samedi 29 août 2020

Sartre.

Dans ma jeunesse débattante et militante, rêveuse aussi, j'étais plus camusien que sartrien bien que lecteur des Temps Modernes depuis l'âge de 17 ans (on peut être sérieux  quand on a . . . ). Ensuite le seul moment décisif à part de coller des affiches la nuit avec des militants communistes pas forcément grands amis mais les seuls à bosser sérieusement contre la chienlit gaullisto-fasciste qui nous gouvernait en sortant officiellement du coup d'Etat et de la messe du dimanche matin à Colombey,
ce fut le Comité Vietnam, grand mouvement implanté en milieu étudiant et source la plus sérieuse, parce que faite de militants noyautant les réunions informes, du mouvement de MAI 68 déclenché par le petit coup d'étincelle de Dany le Rouge avant d'être Vert puis rien du tout et baratineur éteint, qui avait juste réclamé la mixité des dortoirs en cités universitaires. 
En fin de compte ce fut la discréditation de Sartre le point de départ du renversement au moins en France, sans parler du contexte mondial où se jouait l'opération à plus grande échelle du déboulonnement de la French Philosophie.

A partir de là qu'avons-nous connu ?

Fin des Mains sales.

Jargon sociologique ampoulé remplaçant l'analyse marxiste et  l'action militante sur le terrain.

Ecologie rejoignant les pires récupérations du marché bonne seulement à activer le moulin de l'obsolescence programmée, par ailleurs et "dans le même temps" et même mouvement formellement interdite par la loi.

Discréditation de la gauche effectivement à court d'idées et devenue tout à coup traîtresse et exsangue (exemples au plus haut niveau).

Surgissement de l'action humanitaire charitable et non engagée bien commode pour tous les pouvoirs.

Remplacement de l'action militante  armée ou pas, par des discours. 
Exemple :
les lois européennes m'obligeant maintenant à taper que j'accepte oui oui (j'ai pas de temps à perdre à regarder le détail des plus ou moins grands ravages qu'ils vont commettre en faisant semblant de me donner le choix des dégâts) pour le "respect de ma vie privée" tous les flicages et collages de pub à tout va, si je veux pénétrer n'importe quel article, lire le contenu de n'importe quel site, me renseigner sur n'importe quoi.

Humanisme dilué dans une bouillie moralisante puritaine et inefficace. Pas d'huile sur le feu, juste dans les rouages.

Action, car oui action il y a, action-spectacle, seins nus ou pas, courageuse et relayée par les medias-rois, n'aboutissant à rien, surtout pas à changer le monde. Bon on n'en demanderait pas tant . . . voilà que moi-même j'abdique et replonge et rebique !



jeudi 27 août 2020

V de vieillir.

Il paraît qu'on peut vieillir bien ou mal, en tout cas, vieillir est un combat qui continue, à vrai dire rien n'a changé. 

On croyait peut-être en avoir fini avec ces retournements, ces mauvaises surprises, ces angoisses du matin, ces labeurs interminables, ces programmes intenables, ces chefs odieux ou même ses velléités humanistes ou humanitaires d'être un bon chef, ces joies fugitives, ces plaisirs trois fois éphémères à tous les étages, bin non, ça continue de plus belle même quand tout était organisé et pas qu'un peu pour essayer d'affronter les derniers obstacles, mais justement, se battre c'est terriblement excitant, non ?

Tiens ce matin, j'adore cette grosse insomnie d'où reprise en main de quelques projets.

Et puis aussi je dois reprendre, en dépit de tout, tous ces travaux quotidiens comme si de rien n'était.

Me voilà un peu épuisé mais je récupère vite et le café va être d'autant meilleur.

Ma compagne dort, ce qui habituellement n'est pas le cas, elle a plus de courage que moi, presque. Il lui en faut.

Je me souviens de ces derniers poèmes de Senghor, aux alentours du cap de ses 70 ans, écrits tôt le matin, vers six heures, avant de prendre ses fonctions officielles de président tout le jour et de continuer jusqu'à minuit pile; on lui reprochait de ne plus voir la vie qu'en survolant son pays qu'il parcourait de moins en moins au niveau du sol et des misères du peuple, c'était vrai . . .  ses déplacements se réduisaient en effet de plus en plus à aller tous les week-ends de Dakar à Popenguine en hélicoptère où il se baignait. 

