mercredi 22 décembre 2021

Canard.

 J'ai quelques histoires d'oies et de canards sous la main ou plus exactement, figuration d'un lobe cérébral ? dans le corbeau gauche, dénommé Munin, qui m'accompagne et vient faire son rapport sur mon épaule, celui qui représente la mémoire. Non je ne me prends pas pour Odinn ou Odin, le dieu des dieux irlandais, mais suis, ancêtres nordiques, un peu à son image, venu du grand froid, guerrier fourbu et amoché, à l'écoute de ce que parfois transmettent les bêtes ou les profondeurs des rêves et du corps après ou avant de décisives batailles).


C'est la gaie Lucette qui la racontait cette histoire que, corbeau moi-même, je transmets à votre oreille. Après un repas fait de multiples plats que chacun apportait pour payer son  écot (égo sans écho) dans ces réunions nautiques qui avaient lieu en petite navigation de crique en crique, j'en profitais toujours pour nager d'un bateau à l'autre, petite armada de plaisance, entre La Escala et Cadaqués, d'où quelquefois nous poussions jusqu'au Cap de Creus, un jour où nous étions tranquilles, presque assoupis, par mer d'huile, à nous laisser griller au soleil, nous étions ce jour-là sur le bateau de son compagnon, un grand costaud qui engloutissait, on se demandait comment, nourriture et boisson sans presque piper mot, aussi silencieux qu'elle était bavarde, sa petite voix s'éleva sur fond de doux clapotement de la mer.

Donc, cette femme qui avait été institutrice et esthéticienne et avait eu plusieurs maris et était encore terriblement vitale et qui aimait lire et raconter, disait :

Un jour c'était dans la maison de campagne de mon premier mari et à l'époque, pendant qu'il chassait  avec des copains et le gardien, je lisais au soleil nue pour bronzer intégral; il y avait dans cette vieille ferme où vivait donc un gardien d'un certain âge, lui aussi parti à la chasse avec son vieux fusils à deux coups, toute une basse-cour autour de la mare noirâtre, des poules rousses ou blanches dont une blanchette familière qui venait picorer dans la main et une famille de canards dont un mâle à miroir bleu sur les ailes et parure verte sur le col, un gros mâle de quatre ou cinq kilos.

Ce qu'elle racontait ensuite, je ne l'aurais jamais cru si je n'avais de mon côté vu, vraiment de mes yeux vu, un canard s'échapper et courir sur presque dix mètres après que ma grand-mère lui eut proprement coupé le cou au hachoir, quand âgé de cinq ou six ans, je suivais ses occupations dans le jardin.

Vous savez tous, disait-elle, que cet oiseau palmé, est doué d'une force et d'une libido peu communes, mais de là à en arriver à ce qui m'arriva . . .

Au soleil depuis un moment et crémée d'une senteur qui peut-être a réveillé ses sens, le fait est que sortant de sa mare il a sauté sur moi et j'ai eu beaucoup de mal à m'en débarrasser. Que voulait-il ? Il semblerait que c'était clair à entendre ses râles et à voir son obstination à approcher de mes cuisses.




mercredi 15 décembre 2021

Viande.

 Le mot viande vient de loin car tout peut faire et a fait viande, des racines de certains légumes au saumon, de l'eucaristie au bouillon ou à la crème en passant par les viandes noires (gibier), blanches (lapin, poulet) aux viandes grandes (boeuf ou mouton), sans omettre aucune nourriture source de vie ou de survie. Ce n'est qu'au XVIe siècle qu'apparait  en français le sens restraint d'aujourd'hui, celui que les Catalans appellent précisément et grossièrement carnica

Les meilleures viandes que j'ai eues à croquer et sucer, je les ai eues en charcuterie ou volailles dans mon enfance, puis en Limousin  où existait un élevage exemplaire, beaucoup plus tard - à Limoges on peut encore  parcourir, étroite dans le centre, une rue dite des bouchers - et bien évidemment surtout en Argentine ou en Uruguay, où consommées avec des frites coupées et cuites de telles façon que au lieu de frire en se racornissant elles gonflent délicieusement, du moins, la première fois où j'y ai été dans les années 70 du siècle dernier, avec des jours avec et des jours sans, règlementés par décret, veda, puisqu'à cause d'une grande crise économique il fallait la réserver, cette viande quotidienne pourtant si nécessaire et en abondance pour tout travailleur gagnant son pain dans une hacienda étendue sur des kilomètres dans la Pampa, à l'exportation pour y gagner les devises, dilapidées par les gouvernants, déjà.

Feux de sarments, grils en plein vent, le sud pour moi est plein de cette odeur de bêtes grillées les jours de fête.

Disons, raisonnablement, ce n'est pas tout à fait gagné, que me voilà peut-être moins carnivore et carnassier.

Parcimonieuse et restrictive modernité. Voilà qu'elle entrerait peu à peu dans mes veines, aussi hostiles sois-je, ai-je la chance de pouvoir être, aux régimes et aux prescriptions diététiques, par chance de complexion.

Quand je relisais récemment l'histoire de Robinson Crusoé dans toute son extension, avec son lot d'aventures extérieures au récit le plus connu, ce que je n'avais jamais fait que par bribes jusque là, c'est ce comportement du marin anglais perdu sur son île oubliée, bel échantillon de cette humanité conquérante qui a fait la richesse destructive de l'Occident, méprisant et châtiant durement les sauvages attachés au cannibalisme, 

et pour son compte ne considérant l'animal, même domestiqué, même apprivoisé, que comme outil ou viande à extraire et exploiter en disposant à volonté de cette réserve inépuisable où il est livré à l'humanité.

Comment ne pas faire le lien entre boucherie et massacre, élevage et camps d'extermination, plaisir à mordre dans la viande juteuse et cannibalisme, éducation des hommes à la cruauté et à la jouissance indifférente aux souffrances du vivant, guerre contre notre ou les espèces et abattoir, entraînement de la conscience au non respect de la vie ?

dimanche 14 novembre 2021

Vrac.

 Rien de sûr et certain mais j'ai peut-être enfin trouvé en quatre lettres, un bout, un tout simple titre, ou un morceau de . . . au moins; faudra-t-il encore chercher d'autres fragments, pierres aiguisées, racloir, pointe de flèche ou propulseur gravé, à cette autobiographie interminable, inutile ? déchargement d'un vieux navire / autres souvenirs multiples radoubés / dans cette odeur si particulière et parente des ports, goudron, rouille, humidité, sel dégradé, battements, grincements, raclements, carburants sales, drôles de désirs de partance, échapper à cette violence des ports, rencontres polyglottes, cris, tentations de renouveau, fréquentation d'aventures, ( . . . virées interlopes  . . .) marées répétées, contacts violents du sol maculé de tant de pas, huiles, luttes, raclements, reprises, grues agitées par le vent qui grince, gémit, bat, grèves, combats, blocages, contenu, palette de couleurs d'innombrables containers, chaînes qui grincent, cargaison aussi peu ordonnée qu'un tas de graines grasses de colza ou de harengs, mais qu'il serait ici même, à quai, enfin amarré, toujours possible de remettre dans un ordre alphabétique sans intérêt, ou beaucoup plus difficile, voire impossible de reclasser dans l'ordre chronologique des faits individuels ou collectifs auxquels renvoie chaque bribe d'ancienne vie jeté là avant d'être engloutie, effacée, frappes et reprises dans l'illusoire dans l'interminable urgence.

Ce titre ce serait, j'y suis presque . . . avant de passer à la trappe. Simple plaque sur le caveau , pierre, ciment brut, ou cendre perdue. 

Et bien justement c'est ce que j'ai tenté au milieu des criailleries, sirènes de départs et grincements de chaînes, au lancinant appel de machines lourdes qui reculent lentement, et tenterai encore , vainement, inutilement, sans illusion, de faire : transcrire dans l'immédiat aussi bien les resurgissements et entassement syncopés, traces à relire, décrypter, écriture sympathique au jus vert de cerise, révélée à la poudre blanche de suc de figues, éviter l'industrie, la chimie, rechercher le végétal, le fruit, sauver le jus qui fut délicieux au milieu de l'encrassement industriel, donc concomitamment dans la cale ou l'arrière cale de ma mémoire, placard abrité des machines, et y remuent encore, par effets de secousses ou de vitalité non éteinte, ou dans ce tonneau invisible, portatif et virtuel que je roule avec moi, matelot des ponts lessivés, apprenti marin maladroit, assommé par la bôme, rejeté sur les bords d'étendues maritimes, naufragé, exténué et revivant, poumons salés, un temps guetteur de haubans, tête agencée en feuillets, lamellée en carnet pour y consigner à vif, dans la pulpe et la chair, ces impressions gravées, en écriture analphabétique.

Il y a là un truc prodigieux et mégalo que j'ai rêvé un jour il y a au moins trente ans, assis et confronté à ces feuillets sur la même table de travail, déjà installée dans la même ville mais dans un autre logement, tout en haut d'un très vieil immeuble avec petite vue sur le clocher non abattu (l'autre à jamais disparu, guerres et religions) de la cathédrale Saint Castor, édifiée sur les bases souterraines du temple de Jupiter tonnant, lors d'une halte entre deux postes avant de repartir, sur un bureau laqué noir mat fabriqué à Milan, le même qu'aujourd'hui, mais aujourd'hui placé sur écran face aux oliviers, aux chênes et au murier, dans ma retraite si éloignée de tous ces longs déplacements. Cette accumulation de feuilles au format réduit derrière lesquelles je communique, aujourd'hui comme hier, qui forment un écran qui me cache et me révèle. 

. . . . / . . . . . . / . . . . .

Et voilà que maintenant, ayant vécu, je peux me consacrer à ce rêve qui n'aurait pu se réaliser avant : mettre ma vraie vie en vrac vivant, . . . . . / . . . . cosmonaute éloigné, communiquant, ne bougeant que bien peu, flottant, emporté en orbite  au loin, survolant . . . avec vous par ces machines complexes, . . .  suspendu et soumis à quelque chose comme un vieux telex (sait-on même s'il communique ?) qui continuerait à fonctionner indéfiniment, aveugle machine, battant le vide (qui le capterait encore) sur un cargo fantôme ne pouvant décharger sa cargaison d'abord fragile, tendre, pâteuse puis mobile, agile et vive, ou tendue et je ne dirai pas musculeuse mais nerveuse et forte, devenue sèche et feuilletée, que par ondes interposées, intermittentes, en vain et en vrac.



mercredi 3 novembre 2021

Souvenirs en foule et confus . . . , clairs cependant, confondants, de Buenos Aires.

