mardi 31 octobre 2023

(Sans Titre)

Juste une apnée, une plongée, un appel pris avant le saut . . . .
Ce serait bien, pas seulement d'écrire mais de vivre, sans titre(s),
ni de transport, ni bancaire, ni d'alcool mesuré, ni de noblesse ni de fonction en faisant sauter les points et les virgules, trêve de parenthèses,
rêve de continuité là où ça communique en flux et en flashs, ouverture des passages élargis et des
sorties d'utérus auxquels nous ne faisons qu'appartenir, croyant inventer des trajectoires propres,
répétant les chorégraphies et enchaînements, pleurs, colères, plaintes de tant d'humains avant nous, disséminés au long d'une chaîne comptable, statistique, stochastique, matrice où s'écrit ou s'improvise peu importe, en dépit de nous, jazz, cris du respir de l'être naissant pris dans cette spirale hyperbolique des trajectoires du vivant et du renouvellement et révolution des corps . . .  

vendredi 27 octobre 2023

A comme Argentine.

 Quel rapport étrange, inattendu, illogique en quelque sorte, ai-je eu avec cette réalité, ce pays immense, ce mot, cette culture si forte, riche, grave, ouvrant des voies nouvelles, ces gens si proches, si fraternels, lointains parents retrouvés miraculeusement,  aux sons de voix assurés, caverneux, y compris chez les femmes parfois, aux bruits, aux pas, et aux galops si peu argentins ! cette littérature, une des plus inventives du monde qui venait de nourrir les émerveillements de ma jeunesse . . . /

Cet article, si j'arrive à l'écrire, va exiger beaucoup de moi. Que je me découvre. Que je me dévoile mais aussi que je m'enfonce dans les couches d'une histoire qui ne concerne pas que moi qui n'ai fait qu'y passer et m'y impliquer par le jeu du hasard et des rencontres, mais tout un peuple exubérant et courageux, largement emblématique des "veines ouvertes de l'Amérique Latine".

J'aurais préféré parler du Chili avec lequel j'ai eu beaucoup moins de liens. L'immense et long Chili, bande de terre interminable cachant le Pacifique derrière ses forêts naturelles archaïques et sa si longue chaîne andine dominée par l'Aconcagua. Je me souviens d'un propagandiste et propagateur régional de Nitrate du Chili passé voir mon père alors en rapport avec des gens des services agricoles départementaux, qui m'avait demandé, me montrant une carte d'Amérique :  

- Sais-tu où est le Chili ?

J'étais à l'époque, six ans ou quelques mois de plus, peu enclin au bavardage avec des inconnus et bien que sachant parfaitement situer cette mince, si étroite sur les cartes, bande de terre, car mon père m'avait déjà transmis beaucoup du peu de savoir lié à la fois à ses activités et compatible avec ma curiosité naissante, j'étais resté muet, quelque chose passant cependant dans mes yeux puisque l'interrogateur avait conclu : 

- Il voyagera ce petit, ça se voit dans son regard.

Quand j'ai vu pour la première fois Buenos Aires, j'étais étonné d'y rencontrer une telle francophilie. Le Journal Le Monde y était à la vente en bonne place, quoique en retard parfois de quelques jours par rapport à Paris, à la devanture des kiosques sur l'avenue Cordoba. Ensuite je n'ai eu sur place dans cette énorme cité si proche et lointaine de l'Océan, baignée d'eau douce terreuse et polluée, que des rapports trompeurs. Et d'abord cette impression, selon les quartiers, d'être toujours dans un très lointain et inversé (hémisphères ajoutés en décalé aux fuseaux horaires) trompeur miroir de l'Europe, tantôt à Barcelone ou à Milan ou aussi dans un petit morceau, en imitation de Panam . . . images imbibées du parfum des petites pommes de terre coupées en deux, délicieuses et gonflées à la friture et de ces merveilleux steaks surdimensionnés, grillés, un peu trop cuits à mon goût . .  mais encore plus délicieux quand même, le tout baigné de tango, tout proche des effluves de l'ancien temps où "dans le reflet de notre ennui" (ces banlieues y compris Palermo), . . . il devenait impossible de retrouver grand chose des poèmes et contes lapidaires du génie pur qu'était Borges ou des réflexions inspirées du passeur expert qu'était Roger Caillois.