Il avait 70 ans, j'en avais un peu plus de 30, il m'a fait découvrir ça : 

la vieillesse, mes jeunots, c'est un peu ça, se battre en bas, au ras des pâquerettes à pas d'heure ou très tôt, encore un temps, tant qu'on le peut, et de temps à autre voir tout ça du haut d'un hélicoptère en survol rapproché (en quelque sorte).

L'ambassadeur Joan Cabral de Melo Neto du Brésil nommé à Dakar qui était lui aussi un vieux et grand poète mais peu traduit en français, continuait à s'étonner tous les matins pendant ce temps-là. On l'avait évidemment nommé pour être en accord avec Senghor et peut-être était-ce aussi un poète qui l'avait ainsi nommé, depuis Brasilia, en symétrie géographique. Levé lui aussi à 5 ou 6 heures il continuait bien sûr à écrire et disait s'étonner chaque jour de ne voir du soleil que la lueur naissante au-dessus de la terre à peine reflété sur la mer sans nuage et en revanche de le voir se coucher exactement 12 heures plus tard sur l'océan où il avait, dans son pays, l'habitude de le voir se lever.

Y aura-t-il de nouveau des temps ainsi ? s'interroge maintenant le jeune homme devenu vieillard ? où la littérature au plus haut niveau n'interdisait ni les postes diplomatiques ni les fonctions politiques majeures, ou cela n'arriverait plus jamais ? même plus en Europe devenue pragmatique et près de ses sous ? forcément après deux guerres et des envolées et retombées idéologiques désastreuses ou à jamais criminelles, génocidaires ?

Enfin, au moins une chose nous sera apparue, quelle que soit la différence entre un homme et un autre, quel que soit le fossé, le fleuve ou l'océan et les ramparts qui séparent tant de types d'humanité, il n'y a pas véritablement de surhomme, de géant, de génie, de fou ni d'ambition qui puisse imposer les lubies de sa petite et monstrueuse personne gonflée à l'helium, sans être rattrapé par sa face à peine cachée et ses objectifs d'animal médiocre.

Enfilades, télescopages, trous de gruyère, fontes de glaciers, sauce et noyade. Inclassable, trop de lettres.

 Tout ça, tout ça;

commençons par la fin, je m'y noie dans la grande sauce de mes souvenirs fondus en raclette et parfois vacherin fribourgeois ou même camembert (s'il n'est pas trop vieux, ça vaut mieux), en partie et n'ayant laissé, portés à chaud, devenus grands glaciers dilapidés, réutilisés en récits courtois, bourgeois, sortables, plus tard, bien plus tard, n'ayant laissé que moraines grises sur le sol sec qui encombrent le passage avec des murs encore pleins de trous (bien durs à décrire et raconter), des constructions de résidus et des crevasses reproduites plus bas dans le lacis de torrents rocailleux (paroles perdues, musiques sourdes, chansons lancinantes et cris gelés) que je remonte à pied, il y faut de bonne chaussures, car bientôt tout se télescope et se mêle en blocs et galets, gravier humide et rarement se range au hasard et seul, en enfilades alignées, sages rangées, casiers empilés, piles bien dressées, ordre. Au contraire, même si j'ai bonne mémoire, fidèle je ne sais, chargée et engraissée, tout est méconnaissable, tellement enchevêtré et désordonné.

Comment remontent-ils eux, les souvenirs si j'arrête de marcher et de les reconnaître en marchant vers eux ?

Ludions, ballons mais aussi coups portés au corps, mini-explosions intérieures, douleurs, crampes, tendons pourris et vibrations rageuses, faux écran bouché, parentèle inexplicable, nous avons eux et nous, eux et moi, les mêmes gênes sans raison apparente, trop de circonstances y sont passées, ont tout concassé, réaggloméré, fondues en émois.

Je crois cependant, ça c'est clair, sans équivoque ou confusion, que les souvenirs rebondissent sur la mort, sorte de pelote basque ou parfois plus rapide, squash en salle close, sur un mur lointain ou prochain, à plus ou moins grande vitesse et ce sont eux qui un coup dans le crâne ou l'œil ou la nuque ou dans le sternum ou en plein bide, auront notre peau.


D de dépiquage.

 Le dépiquage du blé a été tué par les moissonneuses-batteuse.

C'était une fête.

Là j'vous jure on aurait dû porter des masques. 

