mercredi 31 mars 2021

Corse(s). (L'île et les)

 La première fois que partant de Marseille vers le soir sur le Napoléon Bonaparte, un immense vaisseau, nous avons quitté la splendeur de Marseille pour passer une nuit en mer et arriver au matin à Ajaccio, c'était encor plus beau. Les îles sanguinaires, la baie, les montagnes au loin, c'était divin.

Ensuite un petit village dans le sud où on nous avait prêté une partie d'une grande maison de famille en indivision, avec terrasse et treille au plein sud, en octobre, c'était idyllique.

Plongée avec les cormorans sur une plage presque vide où quand on rencontrait quelqu'un on se disait bonjour, c'était introuvable, inoubliable comme l'impressionnante falaise bout du monde de Bonifacio, la langueur des criques de Porto Vecchio, l'extraordinaire beauté des calanques rouges mystique de Piana. C'était un lieu proche et hors du monde, rêvé en vraie vie impossible aurat-on pu croire avant d'y avoir goûté.

Ayant toujours eu une prédilection pour l'exotisme de la végétation tropicale, pour l'éloignement de la triste et froide Europe, nous étions enfin comblés là où nous n'attendions plus rien de tel. D'autant qu'on avait pour nous des prévenances oubliées dans d'autre lieux touristiques, même en arrière saison. Le voisin d'en face nous saluait avec discrétion sans curiosité, la factrice sonnait à la porte quand elle apportait du courrier et m'avait déconseillé de faire une excursion seul dans un chaos rocheux en altitude où un ministre s'était perdu et avait dû être secouru en hélicoptère, elle avait même lu une carte postale de ma mère plus tout à fait jeune et me disait très gentiment de songer à l'appeler.

Déjà on parlait de Mafia et des risques de contagion avec les nationalismes, déjà il y avait eu dans le quotidien des affaires, des attentats, des incendies volontaires, des rançons exorbitantes de nouveaux habitants parachutés et c'est vrai que sur les petites routes de montagne où les panneaux de signalisation étaient troués par les tirs des chasseurs, il était prudent de laisser doubler à leurs risques et périls quelques autochtones impatients qui se seraient autrement énervés.

Mais j'étais personnellement assez séduit, encore plus que ma compagne, par ce peuple fier et inflexible, ayant le courage de savoir et de manifester ce qu'il voulait.

Un matin, le voisin qui nous disait bonjour mais sans engager la conversation, nous annonça que dans la nuit deux hommes bien connus ici avaient été tués de sang froid par un visiteur encapuchonné et entré calmement dans le bistrot du village et que cet homme ensuite était parti à pied sans se presser du côté du chemin du cimetière.

Aujourd'hui encore je n'arrive pas à considérer ce territoire comme totalement gangréné et ces gens restés au pays, non engagés dans la marine, la douane, la fonction publique, somme toute enracinés et très divers, pour la plupart atterrés, ou seulement apeurés, quelquefois complices, solidaires ou silencieux, le plus souvent chaleureux, comme anormalement archaïques ou criminels.


Ecololo.

Mais qu'est-ce qu'un écologiste ? 

C'est tout neuf, tout beau, tout nouveau. Le mouvement, si l'on exclue St François d'Assise, Thoreau et quelques actes et penseurs isolés dans l'océan du gaspillage des ressources, l'écologisme comme mouvement militant n'apparaît guère avant les années 60 du siècle dernier, une fois que l'on avait pris, après la guerre, le temps de jouir des avancées techniques incroyables, y compris les toutes dernières, du plastique bulle au micro-onde en passant par la pilule qui révolutionna un peu tard notre vie d'occidentaux.

Mais premier truc gênant c'est qu'on ne sait pas de quoi, de qui on parle, du savant chercheur écologiste, lui-même très controversé dans l'axe de ses recherches au champ infini et aux orientations multiples, ou du militant, sympathisant, élu ou activiste forcené anti-nucléaire ou libérateur d'animaux en cage.

Ensuite on pourrait facilement se laisser décourager par, du fait de l'extrême complexité du problème, tous les aspects amateurs, collecte de déchets bien rares et étrangement limitées, m'as tu vu, effet moutonnement et mode, pistes cyclables bidon, interrompues, décisions biaisées, compromis municipaux, achat sporadiques de véhicu . . .