Ce n'était qu'un début, ensuite diverses circonstances m'y ont ramené, chaque fois dans un contexte local loin d'être apaisé, réunions "régionales" pour les délégués et directeurs envoyés en poste en Sud Amérique, anniversaire de départ de l'un de nos chefs mythique marié à une Argentine, réunion de coordination des plans de festivité prévues sur le sous-continent pour fêter les 500 ans de la "découverte" de l'Amérique ou le bicentenaire de 89, d'abord à Rio puis prolongées à B.A. 

A chaque fois, cette impression de discours biaisés ou convenus faussant totalement le réel, un peu à notre très petite échelle de conséquences limitées aux fragments de culture importée, parfois parachutée sans correspondance, histoire de dilapider de minces mais exceptionnels crédits accordés pour ces occasions uniques, à l'image, certes mesquine et réduite ici en l'occurrence, des grandes conférences internationales accouchant de résolutions pieuses et se sachant inapplicables et d'ailleurs déjà historiquement dépassées et piétinées par le cours des événements.

Le pire était encore à venir du moins pour ma pomme, roulant dans le vaste monde.

Contrairement à mes vœux car j'aurais voulu travailler à Rio qui fut notre premier amour territorial, les Brésiliens constituent un peuple fou et déchaîné qui touche mon cœur plus que tout autre (et ç'avait été à deux doigts d'arriver, une nomination "providentielle" ou au moins chanceuse) et conformément, en revanche, à ce que je fuyais . . .  ce fut une nomination au "grand poste" de D.G. en Argentine  qui m'était pratiquement imposée; . .  

/donc on me nomme puis . . . (c'était à l'époque des luttes intestines franco-françaises entre les système et réseau Alliance d'une part, système et réseaux spécialement développés dans les villes de quelque importance en Amérique latine, et d'autre part, Services culturels dépendant directement des ambassades et limités, pour leur action directe, à quelques centres culturels, ce qui créait un fond particulièrement instable pour la nomination des délégués généraux coiffant les Alliances et apparaissant de ce fait et du fait de leurs missions plus longue dans leur poste, à l'occasion . . . pas toujours . . . comme plus informés et mieux relié au pays que les conseillers et attachés d'ambassades)

puis . . .  presque tout aussitôt on me retire l'affectation à ce poste de B.A. . . . dés que j'ai fait remarquer, un peu trop clairement . . . lors d'un repas à Paris où devait se concrétiser par un accord interne "maison" ma nomination et lors d'une réunion restreinte dans la capitale de l'Argentine, que si je devais travailler avec l'actuel Président local de l'Alliance Française, ancien secrétaire d'Etat du gouvernement de Vichy qui resta à son poste jusqu'au bout de l'infamie, assumant ses choix, avant de se réfugier en Argentine pour y exceller en tant qu'homme d'affaires de haut vol et pour, en fin de carrière, pendant la plus triste période des généraux y régenter longtemps l'institution de diffusion de la culture française à l'aide de ses réseaux, j'aurais tendance à mettre en cause ce genre de longue compromissions de nos services, . . . et à prendre quelques mesures nouvelles . . . double parenthèse : il faut dire qu'entre temps j'avais eu l'occasion de fréquenter d'assez près quelques étrangement joyeux et virulents réfugiés politiques argentins à Paris, anciens opposants du régime militaire, simples citoyens en désaccord ou, pour certains et certaines, résistants, militants et militantes engagé/e/s dans des mouvements révolutionnaires actifs et réputés terroristes, encore vivants mais recherchés par les polices de leurs pays, dont quelques uns, peintres, poètes, créateurs ou critiques universitaires dans leur pays, se retrouvaient au coude à coude avec Cortázar (justement celui de l'étrangeté analogique de la mémoire, de l'amour des passages couverts qui font communiquer poétiquement Paris et Buenos Aires) au comptoir du même bar dénommé "La Palette", ne portant pas dans leur cœur la dite institution française dont la réputation, au moins en leur pays, méritait toute leur causticité.