C'était une fête des brins de paille et de la poussière, on en avait partout, dans les cheveux, dans les yeux, dans les oreilles et surtout dans les naseaux. La chaleur obligeait à respirer à pleins poumons, par la bouche aussi quand le nez finissait par être bouché. Je n'avais pas sept ans, cinq ou six, c'était juste après la guerre puisqu'il y avait encore un grand type blond qui portait sur sa chemise kaki de grandes lettres noires : P G , c'est à dire prisonnier de guerre mis au service d'une ferme qui était juste à côté de la maison, une grande ferme où on faisait tout, le blé bien sûr et quelle fête immémoriale de le récolter, moisson et tout le reste, gerbes, meules montées en énorme escalier en colimaçon si habilement ! charrettes chargées à bloc, cri des bœufs, circulation continue des chargements ! les vaches, le lait, les cochons, les oies, les poules mais pas les moutons ni les chèvres dans ce coin là, relativement riche, et la vigne aussi sur les coteaux pentus et aussi la forge où officiait encore le grand-père de ses bras gigantesques et qui travaillait à la masse de sacrés bouts de fer rougi quand on était en panne de pièces, sans avoir fait aucune étude d'ingénieur en pièces détachées, et qui ferrait les bœufs et les chevaux, spectacle incroyable dont je garde précieusement au fond des sinus l'odeur de corne brûlée et la grande Françoise à peine quelques années de plus que moi mais déjà femme et qui si elle n'allait pas déjà dans les meules de foin, regardait pas mal dans cette direction, j'aurais bien voulu l'y entraîner pour au moins un baiser mais tous ces gens avaient depuis le petit matin un peu bu et auraient ri de voir mon audace, c'est elle quand même qui a pris les devants, souvenir incroyable de salive au soleil et de rires.

dimanche 23 août 2020

O d'Observateurs.

 L'observateur Alpha 1, coiffé de son bonnet bardé de technologies et savants bidouillages d'approche, harnaché d'une ceinture portant toutes sortes d'appareils de mesure permettant de localiser et préciser une visée, se tenait sur une petite planète assez éloignée, bien au-delà de Pluton # 367,  cette borne de l'espace qu'on ne pourrait atteindre d'après les calculs terrestres qu'au bout d'un voyage déjà exténuant bien qu'elle accomplisse son tour du soleil en un temps très voisin du nôtre, d'après les mêmes calculs. Il était intrigué et assez exalté, il venait de découvrir, un angle de vision étonnant. Bien plus, malgré son entrainement à la recherche, son esprit et son regard étaient sans arrêt ramenés à ce "coude grossissant" à peine perceptible sur le relevé de la cartographie astronomique. 

(Car comment appeler autrement cet angle à peine marqué et légèrement arrondi, minuscule et perdu, un peu caché derrière l'ombre capricieuse d'une lune tournoyant dans le coin, dans l'étranglement que formaient deux galaxies mortes en train de noircir, un peu comme l'espace qui se dessine entre deux dents jadis jointoyées dont les caries progressives finissent par ménager un créneau où passe la lumière, qui s'avérait à l'usage, par effet de courbure et rebond, par rebords transparents superposés, faire office de lentille grossissante et déclenchant, par hypothétique surcroît - mais comment autrement expliquer le phénomène ? - d'un léger effet de prisme, et produire un reflet rattrapant l'infime déviation de la trajectoire du rayon qu'il captait à l'autre bout). 

Le fait est que cet ensemble occasionnellement réuni lors d'une révolution de ces sphères imparfaites, s'avérait donc former, dans cette perspective d'espace un peu biaisé et télescopé, un appareil optique naturel. 

Il avait donc découvert seul ce point de vue sur notre monde qui lui permettait, au moment où le soleil couchant étirait des ombres sur le sol sableux et rocailleux du désert, d'en saisir, avec beaucoup de difficultés il est vrai, quelque chose, quelques détails et tout cela, cet infime spectacle localisé en un point précis de notre petite planète encore totalement inconnue de lui, décroché d'un rebond de lumière comme d'un rebond totalement fortuit de boule de billard sur la bande, visible seulement pendant un instant très court qui pouvait varier ou ne pas se reproduire. Un éclat dans l’œil aussitôt disparu. Une découpe d'ombre entourée d'un rai de lumière instantané vouée à disparaître aussitôt que projetée. Dans le meilleur des cas, des fragments de silhouettes légèrement rapprochées par le fonctionnement optique assez aléatoire et miraculeux de l'appareil naturel sur lequel il était tombé en parcourant sa tournée quotidienne de chercheur, mais encore infiniment lointaines.