Envoi de cartes postales intérieures, photographies noircies, ou pâlies décalques assemblés sans ordre, images intempestivement collées, prises aux mailles d'impossibles retrouvailles, rendant  croyait-on ? impossible une quelconque vérification aujourd'hui, jetées en vrac, communiquant cependant en surface, émergeant des limbes, gluantes et incrustées ou profondément imprimées ou gravées telles des sceaux, d'inutiles médailles, figées quelque part dans les profondeurs de mon crâne de zombie vivant et longtemps voyageur, porteur de labyrinthes que personne ne connaîtra dans la singularité de leurs images, souvenirs mouvants, accolées et superposées, bloqués dans des lobes gris, dans d'étranges culs de sacs inévitables face aux illusoires portes ouvertes peintes sur de faux passages obscurs, images renvoyant toujours à d'autres, appelant un sens inattendu ou trop attendu mais que rien n'éclaire.

Carte postale pas du tout  en mode "Bons Baisers de B.A". 

Cartes postales collées en vrac. Transparences, résurgences. Plaies.

Rien d'expéditif, de touristique, de romantique, de résumé en fictions plus ou moins policières, ou de réellement littéraire et ordonné en récits à tiroir. Une profondeur ni lumineuse, ni glauque, un empilement de ruines, couches datées, qu'il faudrait passer au crible, situer dans un reportage documenté impossible, étant donné l'état de ces vestiges, étant donnée la confusion des épisodes emboîtés. . . . mais peut-être pas, je ne me livrerai pas à ce travail muséographique, juste rendre visible ce chantier en désordre, miroir individuel, incursion personnelle, récit sauvé des effacements du singulier accidentel.

En rendrait compte peut-être, visible et explicite, ce peintre dont la sœur torturée était portée disparue par la dictature, qui longtemps après ne pouvait peindre que des ampoules éblouissantes éclairant des plafonds de caves, geôles, cellules, culs de basses fosses,  lieux humides, sombres, clots, lieux de supplices. Il m'avait fait jurer de refuser toujours d'aller y travailler.

. . . c'est que Buenos Aires est une ville d'Europe déplacée dans le temps plus que dans l'espace.

J'y suis passé plusieurs fois et on aurait pu m'y propulser, m'y accrocher. J'ai longtemps réfléchi à ce choix. C'était un poste de choix justement, prisé, surévalué sans doute par tradition de passion francophone de certains habitants du lieu; par effet de reflet, mimétisme et est-ce un hasard si les écrivains et cinéastes argentins son si prisés dans notre beau pays ?

Passionnante B.A. mais , reflets cachés, terriblement trouble pour les repères de mémoire. Ville de sociétés secrètes. De murmures mortels;

B.A. ville  miroir, cependant clairement située, impliquée dans ce dédale-là des humeurs de ma tête, hémisphère Sud / hémisphère droit du crâne mien qui en contient quelques miettes, fait de lacis et replis en cerneaux de noix, peau brune sur la chair blanche, graisse, huile, acidité comprise, écran instable, architecture de bibliothèque infinie, quartiers délimités, zones et plan bien découpés, pages ouvertes, déchirées, coupes sur verre en transparence, communication mentale des rues, avenues, passages, entre Barcelone et Milan (oui c'est un peu rapide comme comparaison  et rapprochement mais inéluctable), de ces cités loin de la mer ou lui tournant le dos, de ces cités qui communiquent entre elles comme chez Julio (Cortázar, l'exilé), franchissant l'Atlantique par mille moyens, canaux connus, modes, migrants, bateaux, transbordements, richesses d'univers occidental conquérant, nominations d'ambassadeurs, commerce, leur architecture typique de cette Europe XIXe siècle (authentique parfois ou répliquée peut-être, qui peut savoir  ? / étrange méthode de transfer, reflet, reproduite à l'envers, échos. . . sait-on assez que nulle part au monde qu'à Paris et Buenos Aires on n'a un telle dévotion pour la psychanalyse et son culte des mots ? aucun rapport sans doute . . . 

. . . cela demanderait à être étudié géométriquement, à être expliqué savamment, fausse homologie) de villes sœurs, parentes ambigües.

Et aussi interviendrait, s'interposerait, pour tenter vainement de comprendre ce texte si dense , lumineux et rapiécé, de Walter Benjamin sur ce thème si rebattu depuis, obsession des passages dans Paris capitale, conçu dés 1924 et reconstruit, remodelé, enrichi, repris jusqu'en 39, qui ouvre et juxtapose un lacis, un réseau d'explications de raisons géographiques, sociales, historiques, économiques entremêlées, conjuguées, en infinitude reportée de  réassemblage de travail en cours. 

Ce rendu du monument de Port-Bou qui tombe en enfilade dans la mer qui bouillonne inutilement romantique et noire à ses pieds.

Dans ces ville où fleurit, spécialement dans la première partie du siècle entre Louis-Philippe et Louis-Napoléon Bonaparte pour ce qui est de la France, l'expansion bourgeoise, industrielle et esthétique et se percent des tunnels urbains, dans l'épaisseur de bâtiments vénérables, d'une rue ou d'une place à l'autre, existant toujours, le plus souvent, éclairés par de hautes verrières, voutes vitrées sur le ciel, où s'expose le luxe et où ce qu'il en reste aujourd'hui permet encore de voyager dans un monde allant depuis longtemps, verrouillé, en vrille,  d'une rive de l'océan à l'autre, à sa perte.

Au milieu de ces parcours, m'assaille, front contre le mur, en désordre, ce recueil d'images sans recul :

nous fêtions l'anniversaire et le bientôt départ d'un . . . . qui avait, il était généreux, mais peut-être était-ce au mauvais moment, épousé lors d'un lointain séjour, une Argentine, . . . . lui qui , chaleureux, n'était pas en cause. . . encore sans doute savait-il mieux que tout autre tout cela . . . 

. . . le vin qui était bon mais portait (erreur ) un nom de fromage français, erreur ! erreur  grossière ! par zèle maladroit à imiter le pays modèle en expansion, colonies et oeuvres de bouche, recopiant la mauvaise étiquette, grave erreur d'odorat, impardonnable, coulait à flot et dans ma tête je savais qu'un jour, c'est un pays où traineront toujours quelques soupçons, où beaucoup après avoir fait les mauvais choix, conscients de ne pouvoir contourner ou de quelque manière éviter les écueils de de ce choix, avaient fui, . . . . . et pendant que nous fêtions je pensais justement à cet autre . . . tout autre . . . qui n'avait rien à voir mais se trouvait là , encore à la tête de l'institution locale, reconnu par Paris, qui provenant d'une autre époque était encore là, présent, lui, débarqué et logé à la tête de l'institution vénérable, lui hélas . . .  déclaré et remarquable et zélé suppôt de Pétain, resté là-bas, dans son pays, du côté de la vieille Europe rongée par les guerres, au plus haut de la hiérarchie, le plus longtemps qu'il avait pu, encore parmi les derniers sur le bateau en train de sombrer après la prévisible déconfiture . . . tous les autres, ministres et sous-ministres pronazis déjà partis, lui, dans le vide laissé, monté au sommet, devenu l'un des premiers, zélé jusqu'au bout ou presque, il était d'ailleurs encore là, président honoraire de l'institution après avoir . . . . . remarquablement administré des lignes de chemins de fer, de son pays d'accueil, dernières lignes de fuite de sa carrière de suppôt de l'ordre et de soumission à l'occupant, honneur perdu, famille, patrie, horreur des camps, dans son nouveau pays d'accueil, où beaucoup pensaient comme lui que le pire ennemi était, pays d'accueil des fuyards impliqués au massacre, les syndicats communistes et bien évidemment, par tradition chrétienne  vénérable, l'immense peuple impur des Juifs . . .

mardi 26 octobre 2021

Nouvelles des dessous du Mas Dingue.

 Combien de fois découragé bien qu'opiniâtre, 

par tant de soucis et de labeur, intérieur et extérieur, outre le comment va le monde et les amis qui tombent un par un dans la fosse commune du temps qui malmène et tue, car j'ai ici, de murs fragilisés, de tuiles, poutres et jardin, crépis, enduits, caves, de végétaux vivaces, constructions et mécaniques, empilé les contraintes, les pannes, les dégradations exposées, 

ou les inattendus, n'ai-je pas songé à me consacrer enfin au repos tant attendu ? 

ai-je songé à me retirer en pièces suspendues ? réduites à quelques mètres suffisants,

au tout haut d'une maison haute avec vue, sur la plaine, la forêt, la ville, la montagne ou la mer ? 

face à l'horizon où les nuages sont des pendrillons et des rideaux de théâtre.

Rêve utopique et vain sans doute; de repos aurai-je à coup sûr à satiété en éternel. 

Et si c'est pour retirer ma carcasse en cellule, capsule perdue dans l'espace, l'enfermer en bulle, face à l'écran-miroir découpant le monde en merveilleux et trompeur reflet biaisé, interposé, anamorphosé, voilé de tissus de fibules retenu, peut-être n'est-il pas encore temps pour moi. 

J'ai besoin de vigueur, rageur, travailleur fatigable, de pieds reposant à plein sur la terre et sa peau plate humide ou craquelée, de mouvements d'enfoncements, de frayage, de cheminements, dos courbé, de brouettes soulevées et simples instruments, dans la jungle de buissons odorants, lauriers, arbousiers, coupée de bambous en files et nappes dressées, vapeurs au sol dissipées, sous les arbres toujours plus grands, enlacement de fins et jeunes micocouliers aux petites feuilles vert tendre, parasols géants, pins sombres, verts chênes filtrant là-haut la lumière que je bois, et parqués en conifèrescontre le vent, de vignes, d'oliviers, amandiers, cerisiers, mûriers cultivés et des fruits pourvoyeurs.

Cependant, pendant que j'accumule les efforts pour amasser et ranger, classés ou presque, ou en vrac, les outils de mes travaux interminables, du râteau à l'échelle et aussi la scie et la lime, l'étau et la pelle, collection de marteaux, tant de métiers ont le leur, meules, encore hier ai-je utilisé sans courir et perdre mon temps pour aller les quérir en lieux appropriés, en longues files d'attente (je crois qu'avec la crise tout le monde plus que jamais est en train d'apprendre à bricoler, même les plus manches et empotés-patauds comme moi) de vieux raccords récupérés d'un robinet enlevé pour les remettre à alimenter un chauffe-eau tout neuf et mal monté par un spécialiste expéditif, oublieux et paresseux, pendant ce temps, le temps court et me ronge, stature, silhouette repliée.

. . . . . .                    . . . . .