Alors, certes, à un moment où on commençait à faire la chasse aux encore jeunes vétérans, à leur tendance à imposer un peu leurs conditions, parfois leur vision (marquée d'époque) aussi bien . . . Tiers-Mondiste comme on disait encore, j'étais pris dans le collimateur officieux, on chercha et on trouva la faille, c'est vrai j'avais pu être un peu insouciant (et ici peut-être de façon marquée et provocante dans un milieu de bureaucrates étroits) des formes règlementaires à mon sens surtout applicables dans le confort d'un pays où règne une riche démocratie et en principe, dans les grandes lignes l'état de droit et une paix sociale relative *, on cherchait donc comment se séparer de moi, tout en m'adressant très officiellement une belle lettre de fin de mission, au bout des six ans règlementaires, de remerciements et de félicitation pour mon action locale décrite en définitive comme "exceptionnellement fructueuse"<; 

Je la garde depuis lors pour me prémunir contre ls louages et les louangeurs.

Ainsi j'ai pu apprendre, à voir les images renversées d'un hémisphère à l'autre, parfois reproduites au loin dans leur vérité transparente mieux que là où la force et la présence de l'autorité en place, forces spéciales, tortures et exécutions venant corroborer le fameux "principe d'autorité", peut brouiller la vue de ceux qui ne l'ont pas claire.

* Rappel en parallèle, en ce qui concerne le Pérou des années 80, qui n'était pas "un Pérou" ! Ô lointain pays oublié du monde ! où l'Internationale Socialiste s'est tenue pendant 1- l'occupation de la prison où ils étaient détenus par les prisonniers politiques appartenant à Sentier lumineux 2- leur exécution sur place par un commando spécial de la Marine, tout cela sous la Présidence d'Alan Garcia, membre invitant supposé dirigeant progressiste, en à peine quelques jours  : 

au quotidien, par ailleurs, enlèvements, assassinats, attentats, défilé dans la capitale des révolutionnaires de Sentier lumineux, inflation supérieure à 6.000 % en moins d'un an, coupures générales d'électricité, grèves générales à répétition, état d'urgence, couvre-feu, guerrilla, changement de monnaie après dévaluations surprise et fermeture des banques, autant de caps qu'on avait pu demander de franchir à un "détaché" et son équipe en rien formés à l'économie, encore moins à la gestion d'entreprise en période de guerre civile et de crise grave, en charge d'instruments culturels qu'ils s'était ingéniés, dans ce grand chaos, à maintenir puis développer, action avant tout  "culturelle et artistique" (expression consacrée) mais parfois sociale de l'institution, y compris dans les quartiers défavorisés et les bidonvilles géants de Lima et dans divers centres éloignés, voire isolés, de province.


mercredi 25 octobre 2023

A à Z, comme Animal de Zoo.

Quand je sors de mon espace clos, reclus dans ce jardin entouré de hauts murs, oui c'est un des privilèges de Nîmes ces hauts murs de pierres, ou revêtus de pierres qui participent avec les masets, chênes verts, pins et cyprès, chemins étroits, multiples vallons, au charme des garrigues urbanisées à l'esprit de privacité et d'anti-ostentation qu'on y observe traditionnellement, j'ai de plus en plus l'impression qu'on me traite comme un animal de zoo.