Il n'avait encore parlé à personne de sa découverte, cherchant d'abord à s'assurer qu'il n'était victime d'aucune illusion et espérant bien arriver à mieux distinguer sa prise; pour ce faire il avait fini lors d'une énième observation, juste avant que le spectacle disparaisse peut-être à jamais, par en tirer, sur une série de plaques transparentes à émulsifiant, une suite d'images nettes et contrastée qui le laissait un peu rêveur. Ce qu'on y voyait, c'était on aurait bien dit un être vivant aux allures frêles, élancées, sombre sur un fond clair qui s'éloignait du groupe et allait s'accroupir, repliant nettement ses jambes pareilles à celles d'un batracien, derrière un relief bas, peut-être un rocher disposé au bord de la piste suivie par tous. Il ou elle - à supposer qu'il s'agisse bien d'un être vivant - y restait un petit moment, comme caché de ses semblables et revenait bientôt parmi eux pour suivre la progression du groupe laissant très nettement des traces de pas sombres, pieds ou pattes, sur la surface pâle.

L'observateur Béta 212 se trouvait beaucoup plus proche puisqu'il était déjà parmi nous. Rien ne le distinguait de l'un de ces chats Maine Coon devenus en si peu de temps tellement recherchés dans les familles malgré leur prix d'achat devenu ces derniers mois exorbitant. Leur taille, leur prestance et leur humeur généralement assez placide les avait fait adopter dans le monde entier, d'autant qu'ils miaulaient d'une voix douce et devenaient des vrais pachas de sybaritisme tranquille quand ils étaient en confiance dans une maison. C'est beaucoup plus tard qu'on apprit qu'ils avaient d'autant plus facilement trompé tout le monde, avec leur regard impassiblement rond comme une agate, parure imparable de grands étonnés - et moi le premier en accueillant sans précaution et sans soupçon aucun celui de mon voisin sur les coussins de mon divan - que cette race hybride de demi-lynx et matous domestiques avait été conçue non pas dans le Maine comme tout le monde l'avait cru, mais entièrement fabriquée dans l'île de Vancouver, en grand secret à partir d'une enquête menée sur un bon millier d'amateurs de chats en étudiant y compris les fantasmes et les rêves de ces doux passionnés, mais surtout en prévoyant de remplacer sur certains spécimens spécialement beaux, impressionnants, nobles dans leurs attitudes et voués à ronronner à la moindre occasion de bonheur, leur pupille et leur iris par des caméras connectées et miniaturisées.

Vous n'imaginerez que très difficilement qui était le troisième observateur.



vendredi 21 août 2020

Rétropédalage 2.

 Très récemment Elric Dufau, dessinateur sous le nom d'ELRIC, auteur, historien toujours très pointu et exégète critique dédié corps et âme à la BD que vous connaissez peut-être, s'amusait pour notre bonheur et pour réaliser, dit-il, le vœu de Franquin  à un drôle d'exercice. 

(En effet, au cours d'une interview, Franquin, dessinateur vedette, parle comme d'un choix qu'il aurait dû faire de ce retournement de l'image et du sens de la trajectoire qui aurait dû être de gauche à droite et non de droite à gauche, pour améliorer encore le dynamisme de cette course de vélo fameuse et fada où le champion, à la suite d'une chute mémorable en étape de montagne, passe le premier, en vrombissant de vitesse et de vent, la ligne d'arrivée mais à l'envers, en position de recul, selle et cul en avant au milieu des coureurs "normaux", tête et guidon en avant) 

ELRIC s"est amusé à reproduire dans la revue Marsam.graphics, en retournant l'image, la course folle fameuse qui se trouvait déjà génialement dessinée dans le journal Spirou des année 1954;

c'est sans doute beaucoup de travail d'oser faire ça et c'est incontestablement là . . . un tour de force, enfin . . . je crois. En tout cas ça donne à penser, en tout cas pour moi comme vous allez voir, mine de rien, cette course à l'envers . . . renversée. D'autant que je sache Elric, de son nom de dessinateur, est aussi en tant qu'Elric Dufau, un spécialiste de MANGA . . .

A suivre très bientôt . . . 

Le jour suivant, suite :

Donc voilà, de retournement en retournement, j'en arrive à cette idée qu'Elric appelons-le Elric pour aller plus vite, c'est déjà assez compliqué comme ça et j'espère que jusque là vous avez suivi . . .