Mais ce fut dans un tunnel obscur, sous la maison, la nuit tombée déjà, où l'urgence me saisit et là je songeais tout à coup en revissant et révisant filasse et pâte d'étanchéité avec une faible lumière aussi faible que les miennes sur cet univers où se termine bientôt ma course, à quel point ces travaux forcés auxquels je m'étais moi-même condamné, me rendaient heureux en somme . . . 

de tenir en main serré, dans un monde illusoire et biseauté, quelque tuyau d'alimentation arrimé à la clé . . . et en fin de trajectoire, de m'apercevoir, examinant à loisir bien qu'en situation de presse, le mécanisme . . . que ce foutu plombier pressé avait disposé, de telle sorte qu'on ne l'aperçoive que bien difficilement et que  conséquemment il avait carrément, négligemment, au dernier moment, oublié d'ouvrir une vanne.


mercredi 13 octobre 2021

Ile, Volcan, Feu. La Terre est une île, brûler la Terre.

Le peu que j'ai vécu de spectacles dantesques et de drames collectifs,
aussi loin que je remonte vers eux, 
ce peu je ne l'ai vécu que d'assez loin.
Ou dans un temps décalé de peu, 
passager d'un autre monde,
juste après le passage du fléau.
Ou même ignorant tout, à peine un peu avant le drame
et aussi parfois ai-je pu, aveugle, le traverser en fermant les yeux. 

Ainsi n'ai-je vécu la deuxième guerre mondiale battant son plein qu'au milieu de femmes et d'enfants dans un village ou presque rien ne manquait sauf les hommes arrachés au labeur quotidien, y participant et la subissant de plein fouet, chargés de fusils, de casques, de barda, de peine à avancer sous les tirs d'obus, ainsi ai-je beaucoup plus tard après n'avoir vu, sursitaire puis marié, travailleur et père, écarté d'à peine un cheveu du conflit, que les éclats  profonds, persistants, intérieurs à l'hexagone de la guerre d'Algérie, et n'ai-je été nommé au Congo, plus tard encore, que quand les Katangais et les légionnaires parachutés y eurent de force et de massacres à nouveau ramené une paix peu durable 

et jusqu'ici de volcans n'ai vus, Chimborazo, Montagne pelée, Soufrière ou Nyiragongo, qu'éteins ou bouillonnants et sans casque et subi que des tremblements de terre presque modérés.

Si du moins j'exclus le fait d'aller, traversant l'océan, loin des refuges d'une Europe presque pacifiée, parti pris, le sachant, marcher parfois de nuit au milieu de révoltés ou malfrats misérables et menaçants, chercher la guerre, moi qui l'avais si peu et de loin vécue, en des temps incertains, temps d'extrême misère dans ces pays aussi instables que des volcans, menacés constamment de dictatures, pris de mouvements de paniques tectoniques, en proie aux révolutions urbaines., aux massacres officiels ou en représailles sans fin dans les villages reculés, temps d'enlèvements, d'assassinats, de bombes.

Je ne fais donc qu'imaginer cette angoisse et ce désastre, le fait de devoir, sans rien pouvoir, rester immobile, sans secours immédiat, sans armes à la main, soumis à l'imprévisible, face à une force géante, géologique, d'être attaché, rivé aux pieds d'un volcan longtemps calmé qui se rallume et crache sans fin sa lave incandescente, bouclé dans une île éloignée et minuscule, aéroport fermé, quand on habite depuis des générations, ou pas, coincé au bord de l'océan noir, souvent déchaîné, sous l'abrupt d'un monstre réveillé.

Aujourd'hui, après un mois de calamités sans fin, je frotte mes yeux incrédules qui se portent vers ces habitants que j'ai vus heureux, vers cette île que j'ai tant aimé parcourir. Au milieu d'eux , accueillants, calmes, en recul des mouvements du monde semblait-il. L'infirmière m'avait massé le pied endommagé de façon divine, le vigneron boucané était fier de son bout de vigne aux ceps torturés, noirs de poussière et verdoyants, l'ancien garde-côte nous avait fait faire un bout de chemin sur les crêtes où se profilaient quelques dauphins pour voir de loin la tête et la coulée du volcan.

Précisément je l'avais choisie, cette île petite, parmi les Canaries, peut-être en souvenir des moments passés après leur indépendance tardive sur d'autres iles volcaniques, plus misérables et arides, arrachées à l'océan, au large de l'Afrique, parce que cette île en forme de feuille posée un peu à l'écart de l'archipel, est plus éloignée, moins courue, plus noire, plus brûlée encore que ses sœurs, Lanzarote l'hyper-noire qui fascina Breton et où Manrique a bâti sa maison unique et admirable, aujourd'hui scindée en tronçons de plages découpés en lots de villas jumelées ou bien la petite et sauvage Gomera qui demande grâce face aux invasions de croisières d'un jour ou encore Fuerteventura qui n'en peut mais face aux voleurs. Les voleurs de ce pseudo pop corn fait d'algues fossilisées, d'un blanc éclatant, qu'on trouve au nord de l'île et qui s'expose en trophée de chasse sur Instagram.

Hypnotisé par Tazacorte, village minuscule, une jetée, quelques bateaux, noir sur noir de lave pétrifiée, de sable et de poussière, établi sous la coulée du volcan Pico de la Nieve (quelle neige aujourd'hui ?) qui entame l'île de son énorme gouttière, sillon profond et noir irrémédiable, je m'y étais rompu les tendons dans la montée au sommet, les yeux rivés sur l'altimètre de ma montre à quatre sous.

J'avais aimé le Nord et surtout le Sud, forêts, vignes de vin de malvoisie, bananeraies, étendues immenses de terre déjà brûlée, noir de charbon de bois, noir absorbant et reflétant la lumière, noir Soulages, poussière d'enfer, souvenir de fournaises répétées, néant d'où la vie ressurgit encore plus puissante, naissance pure de la lumière, crue et contrastée dans ses couleurs, dans sa pâleur.

J'imagine mal, j'ai du mal avec cette fatalité naturelle qui nous surprend, nous indigne; 

voir cette croute incandescente qui coule et brûle, abat et s'avance, tombe dans la mer, cascade, agrandit la terre, réduit tout à rien, air brûlant, fumée toxique, feu en coulées, terre brûlée, eau évaporée, vapeurs, volcan et bouillonnement de la mer, terre qui revient aux temps premiers d'un monde enfanté sans nous  . . .

 . . .  j'imagine bien, en revanche, 

libre à nous, consciencieusement,  comme il nous revient, 

basculement de forces ravageuses dont nous sommes l'unique cause, 

là où les volcans sont éteints, là où la riche industrie prospère, 

que nous puissions faire, forts de notre lancée, une autre fatalité,

enserrés, embarqués que nous sommes dans ce monde construit, calme et radieux, du moins en ses plus riches contrées et pour ceux qui se sont mis à l'abri, monde de pure apparence, où nous continuons à creuser et entretenir mille volcans  artificiels.














samedi 11 septembre 2021

L'explication : Aline Zouvi face à Magritte . . et nous, regardant.

 La première fois que j'ai vu un tableau de Magritte "en vrai" c'était au Musée d'Art Moderne de Rio de Janeiro, ville où je vivais alors. Ce tableau daté de 1928 semblait, de loin, représenter deux bouteilles remplies d'un liquide sombre aux éclats rougeoyants, mais en s'approchant on découvrait à côté d'une bouteille remplie semblait-il effectivement de vin, une autre bouteille "hybride", composée de deux substances, verre contenant un liquide et aussi matière végétale, une sorte d'être en mutation, mi-bouteille mi-carotte. 

Ce tableau avait pour titre pour le moins inattendu : l'Explication

J'ai appris depuis qu'il avait brûlé parmi d'autres dans les remarquables collections rassemblées là. 

Rétrospectivement, chance inespérée et imprévisible de les avoir vues avant cet incendie qui s'est produit en 1978, à peine quelques années après ma visite éblouie. 

De le savoir, j'en garde encore une étrange impression quand j'examine un tableau de Magritte, comme si cette disparition, bien que fortuite - et bien que par ailleurs d'autres versions de ce tableau existent de par le monde - avait quelque chose à voir et à ajouter à cette oeuvre déjà si énigmatique. Car il me semble qu'autant qu'on tente d'expliquer Magritte, et les explications sur chacun de ses tableaux ne manquent pas, ces sages commentaires d'images sont tous insuffisants, fragmentaires et surtout très inférieures au défi que chaque oeuvre relance, à l'énormité interrogative contenue dans le corpus d'ensemble de l'oeuvre. 

Or tout se passe (suis-je objectif ou est-ce un phantasme personnel ?) comme si cette disparition particulière . . .  comme si, maintenant qu'elle a brûlée, "l'Explication", le tableau qui porte ce nom, emportait avec elle, avec lui, titre, sens, image, toute possibilité de saisir l'occasion de comprendre un tant soit peu cet univers global et unique (un univers semble-t-il retourné ou détourné de, volé ou récupéré à la source des  images hallucinatoires de la publicité).

Comme si ne nous restait plus que jamais qu'à tout saisir, hors toute ratiocination, dans la pure intuition subjacente, incorporée aux images.

Comme si l'oeuvre complète en demeurait vraiment, doublement, depuis, hors ce chemin . .  . . . encore plus impénétrable.

. . . .                        . . . . .                       . . . . .

Voilà les idées ou plutôt les impressions floues qui m'agitaient quand j'ai vu et revu, 

dans QUADRINHOS, l'anthologie de la nouvelle BD brésilienne publiée à Angoulême par les soins de ces deux stakhanovistes de la recherche internationale et de l'exploration du huitième art que sont Alain François et Elric Dufau-Harpignies, page 43 à 51 de la publication :

le remarquable travail graphique et scénaristique d' Aline Zouvi intitulé "Reproduction interdite", nom emprunté lui-même à un tableau de Magritte . . . lui-même sinon reproduit du moins dessiné schématiquement en noir et blanc et en traits vigoureux, en ouverture de la séquence que présente l'anthologie QUADRINHOS . . . 

Nous voilà prévenus, il s'agit ici (entre autres) d'un jeu de miroirs. Soyons attentifs. Encore pour pénétrer plus avant faut-il lire au calme cette "histoire en petits tableaux" pour traduire littéralement l'expression brésilienne qui se dit "comics" dans d'autres langues et expression qui ici s'impose comme un authentique jeu sur une suite effective de petits tableaux.

Alors qu'en dire de ce jeu sur le jeu ? 

Qu'en reste-t-il dans la rétine et dans cette mémoire cachée dans les circonvolutions de notre cerveau qui fait notre bibliothèque intérieure une fois "lue", parcourue des yeux, cette historiette absolument sans parole (ce mutisme étant l'un des mérites, et non des moindres, l'élégance de ce travail). qui s'avance comme un parcours dans le labyrinthe du mystère. 