On a commencé par me réduire et m'encombrer (c'est une obsession) l'espace où je roule, coupé de parcours en baïonnette et accidenté de coussins viennois et gendarmes couchés, entouré maintenant de voies hautement risquées et rétrécissantes ou passent d'un côté quelques énormes bus à rallonge souvent absolument vides, de l'autre quelques très rares deux roues à électricité sur pile lithium ou à force du mollet pedibus, préférant souvent la voie centrale y compris à contre sens ou carrément surgissant aussi, par intermittence et sans aucun droit statutaire sur les passages piétons;

ensuite on m'a conditionné en particulier sur mon téléphone et sur tout ce que je lis sur mon ordi aux nouvelles tendances que je ne peux qu'adopter : je dois absolument m'abonner à toutes sortes de lettres d'information sur nouveaux produits, baisses de prix, lieux que je dois visiter, amis que je dois accepter sur Facebook, mystères que je dois éclairer et bien sûr pompe à chaleur nouvelle génération mixte ou hybride, au gaz ou même au mazout (faut croire que la simple pompe à chaleur si prônée jusque là ne fonctionnait pas).

ensuite, quand j'arrive après la banque et la pharmacie (avez vous remarqué il n'y a plus le long des belles avenues que des banques, des sociétés d'assurances et des pharmacies ?) au supermarché où je fais mes courses de vivres, après légumes et fruits bien mis en gondole, classés,  et de moins en moins low-coast (faut de bons yeux pour le prix au kg), surgissent des rayons ou tout s'entasse, à profusion et en toute confusion de bazar, dernières opportunités de vêtements de sport en général XXL, chaussures de travail à semelles renforcées, lampes de poches aptes aux signaux en morse et nécessitant 4 piles, ornements de jardin sortis de bandes dessinées et alimentés de capteurs solaires tellement miniaturisés qu'on n'imagine pas éclairer grands parages, étagères à bouteilles démontable et remontable, rouleaux de scotch rose ou bleu pastel, chaussettes archi-courtes rasant le haut des chaussures running ou montantes aux motifs tyroliens, etc . . . au milieu desquels je dois trouver, comme un enfant à Pâques, éberlué mais persévèrent,  un œuf dans un jardin, les œufs par cartons autres que de 18, la farine non de soja ou sans gluten, le lait entier bio introuvable, les bons fromages aux nombres de mois d'affinage pas forcément décomptés sur le couvercle de la boîte, les conserves de sardines et de thon qui ne soient pas miettes méconnaissables ou en sauces immangeables.

Bien, mais ce n'est pas l'essentiel.

L'impression que j'ai c'est que si mon parcours est à la fois si guidé, balisé et si difficile dans le détail des modalités, c'est qu'on a peur que dans cette société ou tant de choses plus graves me révoltent . .  je m'ennuie, comme un ours en cage . . . c'est qu'on fait comme si rien d'autre ne m'intéressait que ma survie au jour le jour, au milieu de cette profusion de richesses qui nous emprisonnent (peut-être faut-il avoir vécu un peu dans des sociétés de sous-développement, pour comprendre ce que je veux dire) et on s'y emploie à me focaliser sur le quotidien des dépenses, sur la mode, sur la supposée "bonne vie" du bon citoyen moyen qui ne pose guère de questions au-delà du prix de l'essence, en multipliant mes difficultés quotidiennes à m'adapter à un contexte, un environnement technique, pourris d'obstacles bénins, comme ces gardiens de zoo qui cachent et suspendent les fruits et les friandises dont doit se nourrir le chimpanzé. 

lundi 23 octobre 2023

Pourquoi Nîmes est une ville mythique et sacrée.

Tout le dit mais encore faut-il y voir clair.

Sortez de la gare, façade néoclassique prolongée de part et d'autre des arcades supportant l'arrivée et le départ des trains, temple de la modernité dans un combat des élites protestantes qui battirent en face, admirant la vapeur, leurs  hotels particuliers, remontez les allées qui leur font face, maintenant parcourues par un canal à petites cascades en son mitan, passez la fontaine de Pradier, majestueuse mais peu mémorable, remontez devant les arènes, l'amphithéâtre en train d'être trop blanchi, contre le nouveau Musée dit de la Romanité, vers le Lycée Daudet qui fut, exemple foucaldien : prison, hôpital et lieu d'éducation bourgeoise, passez devant son horloge monumentale, signe d'un temps où les bâtiments public devaient exposer les antiques vertus et la fierté de la République, allez tout droit au passage entre Maison Carrée, temple dédié aux petits fils d'Auguste et Carré d'Art, temple de verre du brillant et encore contesté ici Norman Foster, allez droit en passant par la Fontaine et le temple de Diane à la Tour Magne sur sa hauteur.