Résumons : le Journal de Spirou nous propose une course où le héros gagne mais en roulant à l'envers, c'est d'autant plus étrange que sur la page, la course est représentée dans le sens de droite à gauche ce qui n'est pas conforme à nos habitudes invétérées ou du moins aux orientations de notre espace occidental où l'écriture "latine" nous a conditionné à aller plutôt dans le sens de gauche à droite. Pour nous, le passé est à gauche et l'avenir à droite. Bien, OK, tous les graphologues vous le diront, c'est ainsi qu'on interprète, chez nous, le bon usage de la page et sa symbolique. Par exemple si vous laissez un espace trop grand à droite de votre texte c'est que vous avez peur de votre avenir . . . point-barre. C'est ainsi que Franquin lui-meme aurait après coup, après l'avoir dessiné, ressenti le truc. Cela eut été plus dynamique en  mettant le dessin de la course d'arrivée dans l'autre sens.

Bon, mais revenons à Elric Dufau.

Lui, amoureux et exégète de l'histoire de la BD s'est intéressé aux origines lointaines et y compris nippones de certaines inspirations d'Hergé quand il invente le personnage qui va faire en son nom, le tour du monde : Tintin flanqué de Milou (allez-y voir sur Marsam.grahics où E. Dufau l'a très bien montré). Cela lui a sans doute ou peut-être valu son invitation très officielle au Japon; . . . et je ne suis pas loin de penser que c'est sa connaissance érudite des mangas qui lui donne ce tour de main, cette aptitude à voir les choses dans un tout autre sens, et sans doute à s'interroger tranquillement, avec assurance et curiosité sur le tour que prend le monde et sur son sens de lecture.

H de Homonymes.

Récemment un certain Bon, préoccupé par l’occurrence de son nom ("propre"), en l’occurrence, le François Bon impossible à confondre avec un autre, fils de garagiste, ingénieux ingénieur, explorateur et diffuseur des ressources littéraires de notre monde avec et après l'imprimerie en machines, hypertextes, paroles proférées, fréquentation des friches industrielles, ateliers, interventions, performances inspirées, amour des architectures urbaines, Toile folie, la Grande, inflexions de voix, images filmées, concerts saturés et mots en abyme et en synergies connectiques, nous parlait de ça, nous disait qu'un nom dit de famille, aussi répandu soi-t-il ou pas, c'est quelque chose de construit . . . et hier j'ai cherché, une fois de plus, une fois encore, le rapport de parenté réel et  littéraire entre les deux Garcilaso de la Vega, le poète renascentiste tolédan célèbre dans toute l'hispanité de ses cinq chansons, deux élégies, de son épître et trois églogues et le péruvien dit El Inca Garcilaso.

Curieux non ? de trouver un autre Garcilaso de la Vega le fameux en arrivant au Pérou, qui plus est historien de première grandeur, grand témoin de la culture inca exterminée, considéré comme le premier écrivain du pays vice-royaume, historiquement , fils de militaire lui aussi et poète aussi.

C'est que c'est une histoire tendue, nouée de traditions, ascendances, préjugés et fausses évidences où se sont engouffrés critiques et psychanalystes. 

D'autant que ce jeune homme à vingt ans et quelques, quand il va pour enterrer son vrai père en Espagne - et que là, de plus, couches accumulées de  l'histoire imposée, greffée par les hommes, "Conquête" et bâtardise s'en mêlent - décide de changer son nom pour s'en imposer un autre et pas n'importe lequel. Il abandonne celui fixé par sa famille et revendique d'un coup l'ascendance indienne que son nom espagnol imposé aurait pu partiellement cacher, sa mère était une princesse Inca, et par son nouveau nom public, s'attribue l'héritage du sang de son père, conquistador vivant à Cuzco, descendant d'une noble famille qui se distingua déjà par un amiral héros d'une autre conquête, la Reconquête de l'Espagne musulmane et beaucoup plus tard, par ce guerrier désormais homonyme devenu très grand poète avec lequel il a un lien de parenté, premier Garcilaso de la Vega qui est en effet son arrière grand oncle.

Construction, construction quand tu nous tiens !

Les hommes sont faits et se font tout autant, se battissent de ruines et de sang. Parfois ils se font aussi, resurgissement en mémoire et monument des oeuvres de leurs ancêtres. 