Je ne vais pas vous raconter l'histoire (sans paroles) ni commenter le parcours en inutiles et extérieures explications d'images . . . (ce qu'on et que je reproche parfois aux si charmants et naïfs pédagogues, décrypteurs dans le détail d'intentions cachées dans le tableau).

Ce qui m'importe c'est de témoigner de ce que j'ai vécu au passage, dans ce parcours fort, si faussement et habilement simple, hallucinatoire, parcours de quelques pages, cheminement, interrogation-étonnement sur les révélations de l'oeuvre. Donc aucune légende, aucune note, aucune bulle explicative, ce qui se joue dans la succession des mini-tableaux, c'est le passage immédiat et constant, étonnant et direct, pris dans l'unité du trait, de plusieurs regards. Celui du spectateur de BD muette (vous, moi), celui des regardeurs de tableaux (le couple qui visite l'exposition du Musée de Bruxelles) et celui, multi-facétique du gardien du trésor peint qui, lui, spectateur posté devant les écrans où sont reproduits tous ces éléments cachés dans ce musée regorgeant de tableaux, d'énigmes, de spectateurs, chacun formant tableautin ou image agrandie. 

Mais j'ai vécu dans ce parcours aussi, en parfaite concomitance et chemin faisant, possibilité cachée, appelée, qui se dévoile peu à peu comme jeu, dans ce jeu de "reproduction" (interdite!) ou de miroir complice, une vraie histoire, en parallèle, prise dans le même mouvement d'une gestuelle évidente et simple, l'idylle d'un couple et son facétieux tableau final, en accord total (et en pied de nez au sérieux engoncé du fastueux et royal musée) avec l' artiste qu'il vénère.

Pour tout dire, allez-y voir, vous m'en direz des nouvelles. Se glisser comme ça au sein de l'énigme et y jouer, il fallait le faire !



mercredi 18 août 2021

J de Jung. Oui Carl Gustav.

 Soit le disciple préféré de Freud qui le trahit le mieux.

Passer et tomber de Freud en Jung m'est toujours apparu comme une mauvaise farce. 

Quoi ! Se donner tant de mal pour sortir la vie de sommeil, la vie incontrôlée des hommes, de l'ornière creusée par l'ésotérisme, des absurdes superstitions érigées en prémonitions et des interprétations magiques du somnambulisme, pour s'entendre dire en face, en tête à tête, que l'armoire qui craque dans le bureau où précisément a lieu la discussion cruciale est bien la preuve que les esprits frappeurs existent et ne demandent qu'à être entendus,  n'était-ce pas le comble d'une trahison ignominieuse et d'un reniement  brutal pour qui a osé écrire La Science de Rêves en ce grand moment (1900 année de publication postdatée pour bien marquer l'arrivée d'un nouveau siècle de lumières) contre ce resurgissement de tables qui tournent et  de culte des mages et devins ?

Non vous le voyez je n'ai jamais pu entrer dans cet univers de veillées campagnardes où Jung prétend nous faire régresser.

En revanche, cet esprit incompatible à mes propres efforts pour tenter d'y voir clair là où précisément toute une tradition nous aveugle, nous berne, nous livre aux pouvoirs de ceux qui depuis des générations nous dominent de leur prétendue sagesse constituée, de leur pseudo-savoir magique, mystique ou théologique, livre parfois, lors de brèves percées compatibles avec son regard scrutateur et éveillé, quelques beaux moments d'étonnement.

A la relecture de "Ma vie" Souvenirs, rêves et pensées recueillis et publiés par Aniéla Jaffé que je me suis imposé la punition de réexaminer, par défi pour essayer de pénétrer un peu un esprit auquel je me sens réfractaire, j'ai été saisi par l'émerveillement, l'éblouissement lucide qui le saisit lui-même dans ses descriptions et découvertes de voyage, en particulier au Maghreb, en Amérique du nord, en Inde. Cet homme, quelles que soient ses croyances et ses a priori si forts, devait percer à jour et sans doute aider ses patients, il a un regard qui face à un objet ou un être totalement étranger, dévoile des évidences nouvelles, se laisse entraîner et convaincre que d'autres formes de vie et de comportements sont possibles et même parfois meilleurs que ceux de notre tribu. 



mardi 17 août 2021

T de Tamalou.

 Tamalou est mort cette nuit.

C'était son surnom ou du moins celui que nous lui attribuions sachant que sa blague favorite portait la sur la question cruciale : t'as mal où ?

Il est mort cette nuit en regardant un match de foot à la télé, seul et tard pendant qu'elle était couchée, c'est du moins ce qu'a raconté sa femme ce matin et nous n'avons aucune raison de ne pas la croire.

Il adorait blaguer. Il ne manquait pas d'humour. Un humour caustique, désabusé, parfois cruel. 

Ayant exercé la profession de dentiste, il en savait un morceau sur les travers de l'humanité en souffrance; ses clients bien que condamnés à se taire pendant qu'il les travaillait à la roulette ou à la pince, lui en avaient raconté de belles tout au long de sa carrière; ils lui en avaient aussi montré sans pouvoir parler ni guère proférer, d'aussi belles, d'incroyables même, c'est fou ce qu'on peut apprendre en regardant les gens dans leur bouche jusqu'au fond du palais, au niveau de leur langue (de formes si variées, petite, longue, courte, danseuse impudique), des gencives (irritées, déformées, énormes, charnues et irriguées ou rétractées), des dents acérées, pointues, s'enjambant ou excessivement écartées ou rongées, parfois résidus de roches ruinées, meules délabrées à force de malheurs ravalés et ruminés).

Il se chamaillait avec sa femme en public. Assez méchamment. Et le public que lui offraient ses amis lors de soirées ou réunions apéritives durant ces joutes de méchanceté pure, semblaient tous deux les exciter et les faire sortir plus vifs de leur ennui quotidien réciproque.

Bref, il est mort et sa douce moitié ne semble guère consternée, ayant prévu l'imprévisible de longue date.

Sa blague préférée était donc celle-là : 


Quand je me lève le matin, je dis (depuis l'âge de soixante ans et même sans doute avant) :

-  Ouille ! j'ai très mal à la nuque et aussi en particulier aux omoplates, c'est le vent marin qui souffle et l'humidité.

Elle me répond :

-  Si tu savais comme j'ai les jambes lourdes, j'ai mal aux jambes, aux chevilles et aux genoux dés que je me lève !

Je réplique :

-  Moi ça m'a empêché de dormir, c'est toute la nuit que j'ai eu mal.

Alors commence la surenchère, c'est pour ça depuis l'âge de 70 ans j'ai décidé de commencer la journée pas par " bonjour - mais par :

 T'as mal où ?

A côté de ça soyons honnête, le souvenir que je garderai de Tamalou ce sont aussi les quelques livres qu'il m'a prêtés de son auteur préféré, un ami à lui presque inconnu qui avait eu un prix dans le temps, le prix des lycéens je crois, 

et puis aussi les petits dessins pornos au fusain qu'il avait gardés de la collection de son père et qu'il ne montrait qu'aux amis qui avaient aimé son auteur préféré. Bien sûr quand il les montrait il faisait semblant de les cacher à sa femme, prof de dessin à la retraite

Mais tout ça je vous en parlerai peut-être un autre jour.

Et puis si, il était un peu jaloux de moi depuis qu'il savait que j'allais me promener seul dans la montagne assez loin sans même prendre mon portable alors que sa femme lui avait reproché de ne pas faire assez d'exercice et aussi, surtout, qu'elle avait décrété un jour sur la plage que j'étais "beaucoup mieux foutu que lui". Cette déclaration qu'il s'amusait à répéter quand nous nous retrouvions aux vacances nous mettait tous en état d'hilarité, voire de fou rire, sauf sa femme qui disait imperturbablement : "mais c'est vrai".

vendredi 23 juillet 2021

Vieillir (II) Puis tout à coup la plage s'anime.

 Il s'avère que les deux nouveaux salvavidas de cette année ne sont pas des gens d'ici. Tiens . . . il ne parlent pas catalan entr'eux. L'un deux parle de "bochorno" (canicule) cet après-midi, puis de lluvia (pluie) mais au lieu de prononcer les deux L mouillés à la castillane il dit clairement chuvia avec un che che à la Che. Pas de doute ce sont des Argentins. Et d'ailleurs, il m'avait bien semblé qu'ils étaient moins raides, moins hautains, voire rogues que beaucoup de gens d'ici face aux gens qui passent dans l'escalier qui descend à la plage derrière leur dos,  d'ailleurs tous ou presque des étrangers (comme eux  en quelque sorte . . .mais diamétralement opposés dans leur position  de bergers et de troupeau insouciant . . . au moins provisoire dans leur position d'estivants), ils n'ont pas délimité la trajectoire du canot de sauvetage comme d'autres avant eux et le mettent face à eux certes, face à leur tour de contrôle et à leur cabane, mais en utilisant les espaces laissés par les gens avec parasols et serviettes au lieu de faire déguerpir ceux qui mal inspirés se postent dans leur ligne de mire et d'embarquement avec pertes et fracas éventuel; il m'avait bien semblé qu'ils communiquaient avec chaleur et même une fantaisie peu conventionnelle comme parfois les latinos. Et voilà que celui qui est perché sur son siège de surveillance explique en anglais à un touriste français les vertus du maté, pas de doute possible. Et le plus rieur et compatissant aide même une très vieille dame petite et ronde à ouvrir son parasol qui semble être passé par les mains de plusieurs générations, baleines déformées, fleurs fanées, et qui s'est diablement coincé. 

Du coup voilà, voilà, ce matin, je leur ai demandé quand ils le mettaient en place s'ils me prêteraient pour un petit tour le canot de sauvetage rouge gonflable quand ils le plaçaient à côté de moi et au lieu de me dire non, ils m'ont juste averti que le bout avait été choqué contre un rocher et prenait l'eau. Puis quand ils ont vu que je ne parlais pas trop sérieusement . . . eux je ne sais pas trop, nous avons parlé, peut-être par analogie avec le canot à moteur qui leur fait défaut, un peu . . . , la pente est venue comme ça, des catastrophes argentines, du moteur qui à chaque fois que le peuple reprend espoir après avoir élu de nouveaux dirigeants, s'étouffe et cale. Puis des vins et des films de ce pays fabuleux. Puis de Patagonie et de baleines (pas de parasol) d'où est originaire  ou pour le moins vit l'un d'entre eux.