Vous aurez parcouru un condensé topologique du tétramorphe feu, terre, eau, air. (****)

D'ailleurs on y sacrifie toujours dans un cercle elliptique à Mithra.


(****) . . . et pour ceux qui s'intéressent plus sérieusement à ce thème, se reporter au très complet et 4 étoiles article de Patrick Peccatte dans son Carnet de recherche "Déjà vu" : Le tétramorphe, une appropriation chrétienne d'une figure cosmique.


I de Inscrire dans la pousse (s').

Si je reste suffisamment dans cette maison (le mas Dingue) je rêve d'y faire faire par la nature et son invraisemblables vigueur des labyrinthes de buissons et des fausses ou vraies perspectives végétales parcourues en vrai ou (mais ça prend du temps à tailler et surtout à remodeler et pousser) en trompe l'œil.

Hauteurs.

Finalement je passe beaucoup de temps dans les hauteurs; gosse déjà, chanson connue, berceuse, litanie, chat perché je montais partout, bibliothèques vitrées et à corniche (souvenir cuisant, fracassant d'une chute), cerisiers énormes et conviviaux, je n'en dirai pas plus,

sauf que ascensionniste, j'ai adoré escalader, randonner sur des à pics, gravir des pentes la nuit en Pataugas pour y voir du haut le jour se lever et maintenant je me rends compte j'adore grimper sur les petites hauteurs non loin de mon village côtier préféré, où je remonte le cours de l'histoire, hameau visigothique perché avec ses urnes à grain immenses et enterrées, traces d'occupation grecque ou phénicienne dans ces restes de maisons pentues, mégalithes répartis en lieux de cavernes habitées et chambres semi troglodytes, appropriation topologique à toute époque de ce lieu que le climat et la présence maritime ont toujours favorisé et rendu trop convoité

ou plus proche de ma cellule d'isolement, de mon havre, je trouve souvent un prétexte pour élaguer des arbres et y monter ou je revisite et révise les tuiles anciennes de sa toiture avant les grandes pluies, colonisées dans les creux en canal de feuilles, glands, pourrissements végétaux, terreau formé de tout ça et plantes qui y germent et poussent en joubarbe à foison et autres, non que j'y ai des aptitudes particulières, n'ayant jamais été entraîné à l'alpinisme, à la varappe, ni à grimper à mains nues sans mousquetons, seulement par goût du voir un peu plus loin que mon toit

Smurf, break danse, hip hop ça ondule en capoeira saccadée.

 Au soleil ils s'exhibent sur une estrade tour à tour, certains les contemplent assis mais ne vaut il pas mieux être debout contre la barrière, pour saisir et ressentir dans son corps emporté par l'air saccadé en rythme de capoeira, ce qui les amène en toupie sur la tête, jambes tourbillonnant en hélice brinquebalée.

dimanche 22 octobre 2023

Maîtres baigneurs, Salva Vidas et autres Sauveteurs qu'il vous soit rendu grâce.

 Je l'ai déjà dit, je sais je radote, mon arrogance quand je nage - et si je porte mon maillot rouge surtout - fait qu'on a pu parfois me confondre avec le maître baigneur de la piscine (quoique maintenant et depuis longtemps je me sois et suis débrouillé pour éviter les piscines forcément toujours trop courtes, trop envahies, sans parler de la qualité de l'eau et du chlore, en tâchant d'être, aussi loin que j'en sois, finalement, par chemins détournés, pas trop éloigné de la mer, cette dernière étant, à mon échelle de petit baigneur, presque infinie d'étendue et presque bonne à boire avec son goût d'huitre inimitable. Arrogance oui, car pour bien nager : ne pas hésiter, faire les mouvements à fond, bien lancé, bien plonger la tête pour se sentir allongé et porté, transporté et baigné, car c'est vrai, par moments j'y vais à fond ( et oui les gens . . . ne pas garder ses lunettes de soleil et l'air dégouté vouloir à tout prix, debout dans l'eau, ménager sa permanente et friselure, car à nager debout tête haute, on y perd tout plaisir ) mais soyons honnête je ne suis pas forcément des plus efficaces et n'arrive pas toujours en corps à corps à faire vraiment corps avec l'eau, surtout quand cette douleur à l'épaule et dans l'omoplate que j'ai contractée en sciant trop de bois à la main par horreur du bruit, se déclare et ralentit mon élan.