Car rien dans cette terre Amérique n'échappe à la duplication impossible. La terra incognita  n'est pas tabula rasa. Vouloir retrouver le Paradis ou l'Eldorado, c'était surtout tenter d'effacer et de recommencer le monde en y transportant, fausse page vierge, nos discours imposés, gravant et marquant au fer rouge dans sa peau, notre inquisition et exploitation, y acclimater nos erreurs, en inventer d'autres et y lire, en notre nom, double estampillé, miroir retourné, la marque de nos limites, la condamnation de nos traditions brutales, de nos dévastations, fixé à jamais, imprimé, le témoignage des mondes que nous avons détruits.

  


jeudi 20 août 2020

R de Rétropédalage.

 Ce terme est d'abord comique si on pense à la politique et aux décisions forcément en zigzag de nos grands décideurs qui doivent ou croient devoir aujourd'hui plus qu'hier réagir à chaud voire, pour les pires, en tweets. Je pense plus particulièrement à cette affaire de pédalo qui colle encore à l'image (déjà phagocytée par celle du scooter qui lui servait à rejoindre sa belle en tout anonymat croyait-il, par la porte de derrière de son palais) de notre ex-président par ailleurs champion des rétropédalages de ces décisions après le remarqué, répété, oratoire et avéré purement rhétorique "Moi Président" de son intronisation,

pourtant, le fonctionnement à rebours, le recul dans l'espace et dans le temps, le parcours à l'envers, dos tourné au présent, œil fixé sur le passé peut aussi être, hors toute responsabilité de gouvernance, hors toute velléité d'influence, comme retournement du regard, un irréversible tournant, une figure révélatrice, ludique et éclairante interrompant le scrupuleux, épuisant et facile, simple pédalage . . . (ouf ! . . . ) ;

alors il me vient cette idée que, seul responsable de mes écrits ludiques, posts, billets, lambeaux de textes en chantier, fragments sans fin ni forme adéquate et achevée,  

je ne suis là, vermine hypercritique mal pensante et assurée, converti à l'inaction, radoteur, réviseur, raconteur du passé minuscule, négligeable, insignifiant, obscur, aussitôt oublié et obsolète qui fut le mien, témoin d'un fil de vie caché aujourd'hui dans ces catacombes où le temps pousse y compris ceux qui ont cru intervenir, crier ou prétendre . . . 

et alors je me rebiffe encore et voudrais vous montrer, . . . je ne sais quoi encore,

je voudrais témoigner de ce regard . . .

je ne sais pas au fond, c'est juste un point de vue de retournement (sorte de conversion), disons un stade zombique, pas plus sage, pas plus lucide, oh non ! une sorte de simple décalque de ce stade atteint, à force de recul, une vision de ce qui échappe dans le feu de l'action, un scanner de la machine à vivre retournée mais dont je prétends qu'elle voit clair ce qui m'avait sans doute échappé . . .

(mais tout ça est encore trop dire, trop plein d'illusions passées) 

'A suivre . . . .'

lundi 17 août 2020

P de Pourquoi le théâtre d'Epidaure porte-t-il un nom de biscotte ?

C'est idiot, parfaitement, mais voyez la profondeur de mes songes, c'est celui dont je me souviens pour cette nuit, un rêve où je me posais cette question en souriant stupidement, fier sans doute de la pertinence de la question posée à propos des sonorités et de l'homophonie d'une marque et d'un lieu universellement connu. Cependant ceci ne démontre en rien, bien sûr, que Freud avait grand tort d'accorder autant d'importance aux scénarios mis au point dans notre vie nocturne. Au contraire peut-être. 

J'en viens à croire que le bruit du papier froissé sur la scène du théâtre d'Epidaure, audible depuis le haut des gradins, ne peut avoir qu'un rapport - justement auditif - avec le craquement d'une biscotte Epi d'Or ou autre,  et cela correspond bien, comme un sens caché, à ces préoccupations qui m'assaillent depuis un moment déjà dans le climat actuel d'incurie et de déliquescence de notre monde, vanité des constructions humaines, insignifiance et inconsistance des motifs de la gloire, bruits de craquements de nos édifices les plus prestigieux. Mais tout ça est dit dans le rêve de façon tellement plus élégante et légère ! et aussi physique et résonnant en profondeur, comme un crissement sous la dent.

V de Vérité (sur l'armoire à confitures).

 Ou autres vérités adultérées.