Si bien qu'à la fin comme ils arrivent tôt avant leur service pour s'entraîner, chaque jour, pour nager dans l'eau encore vide et étale, les gens n'aiment pas les bains aux aurores et les vents eux aussi dorment encore au sortir de la nuit, dans cette mer encore belle comme un lac de montagne, ils m'ont proposé de venir nager avec eux, exquise politesse, et j'ai dû leur expliquer, car ils avaient fait semblant de ne pas voir mes rides et recroquevillements, que même si je faisais mine, mariol, parfois, de nager comme un maître-baigneur (il est arrivé en piscine, mais rarement et il y a longtemps, d'ailleurs je n'aime pas trop les piscines, qu'on s'y méprenne), que donc . . .  j'avais maintenant des raideurs et des crampes (rires) qui risquaient de les contraindre en m'accompagnant sur un trop long parcours . . de faire double journée de sauvetage (ils s'esclaffent) avant même qu'il soit l'heure de leur travail officiel.

mercredi 14 juillet 2021

Vieillir. (Faut-il ajouter "à la plage" ?

 J'ai été, la traversant sans m'y attarder, mille fois, le témoin involontaire, sur la plage, de dix-mille diverses façons de tenter de ne pas vieillir, enfin . . . de le croire. . . ou parfois de se laisser emporter dans l'eau profonde, écran circulaire, enveloppant, giratoire et kaléïdoscopé à l'infini de ces multiples images inventives de rides, douleurs, ravages d'un corps expansé en bibendum débordant de bedaines ou ratatiné en silhouette cassée, tordu et clopinant, plongé au sable mouvant qui empêche de regagner la stabilité du bord et de sortir des pièges de la mer, car la plage où je stagne peu après le bain, le temps de sécher, est un lieu où s'expose, évidence, l'humanité à nu. 

Et la plage attire à elle toutes sortes de beautés autant que de difformités.

Ce matin, tel une ondine homme, cheveux blonds dans le dos, le salvavidas a piqué sa tête et clairement fait, en arrivant sur son petit vélo, en presque simple appareil, juste avant de revêtir son tee-shirt rouge statutaire et de prendre son travail là-haut sur son perchoir à guetter les imprudents et les accidents presque toujours prévisibles, une belle démonstration de sa jeunesse, plongeant dans les vagues sans respirer sur plusieurs mètres puis émergeant pour nager un crawl super-efficace, coulé, fendant l'eau jusqu'aux bouées et retour, tout en énergie, vitesse et fluidité.

Habituellement il y a un coin de la plage superbement traitre et pourtant très fréquenté. Les gens s'y agglutinent croyant trouver là un échantillon de paradis, mini bout de Seychelles sans cocotiers penchés mais avec de beaux rochers ronds et posés en décor, où les peu sûrs de leur équilibre, flottant et tremblant sur leur arrière-train insuffisamment râblé quoique souvent hyperdéveloppé, s'affalent et attendent, au ras des flots enlisés, un secours bienveillant des voisins eux-mêmes à deux doigt des mêmes affres et avanies, pour sortir de cette masse de graviers et sables trop fins qui glissent comme une marmelade au lieu de vous soutenir, aux pieds de ces superbes rochers fournisseurs d'émotions et d'aventures. Mais ce n'est pas là le pire, pour les sauveteurs et les sauvés.

Le pire, là où succomberait, si l'indulgence nécessaire et généralement pratiquée n'y remédiait, toute dignité humaine, c'est, le plus souvent, dans l'acte au narcissisme outrageusement assumé et renforcé, d'immortaliser son portrait sur fond de vagues, du moins quand il ne s'agit plus de s'y tirer le portrait dans sa prime jeunesse au relatif resplendissement naturel. Là, en effet, généralement des dames et parfois aussi des hommes, se contorsionnent dans ce très délicat exercice, manifestement sans auto-retournement du regard  pour prendre des poses de cinéma limite porno dans l'espoir d'atteindre l'art iconique majeur des exhibitions facebookiennes. Pourtant là encore le renversement parfois se produit, miracle d'ironie et de parodie et la beauté surgit d'un professionnalisme de la pose, rare et élégamment assurée.  Et peu importe l'âge quand, de la naïveté ou l'extrême sophistication,  ressurgissent des allures angéliques ou tirées des supplices d'un enfer re- et surjoué.

Parmi les inventions et conditionnements de cette lutte avec la mort, je retiendrai deux exemples virils pour leur rendre hommage, d'autant que ce sont tous deux des lutteurs disparus.

Chaque année je voyais resurgir vers la mi-juin dans l'eau encore fraîche, le Ludion. C'est ainsi que nous l'appelions. Il nageait la brasse en coulées tellement profondes qu'à chaque plongée on pouvait se demander s'il allait réapparaître, si son petit crâne rond et chauve allait vraiment de nouveau refaire surface, fruit flottant propulsé en saccades. Il a jusqu'au bout essayé d'atteindre le maximum de ses forces n'hésitant pas à traverser l'espace de bain délimité de la plage en travers pour allonger les longueurs, même si du coup il coupait la route par surprise à pas mal de baigneurs n'ayant pas observé ses immersions et disparitions frénétiquement répétitives. Gloire à sa mémoire de combattant inflexible.

Mais le monument à construire, je le réserverai au Cygne pétaradant.

Ingénieux bricoleur il avait, le jour où ses forces ne lui permettaient plus de nager aussi loin qu'il le voulait, décidé de construire une machine simple et efficace pour aller pêcher quelque fretin un peu au-delà des eaux envahies de nageurs et de flotteurs à matelas, planches, petits canots et bouées. 

Quand il arrivait il mettait un certain temps à monter sa mécanique faite d'un grand cygne gonflable, sorte de petit bateau sans fond, d'un grand fusil arrimé au col et à l'aile droite de l'animal et d'un petit moteur à essence doté d'une hélice, emprunté à on ne savait trop quel engin qu'il fixait au fond de son appareillage, sans parler de son chapeau à larges bords et de plusieurs sacs qu'il attachait au flanc gauche de la bête. Il passait parfois encore plus de temps à allumer son petit moteur en tirant sur son démarreur à ficelle et ensuite à s'installer dans l'espace entre les ailes du volatile aquatique en attachant sa ceinture aux parois que formaient les ailes de part et d'autre de son corps.

Enfin ainsi harnaché, mi-homme, mi-bête, et aussi semi-machine, il démarrait en lâchant de la fumée de son teuf-teuf et partait vers le large d'où u jour on ne le vit pas revenir.

vendredi 25 juin 2021

Quadrinhos. Langue (suite, oui oui, ça suit).


 En portugais BD se dit HQ, soit historias em quadrinhos et pour faire court : "quadrinhos". Un quadrinho, diminutif de quadro c'est un petit tableau. C'est qu'en effet la BD, quelle que soit sa terre d'élection ou de croissance et développement, se lit comme un tableau, ce qui est déjà complexe, mais en tant que bande et histoire, elle se lit surtout comme une suite de tableaux qui ont chacun leur perspective, leur angle, leur ligne de fuite . . . éventuellement, leur équilibre et leur graphisme, mais surtout-surtout, qui s'emboîtent dans une suite qui pourrait faire penser plus au cinéma qu'à la littérature si elle ne se figeait en plans successifs, en quelque sorte, en film décomposé presque image par image ou au moins plan par plan. Donc lire une BD, HQ en brésilien, c'est plonger dans cet univers nouveau, finalement peu connu hors du Brésil, immobile et mis en mouvement, analytique et successif, en pensant que l'auteur s'il n'y en a qu'un, scénariste et dessinateur tout à la fois, s'y est spécialement appliqué, a souvent longuement médité et travaillé sur cette succession d'images où le dessin importe généralement (pas toujours) plus que les mots et sur son rendu visuel de telle sorte que s'impose un sens de lecture, une vision neuve, un monde ou un petit univers personnel inattendu et parfois un message qui crève les yeux, d'autant plus qu'il a dû travailler dans des conditions souvent difficiles. 

Or, une anthologie qui essaie de rendre compte de la créativité actuelle d'un pays, c'est encore plus compliqué à monter, à ordonner, à mettre en oeuvre, quel que soit le pays et d'autant plus si la créativité de ce pays a été souvent brimée, bridée, bafouée délibérément. C'est pourtant le cadeau très réussi que vient de nous faire le collectif MARSAM, marsam.graphics, atelier international ayant son siège à Angoulême.

Surtout, reprenons, si ce pays en crise, au point d'être dépourvu d'éditeurs ou presque, aussi belle que soit sa langue, reste en dépit de tout et par force contraignante, un pays de " j e i t o" (mot intraduisible qu'il faut apprendre dés qu'on pose les pieds au Brésil, c'est le chemin, la manière, la voie astucieuse, l'issue prévisible ou non, et même parfois l'inspiration du dernier moment, fondée sur une longue pratique et la débrouille du savant bricoleur (mot non péjoratif, soyons clair, Claude Lévi-Strauss disait comme Gaston Bachelard que l'invention est bricolage et il aurait fallu voir Picasso "bricoler" avec les arrêtes du poisson sorti de la mer qu'il venait de manger à Vallauris)  ne manquant pas de génie).

Or, nous y voilà, ce recueil de quadrinhos jailli d'expériences diverses, a capté des voies multiples de la création contemporaine dans ce pays-continent de tous les excès de richesse et de pauvreté et réussit précisément à mettre sous les yeux du lecteur francophone une explosion de "jeitos", intimistes ou tendant aussi bien à l'universel qu'au particulier révélateur, 

en s'ouvrant sur les aventures ultra-synthétiques au graphisme minimaliste du bien triste héros qui, sous la plume ou le pinceau de Stêvz, se nomme Brésil comme le pays ou, prononcé en brésilien "Brasiou",

 et se clot . . . ou s'ouvre à nouveau  à la fin, en feu d'artifice cosmique, éblouissant de noirs illuminés d'éclairs, chez Mateus Acioli dans "Sans Titre" *.

De quoi faire une expérience, un parcours, une plongée de lecture d'une surprenante vigueur.

* Note en tout petit et purement privée : incroyable mais dans ce dernier magnifique graphisme, j'ai cru reconnaître, en détail d'image, le pilier d'une maison oui en effet incroyable où j'ai vraiment vécu, ou alors ça y ressemble assez, au Leme, quartier emblématique de Rio, il y a maintenant . . . 50 ans.

 

lundi 21 juin 2021

Langue.

 En une seule profération, mot étonnant, impressionnant, mouillé et tellement premier, modulé, venu du plus profond, organe et produit, arme cachée, trésor, patrimoine pointu, transmis, liquide et souffle joueur de sons, orgue, organe du goût, contact, tendu, labiales, dentales, voyelles coulant, pont.