. . . -les électriques par les institutions qui pourraient montrer la voie, oppositions non résolues entre théories contradictoires prônant la réduction de ou l'augmentation de l'aviation,  du nucléaire, du solaire, etc . . . le tout d'ailleurs reporté sine die . . . et applications parcellaires de bribes de tout ça parfaitement dérisoires quelle que soit votre croyance et votre choix.

Perso je le suis, presque en tous les sens, écololo, oui oui :

 j'apprends chaque jour des chercheurs, autant que je puisse suivre . . . et j'ai de la sympathie pour tous les forcenés, étant moi-même sur mon petit lopin de terre (faut bien commencer par soi-même) un étudiant permanent et un fanatique radical, anti-pesticide absolu et protecteur de la moindre vie (ou presque . . . même les moustiques j'arrive un peu à les supporter quand je travaille dehors et je les arrête à ma porte par des moustiquaires). Cependant, cependant, je suis un peu découragé au fond de ma vision des environnements qui nous attendent quand je vois tout ce qui ne va pas, la lenteur de l'humanité à bouger et même à comprendre, la réduction drastique et nécessaire de l'espace qui nous est imparti, même si la production augmente elle-même de façon exponentielle et si nous mangeons, après les algues, les fourmis débarrassées de leur acide, des beefsteaks clonés.

Mais surtout quand je vois la courbe démographique irrémédiable. Oui on peut discuter de la représentation graphique ici montrée mais peu importe, c'est simple et il ne s'agit que d'évaluations dont cependant la progressive explosion est une évidence : 5 millions d'hommes avant l'agriculture, 300 millions au début de l'ère chrétienne, un milliard en 1800, huit milliards bientôt, quand ? ça se discute, nous n'en sommes pas loin. Il pourrait même y avoir une baisse mondiale de la population au XXIIe siècle . . . mais en attendant ?

En attendant je chante Dutronc qui était déjà très en retard quand il chantait ça  :

"   700 millions de Chinois et moi et moi ! "




mardi 30 mars 2021

Personnages; Fiction; Bio.

Ce recueil d'articles est essentiellement autobiographique, fait de vécus, ressentis, pensés, il y a bien longtemps et jusqu'à aujourd'hui, maintenant, moment d'écriture entrecoupée, dans ma vie actuelle de vétéran retiré des scènes trépidantes, sans arrêt requis par les tâches matérielles d'entretien et restaurations de mon actuel logis, compendium reconstitué au jour le jour en direct, par morceaux volés aux nécessités et urgences du jour, sur cette toile, qui va jusqu'à remonter parfois aux temps des galoches aux semelles de bois et des blouses grise pour les écoliers, béret sur la tête, fronde et billes en poche.
Comme ayant pas mal bougé et longtemps j'ai eu beaucoup de vies et de réincarnations déjà, je suis bien obligé d'inventer des personnages divers pour réendosser diverses expériences, sans quoi, si je racontais toutes ces aventures disparates comme purement miennes . . .  on ne me croirait pas.
Et c'est vrai que j'ai connu aussi beaucoup de gens bizarres, pittoresques, extraordinaires, attachants, très différents de ce qu'aurait pu lui-même devenir, même en s'adaptant rudement aux circonstances, un petit Français né dans un village de moins de 400 habitants au territoire étendu et en partie vide, propulsé, à des milliers de kilomètres de là, d'un plateau venté où se pratiquait la polyculture et le multi-élevage vers Toulouse puis Paris et enfin d'énormes capitales surpeuplées du Tiers Monde.
La fiction est donc ici élément interne d'exposition de la bio. Tout est cependant, en définitive, en un sens projectif ou pas, et fortement, témoignage du pur vécu.

Où ?

 Vous êtes-vous interrogé ? Par où passe actuellement encore et est passée votre vie ?

A certains moments elle est passée par des pulsions, comprendre où je suis tombé, où suis-je et en suis-je dans mes pérégrinations, recherches, tentatives et passions ?  seuls les passionnés ont dépassé la routine, la survie, la quotidienneté, l'inutile persistance.