Quand je raconte l'histoire de l'armoire à confitures, meuble en deux corps superposés, qui m'est tombée dessus par gourmandise quand les pieds posés sur le buffet le plus proche du sol, je m'accrochais aux étagères de l'élément supérieur, portes ouvertes ou à la corniche qui coiffait le tout, ça a l'air d'une histoire vraie mais non, si je la raconte ainsi parfois, c'est par paresse pure, pour aller dans le sens d'un cliché bien répandu quand j'ai hâte de satisfaire l'auditeur qui n'écoute que d'une oreille; or si je fais cet abiocédaire analphabiotiqué, lettre à lettre à n'en plus finir, c'est justement au contraire pour remettre la vérité en place.

L'armoire en question ne contenait rien qui se mange. 

Elle était remplie de collections, insectes épinglés. herbiers, coquillages et maquettes réalisées par des élèves de tous niveaux du primaire, chateaux-forts, villages de bois sculptés, collés et peints et sans doute fossiles et collections de minéraux, peut-être squelettes d'animaux dont je me souviens moins bien. Non que je n'ai pas été un gourmand invétéré dés cet âge-là, cinq ou six ans, peut-être même quatre et les photos où l'on voit que je suis un bébé "soufflé" montrent que je l'étais bien avant, ainsi que cette histoire qu'on m'a racontée maintes fois, sans doute vraie, où je pousse des cris violents et ris aux éclats en mangeant une pêche bien mûre que je me fourre dans la bouche et sur le nez, ruisselante de jus, tenue dans ma main trop petite à deux ans ou  trois; mais voilà ce n'est pas ça l'histoire du jour, ce 17 août de l'année Covidée 19-20.

La vérité est autre et au risque de passer pour un prétentieux monstre de fringale précoce pour tout ce qui m’intriguait et attirait mon regard, voici l'histoire vraie de cette ancienne et prématurée blessure profonde que je porte au bras droit comme d'autres ont porté, survivants, leurs blessures de duellistes, de guerriers ou de gladiateurs. Bon, je rigole mais vous allez voir.

lundi 10 août 2020

C de Cinéma.

 Le cynématographe de Léon Bouly a eu des conséquences prévisibles.



Mais comment aurait-on pu prévoir que le cinéma, par le truchement de ses figures, "acteurs", stars au firmament de notre ciel interne, ces ombres détaillées, douces et magnifiés, de lèvres entr'ouvertes, de peaux dont le grain montre le duvet, de seins glorieux, de carrures et courbes de pectoraux et chutes de reins et barres de chocolat en surexposition, de sueur sur la peau, d'yeux qui s'ouvrent grand et bouches qui profèrent la colère, les menaces entre les dents parfaites, le roucoulement, allait conditionner nos façons de faire, tant et si bien, fumer, ne pas fumer, marcher, parader, danser, lancer les balles, mettre l'ongle de son pouce sur ses incisives, se laisser pousser les poils de barbe ou pas? se retourner en montant l'escalier ou rêver dans son lit ou debout accroché à la poignée du métro ?

dimanche 9 août 2020

R de Robot pour une approche plutôt élogieuse.

Ayant peu fréquenté les robots je les ai cependant appréciés tout au long de ma vie et, je l'espère, vu leur évolution prometteuse, ce n'est pas fini, oui je l'espère bien. 

Peu amateurs de machines, sauf les machines de compétition roulant sur des circuits, depuis mon plus jeune âge, ah . .  l'odeur du carburant brûlé à l'approche du stand de départ, lors du réglage des moteurs  (gamins nous guettions lors des essais l'arrivée des bolides sortant à peine de leurs camions de transports ou parfois, rarement arrivant directement sur pneus neufs à petite allure et grand bruit, les surveillants étaient bourrus mais pouvaient nous laisser approcher surtout quand j'étais avec mon grand cousin qui ensuite est devenu mécano et plus tard a monté et expérimenté un engin de fabrication locale créé par un de nos ingénieurs-inventeurs), j'ai - appréciant peu le bruit aigu, lancinant et désagréable des petits moteurs (tronçonneuses, débroussailleuses, souffleuses de poussière et de feuilles, eu une presque tendresse pour les robots, pour la plupart silencieux ou enclins seulement à des bruits à la musicalité souvent comique quand ils n'imitent pas maladroitement notre voix. Pourtant, malgré un copain prof de robotique, j'ai peu fréquenté, me livrant plutôt aux plaisirs végétaux et champêtres, ces bestioles qui sont l'avenir de l'homme et de la femme dans la mesure où ils n'arrêteront pas de prolonger nos pouvoirs déjà démesurés.