Mais le fait est là, j'ai eu pour amis quelquefois des sauveteurs, dont celui-là maintenant disparu, un ancien maître baigneur arrivé à Menton, quand il venait de franchir tant de frontières et puis en dernier obstacle les Alpes, sorti de Hongrie au pire moment en passant par l'ex-Yougoslavie, qui sans s'en offusquer était un peu jaloux que les mères de famille viennent me demander de donner des cours de natation à leur progéniture, plutôt qu'à lui. En attendant c'est lui qui m'a fait sentir plus maître sinon du bain, du moins de mon corps, en m'expliquant et me montrant que les trois quarts des gens faisaient en nageant des mouvements qui les freinaient fort dans le temps synchronique où ils essayaient désespérément de se propulser. 

C'était par ailleurs un mec prodigieusement généreux et pas triste malgré toutes les mésaventures et barrages ou brimades qu'il avait dû affronter étant étranger avec un fort accent, petit, gros, sans diplômes valables dans notre pays, (mais malin et rigolard, fort en plaisanteries toujours tellement décalées qu'on pouvait dire !) juif persécuté par surcroit.

Auparavant ç'avait été, très tôt déjà, une simple histoire de maître baigneur au grand cœur qui était venu parler à mes parents qui ne savaient pas nager . . . . que la plage la plus proche du Rocher de la Vierge à Biarritz n'était pas la meilleure pour un gamin qui ne savait pas nager non plus mais affrontait les hautes et traîtres vagues à surf et qui leur suggéra dés la deuxième conversation d'aller faire un tour avec moi à San Sebastian, de l'autre côté de la frontière, dont la baie bien ronde, bien profonde et bouchée par une île, pourrait, immense baignoire très chic, mieux me convenir. C'est d'ailleurs là que j'ai appris, observé, œil en coin par les bonnes d'enfants à landau depuis la promenade, en m'obstinant seul, à nager vers dix ou onze ans.

Sans parler de la suite. Ce maître baigneur de Biarritz (encore) qui vint me "sauver" quand j'était perdu au Sénégal au large du Cap Skirring, emporté par un courant, à bien deux ou trois-cents mètres de la côté, juché sur des récifs un peu tranchants, mais providentiels déjà, à fleur d'eau, faisant des signes et ne  pouvant revenir. En fait il donna l'alerte et l'hôtel (nouveau, à peine construit, imprudemment établi face au courant intermittent et funeste ) qui, n'ayant en outre pas encore de canot, délégua des pêcheurs en pirogue pour venir nous chercher moi et lui, le sauveteur venu courageusement me rejoindre pour me réconforter et m'assurer qu'on avait déjà sauvé ma fille de ce fameux courant épisodique et trompeur qui bizarrement m'avait emporté plus loin et dont je n'avais pas su sortir.

Voilà pourquoi sur notre plage tranquille de l'été (début et fin de saison) je suis tellement heureux de parler à ce nouvel ami venu de Patagonie dont je vous reparlerai, qui depuis trois ans déjà emporte la palme avec son équipe de surveillance attitrée du bain en crique dans ce village catalan si près de la frontière.

Cri primal du joueur de tennis (le fameux).

Bon, c'est un fait maintenant, quand je joue au tennis, je dois crier, que dis-je ? hurler.