Un but, une oeuvre, une direction. même quand je ne sais pas ce que je cherche, ce que je cherche me fait mouvoir, m'emporte et je ne suis plus rien, alors il faut que je respire et revoie l'objectif, sans m'attarder à tous ces obstacles, à ces rugosités, hostilités, incompréhensions, silences polis.

Moi seul ne sais pas ce que je fais, les autres parfois ont compris où je vais et me le disent. Emporté je ne suis que le courant dans lequel je suis, sans lieu, sans place précise, qu'un emportement submergeant, total.

Par l'imagination, l'illusion tenace, l'imitation à ma façon, la prégnance de modèles, ou l'opposition, la détestation, la détermination par détestation, aussi et en même temps l'amour envahissant, l'asservissement au lien comme s'il était unique, introuvable, périssable, et parfois le sexe primordial, imposant sa force, sa racine, son emportement vital, la folie absurde de posséder ou d'investir, ou d'arriver à, ou d'être ce qu'on n'est ou n 'était pas, se ou aux autres prouver que, ou bien alors la survie parfois, quand plus rien n'a d'importance que de ne pas tomber plus bas, d'être englouti, bu, disparu, n'être plus, happé par le vertige du néant, un néant noir, un vide blanc, un lieu d'inexistence.

Serait-ce l'une des clés de ma recherche d'un lieu, d'un espace, d'un paysage, d'un enfermement, d'une forteresse, de murs solides, d'un lieu d'accueil, de réunion qui dit ce qu'on est, ouvertement,  mais peut-être, le cherchant toujours l'ai-je déjà trouvé, ce lieu pour m'établir et mourir.

dimanche 28 mars 2021

Possession.

 A force de chercher, je l'avais trouvé, presque. C'est vrai, depuis longtemps je suis obsédé, disons . . . . possédé par la recherche du mas idéal.

C'était le mas idéal, du moins j'ai pu le croire, un temps, occupé actuellement par des Norvégiens, des Suédois ou au moins des Scandinaves y vivant en intermittence, tantôt un drôle de couple de théâtreux reconvertis sur le tard dans l'animation de marionnettes à taille presque humaine derrière lesquelles, par un jeu de rideaux noirs et parfois en se glissant directement dans leur ombre, ils se cachaient, tantôt un peintre paysagiste essayant de ramener les panoramas qu'il choisissait, vues de villages sans mouvements, blottis dans les collines ou fermes presque abandonnées, à quelques aplats de couleur à la surface desquels on arrivait à distinguer avec beaucoup d'attention, la silhouette effacée, fantomatique, de minuscules souriceaux qui se tenaient debout en vacant à leurs occupations sur ce qui aurait pu être des tracteurs disparus, ou affairés à divers travaux champêtres dont ne subsistaient que les gestes et pas la matière, ni l'instrument, ni l'objet, enfin, surtout, le plus souvent copains de copains, figurants sans emploi, acteurs oubliés des metteurs en scène ou dessinateurs de caricatures déprimés qui défilaient là au fil des mois, touts frais payés par un mécène qui restait discret, et avaient fait, comme il y avait déjà eu deux morts suspectes qu'on appelait ce mas le mas "Derniers Mètres Jusqu'au Cimetière" ou en raccourci "derniers mètres".

Le mas lui-même avait le charme particulier d'un bâtiment de pierre assez vieux, une pierre placée en linteau au-dessus d'une porte mentionnait la date 1706 ou 1766 mais peut-être avait-elle été remployée et prise sur un autre édifice. L'intérieur avait été réaménagé avec une relative élégance en ouvrant discrètement à l'Est et à l'Ouest deux baies et en construisant à la place d'une partie du toit une grande terrasse donnant sur les Monts des Albères et au-delà sur le Pic du Canigou encore enneigé.

Ce qui aurait pu pour d'autres le gâcher et devenir un obstacle majeur à l'appropriation, était selon ma perception un charme de plus. Il tournait le dos à un cimetière assez grand, orné de multiples cyprès, bâti plus tard dans la vallée et longeait du côté d'une belle bibliothèque, le très grand parking qu'on avait jugé bon d'implanter au bout de la route pour accueillir les nombreux participants susceptibles d'accompagner à leur dernière demeure les notables du pays.