Langue de sable, prendre langue, apprendre des langues, elle a roulé sa langue dans ma bouche, langue qu'on peut tirer, telle une limace ou rendre agile, dressée, courante, véloce plume cursive, sentir étrangère ou maternelle . . . enrichir, expurger, fluidifier, chevaucher.

Bien qu'ayant vécu souvent à l'extérieur de l'Hexagone je sais peu de langues et finalement les entend mais, sauf une ou deux, me sens coupable de les pratique assez mal. Eviter à tout prix de les écorcher. S'abstenir, écouter. Ou prendre plaisir à s'y rouler vif une fois franchi un seuil d'agilité.

Faute d'avoir passé son doigt au bon endroit, c'est la faute au toubib qui a aidé ma mère à me mettre au monde dans sa maison, loin de l'hôpital, comme on faisait autrefois, à domicile, je suis resté longtemps avec, au sens propre, un fil attaché, indocile, ou du moins une partie de fil sous la langue, peu bavard, ce qui ne m'empêchait nullement de prononcer bien et personne ne s'en apercevait, si ce n'est un dentiste qui, plus tard, s'en avisant y a remédié et a tranché dans le vif, habilement, comme on tranche un fil de bavette d'aloyau. Mais j'ai toujours du mal avec le double R espagnol, langue que j'aime pourtant, peut-être est-ce sans rapport, je le crois, même maintenant que je sais que Cortázar le grand, l'inventif, le traducteur polyglotte, inexplicablement, ne les prononçait pas.

Peut-être, mais . . . je ne sais, est-ce pour compenser ce mutisme des premiers jours qu'il m'a fallu ensuite m'engager dans des métiers de verbe, discours, plaidoyer, raisonnement, rhétorique, cours, vers, métiers de paroles, aphorismes, commentaires, contes et calembours. Qu'il m'en est resté si fort, trop fort peut-être, ce désir de participer, de parler.

Mais, oui,  je sais pourquoi j'aime la langue portugaise du Brésil.

Comme si nous n'avions pas assez de travail en prépa, on nous autorisait à apprendre, avec cours facultatifs dispensés en petit comité, une langue supplémentaire s'ajoutant à celles que nous avions choisies, latin et castillan pour moi. Il se trouvait que la prof de portugais était plus qu'attirante et charmante et c'était une raison suffisante pour la choisir, cette langue, en matière d'option et loisir. Je n'imaginais pas la suite de cet engagement que je croyais subsidiaire. Ensuite tout s'est enchaîné, Camoens, Pessoa, cinéma brésilien au moment du Cinema Novo, coup de foudre, jeune fiancée rencontrée à la fac de Toulouse et amoureuse de lusophonie, poursuite, rupture puis poste au Brésil, macumbas, candomblés, sambas, charme et langueur, violence crue de cette capitale des moiteurs avec ses nuits secrètes et aussi ses classiques, c'était une très grande époque, Jorge Amado, l'Orfeu negro de l'autre Camus, Vinicius de Moraes bien bien sûr, un des pères de tout ça, vieux déjà, chantant et parlant avec son verre de whisky sur scène, tous ces chanteurs inspirés du peuple riant et souffrant, bercé en douceur, sans illusion, Gilberto Gil, Toquinho, Chico Buarque, Maria Bêthania, cris et frictions de la cuica et bien d'autres, chanteurs du Nordeste ou du semi désertique Ceara.

Cette chaleur lourde de Rio ou Salvador, cette langue douce, liquide, directe, raccourcie, économisant la fatigue, faite pour danser, le tour était joué, j'étais ensorcelé. J'aurais dû rester à Rio encore capitale de fait, plus longtemps. 

Une capitale où on pouvait se promener en maillot de bain, peau à nu, indifférent aux tenues, impudique et cruelle, étouffante, infernale, labyrinthique et ouverte. Accent carioca à nul autre pareil, ville où se trouve le plus émouvant temple positiviste que j'ai connu. A deux pas de la plage, un grand noir porte une bouteille de butane sur la tête, pauvre, athlétique, désinvolte. Le bus est bondé, le chauffeur est ivre de fatigue, les voitures foncent comme au Grand Prix. 

samedi 12 juin 2021

Sale Huppe ! Magnifique messagère entre le roi Salomon et la reine de Saba.

Ce matin, combat de huppes en l'air, 

antiques guerriers casqués de cimiers, rustiques, vigoureux et magnifiques, là-haut,

profil en peintes poteries contrastées du Péloponnèse volant haut.

Tout ça pour pousser un upupa bien mâle et diffusé sans possible dupe, là-haut,

cri et nom latin, nom imité du cri, venue d'Afrique

s'imposer en haut, tout là-haut du plus haut perchoir.



L'une plus jaune orangé que l'autre, plus grisée et légèrement plus petite, vouée

 pour l'instant à déchoir,

dessin noir et blanc plus éclatant sur les ailes du guerrier le plus coloré, 

crête de plumes redressées, franche, belliqueux,

menaçant, attaquant et poursuivant, coups d'ailes, au loin, en vol, son vassal, voleur, velléitaire.

Tout ça pour la possession provisoire de la cime du vieux cèdre et de son fief aux grands alentours et

tout ça malgré machines et constructions nouvelles détruisant son territoire ancestral autour.

Jusques-à quand?

Note : Allons-nous un jour être dépouillés de ce puant porte-bonheur à réputation de mal odorant,  dénommé salle huppe ou même salope parfois . .  . si aimé ailleurs et si beau là haut, si surprenant au sol, gobant lézards, fourmis, vers, grillons, criquets, escargots ?

mardi 1 juin 2021

Feuilleton (qu'est-ce qu'un ?).

 Bien malin qui le dirait. Mais c'est impossible.

Car un feuilleton a d'abord été avant tout un truc collé en bas du journal comme un appendice.

On sait bien que ces feuilles pliées en feuillet, en petit journal ou mini-livre (quelquefois collées au bas des cartes) comme complément que le lecteur, qu'il soit littéraire, juriste ( ah . . déjà dans le code civil les notes minuscules ayant trait à la jurisprudence, quelle affaire !), critique politique (à l'affut des histoires annexes) ou guerrier (dans le cas d'une carte militaire stratégique méritant inventaire complémentaire des forces en présence ou des mouvements secondaires des troupes non inscrits sur la carte), pourra prendre un plaisir marginal, ajouté, rapporté, à lire "en supplément", par surcroit, ce truc en rab.

Mais ces feuillets qu'on feuillette en feuilleton ont peut-être aussi à voir avec la menuiserie, le bois devient papier et s'effeuille, est-ce une affaire ? la patisserie, ah ! le mille-feuilles de mon enfance est lié au souvenir du sacré saint-honoré du dimanche que j'allais chercher en même temps que les tickets du cinéma . . . , la zoologie ou l'étude des roches, la nature est un livre, air connu, si on se rapporte à l'usage extensif du mot.

On voit la surface occupée par la métaphore au-delà du pur littéraire et d'ailleurs elle a gagné aujourd'hui, sous un autre nom, après avoir perdu bien des batailles sur le champ de la littérature pure et populaire, l'espace fascinant et non moins répandu et envahi du cinéma sous le nom de séries.

Impossible donc de définir simplement un tel dragon renaissant,  multiforme, envahissant.

Je m'en tiendrai à la première intuition :

Un feuilleton c'est un truc qui est collé en bas du système, un truc réputé un peu inutile, ou totalement superflu, hors de propos dans la plupart des cas et ressemblant à cette petite queue enroulée comme celle d'un cochon qi se tient au bas de l'intestin humain, cet "organe" dont on ne sait presque rien depuis Aristote ou Darwin, sauf qu'il est peut-être un résidu d'une époque où le pré-homme était herbivore, mangeait parfois et faute de mieux des écorces d'arbre, déjà bien avant d'en faire des livres, et que tout bien pesé, il vaut mieux, quand on le peut, ne pas l'enlever . . . même et surtout préventivement bien qu'il puisse provoquer on ne sait trop pourquoi, dans certains cas,  une crise infectieuse grave, auquel cas . . . .

Et voilà qu'on lui subodore aujourd'hui plus qu'autrefois des vertus immunitaires de réparateur d'attaques microbiennes . . . 

Bref ce truc est un truc plus que bizarre, absolument contradictoire et qui parfois se donne plus d'importance qu'il n'en a.

N'insistons pas, car je ne suis pas sûr qu'un feuilleton "littéraire" (disons qui se voudrait tel avec toute l'ambiguïté nécessaire et voulue) ce soit un truc, drôle de truc, pas si différent du dit "appendice" éternel objet des conjectures des biologistes aussi bien que provocateur . . . d' appendicites.

Note en bas de page : imaginez donc mon réel à moi, mon exil de chat perché, écrivailleur maladroit et orphelin, n'ayant lu qu'un peu Tintin et Bibi Fricotin, toujours un peu à côté sinon réellement ailleurs, mon "vécu" et mon "ressenti" d'adopté bien qu'hors de la couvée, puisque je me suis compromis, ignorant tout de ce cercle et de son exubérante générosité, à être feuilletoniste bénévole et appendice, à raconter mes histoires qui n'ont rien à voir, sur un média-atelier où n'apparaissent par appel et vocation que des gens d'une toute autre espèce, graphistes, scénaristes, critiques, créateurs, historiens, quelquefois tout à la fois, de ce huitième art qui implique au plus haut le dessin que je ne pratique pas. 


dimanche 23 mai 2021



 

Arthur et Zoé.

 


Plutôt qu'un écartèlement inclusif et figé en torture de la langue

à femme ou homme de lettres faut un S non ? ))

à une époque où déjà les nouvelles générations mutilées par un apprentissage phonétique et illettré, ne savent plus, même dans les titres de la presse en première page ou les discours infinis de France-cul, ni les accords élémentaires ni les liaisons, ni la différence entre infinitif et participe, entre futur et conditionnel, entre la gent féminine et la gente dame, je souhaiterais voir proposer des dialogues de polar un peu fouillés où LA commissaire en chef au lieu d'éructer en réunion briefing devant  son équipe LGBT ou pas :

- Maniez-vous le cul avant que ce bougre de gus nous rattrape par les couilles !

parle en vrai féministe d'être génériquement " hameçonné par la foufoune ";

qu'au lieu de reprendre bêtement les expressions macho-patriarco-masculines du genre

c'est con, ose dire c'est couille ou c'est tordu comme une bite;

et s'aventure,  au lieu de "j'ai fait des conneries, j'ai merdé", 

à dire succinctement : 

j'ai couillé.

Note en passant : Excusez du peu, ça me fait ressouvenir du temps où sur mon blog sur l'OBS j'étais pour une raison ou une autre censuré mais heureusement recueilli par Le Portillon, organe tolérant.





vendredi 21 mai 2021

Nature (forces de la, déchaînées contre moi).