Hurler sur la balle ou sur mon adversaire ou sur le filet ou mes chaussures qui s'accrochent trop au sol ou même sur le coup que je donne en position acrobatique pour en renforcer la virulence, la torsion, la portée, le vrillage ou autre.

Je crie donc je suis c'est vrai il faut le reconnaître dans bien des domaines.

Enfin, quand je dis "JE" c'est une façon de parler, J'ai arrêté d'essayer de jouer au tennis il y a maintenant bien cinquante ans ! C'était à Rio, capitale des moiteurs. Je suais comme aucun autre animal et je devenais rouge comme un coq sous ce climat qui me convenait parfaitement pour philosopher, observer le monde, nager, jouir du spectacle de gens décontractés marchant nonchalamment et à demi nus sur les trottoirs ornés d'ondulations noires et blanches imitant les vagues en magnifique abstraction sur les trottoirs, mais pas pour courir dans tous les sens pour arrêter les balles. J'ai parfaitement bien fait car ensuite à Dakar et surtout Kinshasa c'eut été pire.

Connors, Agassi, Nadal et Consorts je veux bien pour (scientifiquement) une amélioration d'à peine 4 ou 5 % de leur force de frappe, après tout en championnat il ne faut négliger aucun millimètre gagné; mais tous ces autres cornichons d'imitateurs, certes non, ça n'ajoute à leur nullité que de la bestialité.

D'ailleurs je ne sais pas si vous serez d'accord mais tout ça a perdu toute classe.

A quoi bon de si jolies jupettes pour les dames si ça devient aussi beau et léger qu'un lancer de marteau. Ö tennis de mon enfance, jeu de concours d'adresse et d'élégance te voici ramené au niveau bûcheron (je n'ai rien contre les bûcherons au contraire, venant moi-même d'une lignée de bûcherons et scieurs de long, dites-le vous bien, mais là . . . ) te voilà enfin en accord avec les régressions, violences, pure loi du bulldozer, d'une époque barbare et régressive en tous points sous des dehors moralisants, hypocrites, lénitifs, narcotiques et hypnotisants. 


jeudi 19 octobre 2023

La patiente fausse sceptique.

 Ca remonte à loin cette histoire. En un sens c'est une vision d'horreur.

C'était au Brésil, en étranges soirées, quand arrivé depuis peu en poste, avant de m'inscrire dans un groupe de travail et de recherche théâtrale en méthode Grotowski, j'avais, suivant un conseil mal orienté et profitant d'une introduction inespérée, participé aux réunions d'un groupe constitué de psychanalyses junguiens de diverses nationalités et ouvert aux non professionnels que je ne tardais pas à abandonner pour diverses raisons. C'était une époque où, malgré la dictature, s'ouvraient partout, se multipliaient, dans la languide Rio 

ex-capitale détrônée depuis un moment, dix ans déjà, par la froide, vide, splendide et sèche Brasilia où avaient beaucoup traîné les parlementaires (exigeant de garder un domicile et une voiture avec chauffeur à Rio la tropicale et balnéaire) . . . à y siéger dans cette nouvelle capitale toute d'artifice, et où malgré l'injonction officielle, certaines ambassades, dont la nôtre, n'avaient qu'un siège encore à peine opérationnel, les nouvelles fraiches, le moindre changement intérieur, rumeur, mode, tendance, scandale médiatique, ainsi que les visiteurs extérieurs arrivant d'abord forcément par l'aéroport ou le port de Rio, prioritaire par sa masse urbaine et par sa position côtière stratégique,

des clubs, associations, lieux de rencontres, de réflexion, amicales d'entraides, alliances de forces politiques éparpillées à long ou court terme, cercles et cénacles en partie ou totalement informels.

C'est donc là, dans ce cercle qui n'était pas le mien, les junguiens m'ont toujours agacé et peut-être spécialement dans ce groupe qui me fut accueillant, qu'eut place ce récit initial que je tente de reproduire et que son auteur a résumé depuis, dans un article publié dans une obscure et éphémère revue de psychologie avant que l' imprime, encore raccourci et ronqué, sans présentation adéquate et donc passé inaperçu de tous, dans un coin de l'édition du dimanche le très diffusé Jornal do Brasil de ces années lointaines.