Il m'aurait spécialement convenu par sa taille relativement réduite, par son charme pittoresque dû aux pierres patinées, aux quelques éléments anciens incrustés spécialement dans les murs de la vieille cuisine et par la vue splendide et paisible qu'il offrait de sa terrasse. Je l'avais déjà nommé, venant du mas Dingue en garrigue nîmoise, si j'y avais déménagé tout mon barda et mes impedimenta, je l'aurais appelé le mas Zombie.

Curieusement, le sort peut-être mauvais de ces lieux s'est lié aux circonstances du moment contre moi, la propriétaire, après l'avoir mis en vente mais entre temps devenue veuvet dire, j souhaite le conserver pour continuer à en tirer des revenus et le louer épisodiquement à ces étrangers nordiques qui raffolent du lieu. 

Transparence.

 La seule qui attire irrémédiablement mes yeux et mon corps tout entier, celle des eaux entre les rochers sur le sable blanc. Comment résister ? 

Les autres sont en général trompeuses.

Mais celle-là aussi. Ne pas s'y laisser prendre si on craint l'eau glacée. En effet souvent entre les rochers s'épanche dans la mer déjà presque tiède de juin ou de mai, au moins en Méditerranée, une source d'eau douce quant à l'absence de sel mais pas en température si elle vient d'assez haut. 

Ne pas craindre les rencontres inattendues. Une fois un poisson scie si énorme que bien qu'inoffensif, il semblait potentiellement agressif et une autre fois une raie manta géante qui se promenait tranquille et sans danger pour le baigneur mais une pointe de queue de raie fait toujours, même non venimeuse en l'occurrence , grosse impression. C'était sous les tropiques, tout près de Ste Lucie aux Antilles et aux abords d'une île du Rosaire, face à Carthagène des Indes.

Sur la Costa Brava catalane je me suis trouvé une fois face à un petit pingouin torda solitaire et peu effrayé pas ma présence, prenant du repos au soleil bien caché, alors qu'il descendait peut-être de Bretagne jusqu'aux Baléares.

samedi 27 mars 2021

Manchot.

 Le mien est de Humboldt.

Préférant parler de lui plutôt que de ma propre maladresse banale et sans intérêt, résumée par un mot péjoratif magagne (pas au sens de blague comme en Corse mais au sens que peut avoir ce mot en occitan : celui qui a une double main gauche).

En revanche le manchot (plus que le pingouin, désolé pour la confusion qu'introduit ce mot chez le lecteur anglophone qui s'y perdra entre Nord et Sud) je vous dirai que c'est époustouflant d'en voir vraiment, vivant dans leur milieu, des vrais manchots de Humboldt.

Et je ne parle pas de ceux qui, il y a quelques années, furent par décision d'une direction interposée de zoo, en Allemagne, à l'origine d'une polémique lancée par les LGTB à propos des penchants sexuels "naturels" ou pas des manchots. Et je me garderai bien de plaisanter sur l'absurdité, la cruauté et le ridicule des situations qu'engendre ces institutions qui aujourd'hui voudraient se justifier en se disant du côté de la préservation des espèces, elles qui travaillent à l'enfermement de bêtes sauvages en les emprisonnant comme à Alcatraz.

Non je parle de ceux que j'ai vus nous regarder, nous passant dans la barque, se quereller et s'amourer, et plonger comme des bombes dans l'eau glacée.

Leur taille réduite et leur allure claudicante, bec dressé et décidé, donnait envie aux dames de la barque, l'une lança l'idée, d'en capturer un et de se baigner avec lui dans leur piscine ou leur baignoire. Elles ignoraient tout du bec long et tranchant de la bête et de son corps réduit mais massif, tout en muscles natatoires qu'elles auraient eu bien du mal à saisir et cajoler.

Ainsi les petits manchots gouailleurs qui jacassaient en nous voyant passer au bord des îles Ballesteras au large de Pisco, sont-ils restés pour moi un modèle de situation renversée, de maladresse inversée, de bras devenus nageoires de compétition et de parfaite évolution de silhouette dessinée par l'action, comme en Bretagne les si beaux macareux au bec et pattes rouges si graphique, et j'en aurai bien pris un pour blason si je n'avais déjà élu pour y servir un simple lapin courant. 

vendredi 26 mars 2021

Gloire : un mot ringardisé au niveau des soucoupes entourant la tête des bienheureux.