 Vous allez dire que j'exagère.

Vous ne pouvez pas comprendre si vous n'avez pas de chênes verts (quercus ilex) sur votre territoire.

C'est un arbre redoutable qui d'après la mythologie méditerranéenne nous transmet ses forces. Toutes sortes de pratiques et légendes l'attestent. Et d'ailleurs depuis toujours il fut relié au dieu le plus puissant et le plus évident à honorer, par crainte et intérêt, celui debout, fort, effarouchant, des orages et de la foudre, dénommé Taronis ou Taranis chez les celtes, aujourd'hui encore nom d'un département et d'un cours d'eau, le Tarn, qui devient tout rouge d'argile comme un sang épais, en terre de brique et d'hérésie dans notre beau pays. 



En effet, ce chêne-là aux petites feuilles aussi piquantes que celles du houx, résiste à tout, au froid, au chaud, à la sècheresse, mais pas au bupreste qui lui suce le sang et dessèche ses branches. Et encore, ce soiffard ne s'attaque d'abord qu'au bout de ses branches ce qui généralement le laisse en vie.

Comme si ça ne suffisait pas de couper ces branches et parfois ces troncs attaqués j'ai dû cette année faire face au regain de cet arbre dieu-monstre qui, habituellement dans mon petit bois, me donne à n'en plus finir plein de tracas : feuilles persistantes qui donc tombent régulièrement toute l'année en masse formant andins et tapis, pollens généreusement pulvérisés, recouvrant tout, d'avril à juin, toits, autres végétaux, carrosseries diverses, vitres, murs, de poussière un peu visqueuse et jaunasse, fleurs épanouies en puissants chatons qui tombent et s'envolent tout le printemps et s'accumulent en couches épaisses, pour finir, sans arrêter de perdre des feuilles, par les chutes de glands attirant toutes sortes de bêtes et réveillant la nuit en chutes de grêle sur toute surface, carreaux, tuiles, tôles, bancs, véhicules, machines, outils, tables de jardin ou poubelles.

Mais cette année mémorable d'enfermement, après avoir lutté contre l'avancée du bupreste, voilà que le bois décide de renaître, de lutter à mort contre les intempéries, les agressions, les contrariétés et produit, se dégageant violemment de ses feuilles séchées sur pied, après que j'ai dû déjà couper l'herbe montée en savane et en herbe à éléphant, chardons et graminées hautes comme moi ! trois fois à la suite de pluies excessives en cette saison, et m'accable d'une quantité phénoménale, anormale, de pollens, m'envoie éternuer touts azimuts à chaque instant, m'oblige à invoquer cet autre dieu tout puissant en mythologie brésilienne échou, échou ! échou ! . . . (dieu diable qui généralement me soutient), recouvre tout d'une couche de neige safranée, expédie dans le vent qui se lève et tournoie, ses guirlandes pascales passées de longueur inhabituelle partout, bouchant tuyaux d'écoulement, chéneaux, aérateurs, cheminées, vitres, bloquant pis que la neige les essuie-glaces et tous les trous à portée.

Voilà de quoi justifier la tradition et la légende, le chêne transmet sa force à qui le cultive et le supporte en combat incessant, du genre si tu ne t'épuises pas tu survivra.

jeudi 20 mai 2021

Sérieux. Peut-on l'être à 79 ans ?

 Le peu de sérieux apparent dont je fais preuve ici ne vous aura pas échappé.

Déjà le mot sérieux est problématique.

Ainsi quand je regarde le ciel à l'Ouest de ma fenêtre il n'est pas rare que je me considère comme privilégié. Le ciel et les nuages en arrière plan de ces arbres de plus en plus hauts, chênes, pins, cyprès, est presque toujours énigmatique et beau. Comment diable se forment ces masses vaporeuses, étirées, pommelées, épaisses, noires, déchiquetées, émiettées, sculptant visages, corps allongés, caricatures de vieillards prognathes, tête de lion, galion d'armada ou petit nuage perdu dans le bleu déjà rougissant ?

Quand je regarde inutilement le ciel je ne pense même pas au temps qu'il va faire, je regarde à fond ce spectacle donné à tous, c'est tout.

Est-ce vraiment sérieux ?

Non, je ne suis pas vraiment sérieux.

Bien sûr pour me justifier (mais pourquoi le faudrait-il auprès de vous ? vous pouvez toujours aller lire des gens moins . . . . disons violemment partisans, moins incertains ou ennemis des dogmes et mots d'ordre et pourtant non moins scrupuleux) je pourrais évoquer un sérieux (dont je tente de m'échapper) fait de ces vies déjà vécues, de combat, d'apprentissage, de résistance aux appels des groupes, aux cercles constitués, de ces choix définitifs, de ces solitudes, de ces travaux choisis, pas forcés, où j'ai essayé de mettre mes convictions que j'ai dû exécuter dans un cadre officiel - avec un enthousiasme de comédien engagé pour tenir certains rôles tout au long d'une vie active.

Etre assez "sérieux" pour passer au travers, à la fois des multiples grilles superposées, de compétences, cursus, diplômes, actions menées et abouties, jugements et notation de la hiérarchie tout en étant (fier sans doute, exagérément fier d'être) répertorié comme peu enclin à l'obéissance, aux règles administratives ou sociales jugées perverses et passer au travers, après plusieurs engagements réputés subversifs, de l'indispensable grille-enquête du ministère de l'Intérieur.

Sérieux (vie active) 

et réserve dont je suis aujourd'hui dégagé. Au diable la vie d'avant ! cette vie choisie et contrainte. Même si je l'évoque sans arrêt, forcément . . . .

A ce propos ce qui me frappe c'est justement chez bon nombre de comédiens, justifiés dans leur négligence, sans doute, par les temps impartis (temps de préparation, de répétition, d'essais, d'appropriation des rôles) trop raccourcis, en particulier dans les feuilletons financés et bâclés avec l'argent souvent gaspillé des régions, par des budgets déjà explosés et, tardivement, d'un coup, resserrés, la façon dont certains, de plus en plus nombreux, relations et troupe de copinage, traitent en rigolant en s'amusant d'eux-mêmes, les rôles qu'on leur attribue. Et ils ont l'air d'y prendre du plaisir, oubliant que c'est au spectateur d'y trouver du bonheur et que leur rôle . . . il faudrait qu'on y croit à minima, même si c'est pour eux un exercice difficultueux ou même douloureux.

Si je m'autorise ici des libertés de forme (et parfois de contenu) que j'aurais eu du mal à prendre auparavant ne serait-ce que par la nécessité où je me trouvais de bien communiquer, d'adopter des conventions courantes et d'insister pesamment parfois sur le sens que je comptais donner à mes choix et propos, c'est que je m'adresse ici, conséquence de ces nouveau choix et parti pris assumé d'emblée, relative nouvelle légèreté, débarras d'obligations professionnelles, à des lecteurs  en petit nombre,

lecteurs qui eux-mêmes ont choisi d'être là.

Et ces lecteurs-là je les choie.

Je ne triche pas. J'écris en direct sur mon écran-page. Toute autre forme de sérieux. Ni brouillon ni plan. Je corrige à mesure et nourris des remarques, des squelettes d'histoires, des récits de rêve tronqués, des tentatives de redéfinition, des parcours de textes déjà écrits par d'autres et devenus influences intégrées, des réflexions momentanées sujettes à reprises, des commentaires d'actualité, des souvenirs . . . des rencontres, jeté(e)s avant qu'elles/ils n'aillent se perdre dans les sables, eau d'inspiration très passagère, dont je ne sais d'abord si elle étanchera nos soifs, à vous et à moi, soif de progression en équilibre sur un fil que, ne pouvant tendre par avance, je jette à mesure, sans nœud coulant au bout, lien en suspens et attaché à un space inconnu de moi, rejoignant peut-être le vôtre, celui d'une aventure qui s'invente ou se découvre et dont je ne prétends pas qu'il ou elle soit nouveau ou nouvelle.

Je vous invite, donc dans ce sérieux si sérieux pas sérieux, à découvrir de pures divagations pour atteindre, plutôt qu'un but, un état de tension, d'attente, d'authenticité qui ne correspond plus à aucun rôle assigné, à aucune représentation, à un état que je voudrais de libération et de recherche non stéréotypée. Sans modèle sinon celui des grandes figures inaccessibles, dieux lointains des là-bas édifiés en nuages de rêve, qu'on lit quoi qu'ils écrivent, eux en communication avec cette variété de grâce que peut être l'écrire, plus encore que le dire. 

Un état privilégié de communication, en ce qui me concerne, petit chemin, sente un peu à côté du chemin. Comme à côté de ces sentiers humains rebattus où l'on peut distinguer sur l'herbe qui pousse à côté, le passage de bêtes, peut-être de gens, gens libres, marcheurs infatigables, aguerris, qui ont préféré le tapis encore peu foulé, ménageant le choc lourd des pas, offrant un sol ras, élastique, où rebondir plus à l'aise, hors des cailloux, de la poussière, de la boue, en douceur, comme en rêve éveillé.



mardi 18 mai 2021

Tasses cassées.

 J'avais rêvé juste avant de poissons dans les rivières. De resencement de cours d'eau, de cartes, d'administration et cela ne me ressemblait guère, j'ai administré c'est vrai mais ne me suis, dans ma vie, que peu intéressé aux poissons de rivière, plutôt à ceux qui affrontent la mer infinie. Impression au matin d'avoir rêvé pour rien. Un de ces rêves dont on pourrait bien se passer, lié au hasad de l'utilisation de matériaux tournoyants en résidus inutiles dans la mémoire oubliée. Pas plus d'intérêt que les veines et les boursouflures infimes d'un petit caillou qui serait entré on ne sait comment dans la chaussure.

Au matin, ma compagne avait froid et est venue contre moi.

Elle avait sa voix ancienne, des premières fois où nous nous étions rencontrés. Une voix calme et douce aux finales interrogatives, attendant sans doute une réplique, un acquiescement au moins. Elle qui n'aimait pas trop parler, surtout au lit dans le petit matin, s'est mise à raconter une histoire de tasses. Une histoire de tasses cassées depuis le début lointain de notre vie en duo.

Or, nous en avions cassé des tasses; toutes sortes.

A commencer par celles de notre déjeuner tête à tête, offert lors de notre mariage officiel. En porcelaine délicate, décorées de motifs en guirlandes bleu-rose-mauve à noeuds festifs.