Voici :

Celui qui raconte, un jeune psychanalyste venu de Suisse romande qui parle un portugais impeccable et chantant, au regard d'autant plus étrange, insistant, qui parfois s'accroche à ses interlocuteurs, un regard tantôt lointain tantôt inquisiteur, que l'homme est totalement chauve, que son visage est pâle et glabre, commence par décrire sa patiente, une femme de quarante ans qu'il appelle Mme X,  mère de famille sans profession qui le consulte à propos de ses angoisses devant l'avenir de ses trois enfants d'âge bien échelonné, sept, neuf et onze ans, trois garçons remuants. 

L'analyse précise-t-il a lieu en français (langue dont la plupart des membres présents de la réunion semblent avoir quelques rudiments puisque aucun d'entre eux ne se fera expliquer la turlupinade), les deux protagonistes ayant cette langue en commun comme langue maternelle.

Elle se plaint de ne pouvoir compter sur rien. Elle ne sait plus qui croire ni à quel saint se vouer. Elle perçoit le monde, y compris son entourage, comme un milieu flou, instable, fantomatique et les jours les plus tristes comme un décor de carton auquel il est prudent de ne pas se raccrocher, qui, refermé en cercle autour d'elle n'ouvre aucune perspective et l'emprisonne dans un sentiment désagréable d'impuissance. 

Parfois elle rêve d'un monde en ruines d'où les gens ont fui ou été déportés et qui se résume à quelques bâtiments éventrés, à des places publiques et des rues vides écrasées de soleil. 

Le pire dit-elle aussi ce sont ses sensations d'un entourage, d'un environnement, d'objets, de personnes  qui se désagrègent, tombent en poussière ou plus souvent se liquéfient en une purée noirâtre. Le pire c'est, dit-elle qu'elle se sent responsable de ce phénomène désagréable, nauséabond.

Pourtant elle dit qu'elle sait que tout cela est faux, que le monde est consistant, vivant, rigide et dur, que ses proches sont prévenants et solides, mais elle doute, elle ne peut s'empêcher de ne pas y croire, tout lui apparaît comme une mise en scène de tromperie et de misérable cauchemar.

Elle dit aussi, elle a fait quelques études de philosophie, qu'elle se définit elle-même comme une fausse sceptique et malgré les perches tendues par son analyste, elle ne parvient jamais à saisir le sens double et caché, si l'on excepte la prononciation du O, de cette expression en français 

vendredi 6 octobre 2023

Le sentier des douaniers.

Il y a des années que j'y chemine.

J'y vois seulement avant le crépuscule, à mesure que les estivants à la peau dénudée et boucanée fuient, encore en tenue légère pour accomplir la route, pour regagner et remplir rageusement leur labeur et leur devoir social dans les cités grises, polluées et embouteillées, les pêcheurs infatigables, à contre jour sur le ciel, dans un grand bruit d'énormes diésels poussifs secouant la terre, qui partis tôt le matin aux premiers sifflements des étourneaux sortis à ce bruit en bande des arbres suffisamment éloignés du rivage, à l'abri de l'humidité, dans l'aube naissante, rentrent la barque à peine pleine ou, rarement encore, à moitié vide, après avoir étendu leur chalut sur des kilomètres au fond d'une mer autrefois surpeuplée, à l'heure calme où je sors avant le couchant de cet été qui brûle et n'en finit pas.

Les pensées ailleurs, les images dans ma tête défilent comme les vagues à petits plis, j'examine au bord du rivage ces rochers granitiques en amas et chaos qui dessinent sous l'eau cristalline ou à fleur, des pages d'un géant livre ouvert en blocs épaissis, éparpillés et pétrifiés, sous la couverture pesante, déchirée, gravée en caractères archaïques devenus incompréhensibles, ou ces rocs dominant le flot, en crânes immenses, yeux caves, trous rongés en chaudrons, d'oiseaux géants éteints depuis des millénaires.