Les robots de cuisine c'est un peu limité mais parfois intéressant si on ne recherche pas les saveurs réellement mitonnées qui exigent des heures et qu'on sache se contenter de fadeurs un peu douceâtres. Et après tout je fais notre pain quotidien depuis presque trente ans avec une sorte de robot simplifié qui mélange, malaxe, pétrit et cuit les ingrédients que je lui proportionne, j'ai dû épuiser une dizaine de machines, soit 3 ou 4.000 pains à mon actif depuis mes débuts en boulangerie robotique, souvent parfaitement ratés, la cuve débordant et menaçant l'électronique de la machine ou inversement le pain tassé et non levé servant au mieux de lourd cale porte, faute de bonnes proportions ou de bonne levure (ah . . . pour trouver de bonnes levures, le mieux n'est pas d'aller les voler en petits cubes en super-marché mais de rendre visite à un vrai boulanger qui vous passe le flambeau et l'ingrédient magique le plus frais).

En fin de compte le plus amusant s'est passé pour moi en Italie où surveillant une maison qu'on me prêtait j'ai eu la charge d'une assez grande piscine de 12 x 6 avec vue au loin, bien loin, sur la ville de Sienne, autant dire un régal.

Le maître de maison qui était un ancien aviateur imitant parfaitement l'accent anglais des aiguilleurs du ciel dans tous les pays du monde, la démonstration pouvait durer un moment, était, comme on s'en doute, très versé en machines bien qu'amateur de calme et de vie retirée, au point que l'Internet arrivait à peine dans sa retraite. Mis à part le fait que nous n'avons jamais pu retrouver l'équivalent du piccolino qu'il avait laissé en réserve, ni jamais assez parcouru Sienne, à cette époque déjà envahie par les visiteurs du monde entier . . . mais la piazza del Campo n'était pas encore devenue la conque de brouhaha qu'elle était aujourd'hui ou du moins avant l'année Covid qui a peut-être un peu rabattu le son.

                     Il fallait donc entretenir cette grande piscine entourée d'arbres après avoir réfléchi aux diverses applications de l'effet Venturi (voitures, avions et piscines).

Sous la piscine il y avait une sorte de tunnel et dans ce tunnel, sur le flanc, deux robots usés, encrassés et foutus, l'un manifestement plus ancien que l'autre. Ces robots, d'un modèle très courant et increvable à peine modifié depuis des années par le fabricant, devaient fonctionner sur une buse de refoulement des eaux et auraient dû être activés normalement par un surpresseur (petite pompe auxiliaire) qui avait en l’occurrence de vieillesse et de rouille rendu l'âme. Je savais qu'un nouveau système était en commande mais dans l'attente j'ai essayé de réanimer ces êtres mécaniques, à mes risques et périls, comme simple apprenti sorcier amateur et dilettante.

Celui qui était le plus jeune avait encore son long appendice ombilical ainsi que son court appendice caudal; sachant que par l'effet dit Venturi du nom du physicien calculateur et inventeur du truc, j'aurais pu, en état de fonctionnement normal, alléger ma lourde tâche . . .


Je ne revendique donc aucun brevet d'invention mais je signale aux amateurs que branché sur un simple tuyau d'arrosage alimentant en eau la piscine, il faut bien la remplir de temps à autre, ces trucs déclassés et gardés seulement comme stock de pièces, ça n'aspire pas forcément bien la poussière mais ça la soulève et permet ainsi de la récupérer soit facilement avec une épuisette pour les plus gros débris de feuilles, soit d’expédier les plus infimes dans le filtre et l'aspiration que crée la pompe de re-circulation. Ainsi, en montant sur un autre tuyau le plus ancien j'avais deux auxiliaires de corvée qu'il me suffisait de surveiller pour éviter qu'ils entrecroisent et nouent leurs appendices en cas de rencontre. Je pouvais même les injurier quand il faisaient les pieds au mur, tentant d'escalader les parois verticales alors qu'ils n'en avaient manifestement plus la force ou lorsqu'ils tentaient tout aussi absurdement de remonter nettoyer l'escalier situé au bout, tâche dont ils se croyaient capables malgré leur âge canonique ou à plus forte raison quand ils se rencontraient présumant du résultat de leur agressivité, en combat d'insecte géant au milieu du bassin.