( Ceci n'est pas un hymne ) abécédaire.

commençons par le A de 

A

bécédaire ni voué à l'infini ni au diable, ni au genre humain, ni à tel être suprèmemement;

 pur rassemblement de particules, table d'insectes, abaques, ici aucune apologie ni jusification, aucune glorification, il s'agit seulement de traquer mot par mot ce qui court dans une tête en mots et de l'épingler à mesure, de le coller là ou du moins, ceci n'est pas non plus une collection d'insectes ni un herbier, de le saisir au vol vivant, de le capter comme en photo, oui ce serait, c'est un peu ça, photographier au passage ce qui se passe dans la tête, quel que soit le désordre ou la logique mystérieuse de ce défilé, de ces colonnes de fourmis dévoreuses, besogneuses, guerrières

mais l'image est très imparfaite puisque ces captures vont bouger, gigoter, changer et l'alphabet trompeur, semblant absurde de mise en ordre, ne servirait (laissons-le donc dans le désordre de la chronologie, de Chronos le grand dévoreur), qu'à classer provisoirement ce qui s'écoule, tiroir de naturaliste, étagère poussiéreuse, fragment de page d'où s'échappe sans fin le fil et arrêtons-nous là./

Gratter.

G de gratter (avertissement ce court texte sera fréquemment effacé et réécrit étant très imparfaitement articulé et très provisoirement illustré),  le Ghimel ou Guimal archaïque est un chameau de l'alphabet hébreux qui survécut au désert.

Là où ça gratte, réécrire, effacer. 

Gratter la peau, laver le cuir (travail mégissier), faire peau lisse de la pelisse, réécrire (ce qui n'a rien à voir) un tout nouveau texte, graver, entamer de la plume, dessiner des lettres au pinceau. Recouvrir Cicéron par Augustin d'Hippone, ou un écrit reproduit d'Archimède sur sphère, cylindre et cercle par des psaumes chrétiens entre neuvième et treizième siècle, ou encore, lever le nez au plafond du chateau de Montaigne, recouvrir ses solives de citations se recouvrant. Tout ce qui est visible est palimpseste. Villes, visages, collections du Vatican, paysages mille fois modifiés, creusés, comblés, plantés, ensemencés de main d'homme, caves, archives, cadastres, modifications de tracés, voies. Tout ce qui fut effacé reparaîtra, ainsi je porte le visage d'un grand père mort aux premiers temps de la guerre et même ma façon d'ouvrir les portes a frappé mon grand oncle devenu très vieux et me voyant jeune  encore débouler dans sa chambre de retraite. 

Qui s'attendrait pourtant à faire et voir apparaître, par dessus ou aussi bien sous le gratté, effacé, ruiné, décomposé, ce qui fut détruit sans vergogne par le copiste, par le temps, par la guerre, la violence des invasions ou l'insistance de la pluie ?

Nullité de l'infime truc au milieu de l'universelle prétention en expansion continue.

N comme nullité. Ça devrait donner à réfléchir, normalement, humainement, individuellement, avant de lancer, bouteille de verre, frêle esquif ou lourd bastringue à triple fond, sur cet océan à plusieurs couches et en mouvement de courants, de profondeurs, destructeur par sa force et porteur salé, rongeur de petits ego jetés en pâture aux avaleurs dentus, aux vagues de surface, aux brumes, au hasard des chocs, aux reflux empoisonnés, au goût amer des perditions éparpillant poutres, pagaies, bouts de caoutchouc rouge, poubelles vertes, mazout collant, sacs transparents, radeaux inespérés, ce truc infime et débité en tranches. Commencer par là, le N et non l'Aleph.

Bien que l'antique aleph ressemble au N actuel.