les orpailleurs) entre Albi et Rodez.
En effet c'est sur ces rives que vécurent les Balssa.
Je me souviens d'un prof de lettres émérite qui s'était fâché quand je lui disais que "de Balzac" n'était pas seulement Balzac tout court mais Balssa de son nom d'origine rurale. Je l'avais lu dans une publication locale mais alors, je ne me doutais pas que ce nom renvoyait à une affaire criminelle. Qu'un ancêtre, un parent proche, un frère de son père de notre Honoré de, jugé et exécuté pour ce crime à Albi, avait lui-même tué ou commandité le meurtre d'une pauvre fille engrossée par ses soins ou celle d'un autre amant. De sa voix qui ressuscite, François Bon nous en dévide tout le fil pittoresque et circonstancié, lisant le petit livre d'un magistrat balzacien qui s'est donné la peine de retrouver les circonstances et attendus du procès.
Grâce lui soit rendue, entre autres, entre autres travaux de divulgation et de solidarité plumitive, pour ce travail de bénédictin, de romain, d'érudit grandiose, réveilleur de morts, découvreur de pépites cachées à la vue de tous.
Irai-je jusqu'à dire que La Comédie Humaine trouve ici l'une de ces sources ? Fuite à Paris, changement de nom, entrée dans le grand monde, telle fut l'une des premières leçons données au jeune futur prodige.
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