Ensuite vinrent les autres. Toutes les autres. Les chinoises imprimées à la va vite de motifs finalement tout aussi charmants. Les italiennes décorées de points peints au pinceau minuscule. Les tasses péruviennes entièrement tournées et modelées à la main en céramique légèrement poreuse si faciles à ébrécher, sans doute insuffisemment cuites; la brésilienne rescapée de tout un service champêtre peint en un tourne main léger de fleurs très stylisées mais parfaitement réussies; et aussi celle dont la soucoupe était animée d'un chat se tordant pour faire sa toilette, élégant et banalement incongru comme chat mais presque original comme représentation figée sur un objet dur . . . etc . . .

Cette litanie nous avait raprochés et fait remonter le temps jusque . . . jusqu'à ce que le vrai réveil tasse et casse ce rêve prolongé d'une si longue vie, encore allongée d'un songe doux entre sommeil et reprise des habituelles tâches de cet autre jour où toujours des surprises, bonnes, mauvaises, effroyables ou sans importance pouvaient surgir, on ne pouvait savoir; car elles attendent tapies après le café ou thé, ce sursis du rompre le jeune après lequel on plonge habillé dans l'inconnu. 

Ce jour-là étrangement quand nous avons fait notre tour dans la garrigue habitée et jardinée, la chevelure nouvelle de l'arbre à perruque nous attendait.




dimanche 16 mai 2021

Considérations inactuelles sur la grandeur et la position géostratégique de la ville de Nîmes (partie II). (2).

 Avec ma petite règle arquée j'ai essayé, c'était parfaitement absurde de chercher le méridien de Nîmes.

J'avais bien, ornemental et posé sur un petit coffre brésilien, un théodolite qui aurait pu m'engager à des recherches fondées sur la triangulation, mais il aurait fallu pour ce faire, embaucher au moins un aide ou convaincre un compagnon géomètre de monter sur le toit de la Maison Carrée pour commencer nos visées vers la Tour Magne ou l'unique tour, l'autre a été détruite par les protestants au moment des pires excès de la guerre papo-religionnaire enregistrés ici, servant de clocher à la cathédrale Saint Castor sans Polux et de proche en proche, parcourir et battre à pied la campagne jusqu'à trouver d'autres éminences, tâche harassante s'il en fut. 


En revanche, cherchant paresseusement sur mon petit globe terrestre miniature en tôle peinte recouvert de la poussière du non usage quotidien, opération vérifiée sur la cartographie Gros yeux Gros ventre, jai trouvé une diagonale remarquable bien qu'il soit un peu difficile pour moi comme pour un lecteur peu enclin à traîner ses guêtres dans la géométrie courbe, d'imaginer le découpage de sphère (comme à la tronçonneuse ou à la disqueuse, ou disons comme un jambon sur la machine à trancher) en cercles intersectionnels pour aller ainsi d'un point à l'autre en veillant à bien recouper entre ces deux points extrêmes, la position de la ville de Nîmes et même si possible, en y traçant et faisant s'y recouper les diagonales du rectangle du toit (qui n'est pas carré) de la Maison Carrée, au centre historique de la cité, visible sur la croute terrestre, pour y trouver le plus incontestable accrochage géométrique.

Or et cependant, malgré la difficulté du recours à cette acrobatie manuelle, tactile et visuelle sciant la sphère où nous vivons tous (sauf Thomas Pesquet et quelques autres préférant prendre le large en dessinant des trajectoires orbitales autour) en passant exactement par Nîmes et en son centre spécifique comme point de convergence et de recoupement, il s'avère qu'on peut, après beaucoup d'efforts, joindre quatre points remarquables, tous non seulement habités mais lourdement édifiés et  occupés de villes de quelque importance, à savoir :

Ville de Luxembourg - Nîmes - Alger, en trajectoire Nord-Sud, d'une part. ceci pour un faux méridien perpendiculaire à l'équateur en concurrence avec le méridien de Paris.

Ville de Toronto au Canada - Nîmes - Le Caire en Egypte, en trajectoire Nord/Est-Sud/Ouest parfaite et formant angle à 78 degrés par rapport à la précédente, d'autre part.

Qu'en déduire me direz-vous ?

Peu de choses à vrai dire, nous ne somme pas là dans la mesure parfaitement ortogonale à l'équateur, dans la dimention universelle, cosmique et géodésique du mètre étalon et du méridien Dunkerque-Perpignan.

Certes Toronto fut un lieu occupé par les Iroquois qui m'importent tant et dont je chausse parfois les remarquables mocassins faits de peau de cervidé brodée de piquants de porc épic comme le savent mes amis.

Le Caire plus près de nous par ailleurs, capitale tardive de l'Egypte, aurait le mérite de n'être pas loin de l'emplacement d'où partirent sans doute quelques vétérans, anciens légionnaires romains qui s'établirent pour leur retraite dans la ville nommée alors Nemausus où était frappée cette monnaie qui célébrait l'incursion victorieuse d'Auguste aux abords du Nil de Cléopatre. Ainsi ne s'y trompèrent pas les consuls qui offrirent successivement au cours des âges les quatre crocodiles venus de la terre des pharaons encore suspendus au plafond de l'escalier de la mairie de notre ville égyptienne autant que romaine, par ses très riches antécédents de palme et croco. 

Mais Alger et Luxembourg, je ne vois pas . . . Aucun vol direct pour le moment. Ni aucun match même amical prévu.

EN  REVANCHE, en surfant un peu, emporté par le vent, crime qui aurait pu relever de la Cour Européenne de droit international et ne le fut guère que par la presse luxembourgeoise d'opposition ou par celle plus critique d'Alger, on trouverait en poussant le trait un peu plus au Sud/Ouest, du coup en retrouvant une position orthogonale par rapport à la trajectoire Le Caire/Toronto, une incursion récente (en 2018) de l'enthousiaste Grand duc Henri, accompagné en terre litigieuse du Sahara Occidental, par les autorités marocaines occupant sans aucune reconnaissance internationale, encore moins au Luxembourg siège du tibunal international qu'ailleurs, bien que ce ne soit que pour une brillante et tès sportive découverte du kitesurfing, sur la plage de Dakhla . . . .

mercredi 12 mai 2021

Considérations inactuelles sur la grandeur et la position géostratégique de Nîmes.

 



Bien que je ne sois pas loin de penser que cette fameuse pole position 
                                                     - en tant que Centre du Monde - 
qui a depuis pas mal de temps échappé à la vraie 
                                                       Gare de Perpignan la catalane 
devenue depuis peu "la rayonnante" 
                                                      / ce qui reste encore à prouver après disparition de l'école des Beaux Arts, du centre d'art Walter Benjamin et la récente réduction à la portion congrue de son conservatoire / 
                                                        lieu longtemps en tête de course après l'impulsion du marquis de Pubfol qui y expédiait, sous rigoureux contrôle de sa muse, ses tableaux déjà exorbitants de trajet oculaire et de prix, 
maintenant en chute constante ( la ville, pas les tableaux du Maître) à la suite de multiples événements et signes en quelque sorte prémonitoires, 

je ne crois pas que ce centre se soit pour autant rapproché, à l'autre bout de l'Occitanie, de Nîmes d'où je n'expédie personnellement que des propos numériques, virtuels, aléatoires, incertains, finalement hypothétiques et non labellisés.

 Pourtant cette petite ville-soeur aux sept collines (oui, oui, il s'agit bien de Nîmes qui se targue aussi d'en compter sept) récemment apparue par l'image de son amphithéâtre photographié en majesté en lieu et place du Colisée de Rome . . . dans un reportage et sur une plaquette en jolie mise en page commandités par la propre Mairie de Rome . . .


. . . (erreur impardonnable d'une équipe de publicitaires chargés, à la suite de la réouverture de la saison touristique et d'une fortement espérée sortie de pandémie, de relancer la fréquentation internationale de la ville éternelle, la vraie, l'italienne, erreur grossière qui a fait se balancer entre rire moqueur et orgueuil énorme les tripes des plus chauvins et forcenés nîmois) . . . 

ne semble pas manquer d'atouts pour remporter la palme qui avec le crocodile dans son emblème, reproduction d'une pièce romaine frappée dans ses murs pendant 40 ans sous l'empereur Auguste et répandue encore après sous Tibère, détient sans conteste possible, sur son blason, en hommage à son bienfaiteur antique, la palme de la paix obtenue après la bataille d'Axium. 

Mais ce n'est pas tout.

Salvalor Dadi avait bien vu que . . . , 
outre la mouche, obsession à la quelle il tenait tant, qui l'importunait en lui chatouillant la peau du visage sur le banc du quai de l'alors très petite Gare majuscule où il attendait pendant qu'Eva Inovnalena Daliravidelura (non elle c'est un personnage de roman dans lequel vous aurez reconnu à peine déguisée la vraie Elena Ivanovna Diakonova qui d'Elluard à Ernst, raviva et ravit et sans doute aussi délura le puceau impuissant si jeune et si génial Dali) expédiait ses oeuvres en fer-routage jusqu'à Paris, 
. . . Perpignan avait d'autres atouts.
Il savait bien, entre autres secrets oubliés et raison majeures, que sur la ligne imaginaire qui va de Dunkerque à Barcelone (très exactement la colline du chateau de Montjuic), Perpignan était bien placée dans l'histoire universelle quand il avait fallu (on avait déjà tenté, dés 1735 avec La Condamine, de mesurer le méridien par voyage en bateau en passant le long des côtes du Pérou et plus tard, en 1740, Cassini avait déjà fait des calculs savants entre Dunkerque et Perpignan) . . . tout refaire et re-mesurer par triangulation sérieuse, 

mesure de la terre devenue, projetée hors science et entrée au champ paranoïa critique, clé de l'univers et dimension exacte (exact retour) de Dieu qui créa l'homme comme l'homme créa le mètre étalon, pour le génie catalan de Cadaquès, appelé Quédacas par ses adeptes, lors de superbes illuminations survenues en Gare de Perpignan sur un banc de bois, on n'a peut-être pas suffisemment noté ce détail trivial expliquant ou du moins autorisant l'acte concomitant de lévitation du Maître, ensuite repris et surexploité par des publicitaires locaux assez maladroits 

le quart de méridien à l'origine, effectivement et exactement, de l'établissement du mètre étalon entre 1792 et 1798, avec, en particulier, la mission et l'implication du vrai savant astronome et physicien François Arago, natif de Rivesaltes tout près de là.
 
Donc, en clair, la ville de Perpignan était marquée - depuis et jusque là, sur la sphère terrestre et dans sa place au rang de l'histoire universelle, en lettres d'or eu égard aux conquêtes qui fondent le monde moderne dont, par parenthèse, l'Angleterre fut toujours et encore auto-exclue par son obstination à se tenir hors du cercle décimal de nos mesures.  

(A suivre . . . )