 Aujourd'hui on entend par là, principalement, la vaine gloire, la gloriole, la vanité qui inspire le mépris du modeste et du sage pour ces héros du passé, maintenant déboulonnés de leur socle, réduits en trompeuse gestuelle figée et en ridicules particules dorées en faux or plaqué. Le citoyen contemporain est peu sûr, sans parler d'honneur et de réputation, au vu des obstacles infinis dressés par un monde perçu comme contradictoire, mouvant, bousculant, déstabilisant, par nature instable, oublieux, trompeur, hostile et . . . . une fois pris en compte ses propres rouages et ressorts intérieurs guère meilleurs, de gagner ne serait-ce qu'un peu de bonheur, quelques plages à peine . . . quelques répits transitoires, incertains, alors la gloire . . . . Rendue responsable des fausses certitudes, des autoritarismes destructeurs, des passions monstrueusement égoïstes, des aveuglements du bon peuple encore subjugué par l'aplomb des héritiers, des parvenus ou plus spectaculairement des usurpateurs auto-artificiellement construits à coup d'élections truquées, achetées, à coup d'images fabriquées, la gloire coule en masque de cire, en maquillage vain, en pleurs de zombis. Personne ne songe plus ni à Corneille ni à Lamartine, ni, encore moins à la Gloire divine illuminant le monde de sa majesté infiniment supérieure brûlante et aveuglante, aux orties Pascal et Bossuet, ni surtout à l'emergence de l'Esprit du monde hégelien dont on a vu sur quelles exterminations il fondait son avenir raidi, ravagé, radieux. 

Survivre en profil bas, décrier les petits et médiocres tyrans aux tweet-vedettariatesques tenant lieu de tonitruante politique tambourinée que nous offre l'actualité sur tous ses fronts et tous ses gradins d'amphithéâtres médiatiques.


Voilà qui nous conduit peu, de moins en moins, à comprendre les critères et objectifs ou combats des époques passées que nous ne jugeons qu'aux mesures de nos petites et grandes peurs, incertitudes, fuites, surenchères et pusillanimes sarcasmes.

Heureusement, peut-être, se bâtit en arrière plan solide et calculé, en arrière fond discret du discours discutailleur et confus qui domine nos scènes, un tout autre univers, d'autant plus étonnant, nouveau, mais attendons de voir, qu'il a commencé à échapper aux rhétoriques littéraires ruinées et aux écroulements sophistiques sophistiqués triomphant en cascades depuis Chateaubriand et Robespierre.


jeudi 25 mars 2021

Liste (encore une).

 C'est Roland Barthes qui avait dit des trucs pas mal sur les listes si je me souviens bien, y compris que ça ne servait pas à ce qu'on aurait cru.

Perso, je continue à en faire naïvement pour m'inciter au travail et surtout entre 3 et 4 heures du matin, heures fatidiques et cruciale de rendormissement ou pas et surtout pour ne pas oublier ce défilé qui se forme, entre deux rêves, de souvenirs, peurs, intuitions, émotions, regrets, désirs, projets possibles et utopiques, lucidité et congestion inutile ou pas du cerveau, trop d'idées au portillon; 

donc listes avec le premier papier sous la main, parfois, mais très irrégulièrement.

Prochains trucs, pain sur la table qui commence à être sérieusement encombrée :


gloire

manchot

inondation

tarot

transparence

enfants

Le Petit Suisse

désespérant

flouté

grimpereau 

et plus . .

Oui, peut-être aussi le fameux Grand Charroi de Nîmes en majuscules de chanson de geste .


vendredi 5 mars 2021

Vieux, très vieux, au bout du bout.

Je m'attendais à ce qu'il tombe en lambeaux, marionnette dont brutalement les fils ne sont plus tendus, marionnette humaine  semblable à celles que le théâtre nous a appris à voir, désarticulées par la volonté extérieure du grand cosmos marionnettiste, seul maître à bord des lois dont nous ne connaissons que des fragments réécrits en palimpseste, ici pur hasard des atomes et molécules irrigués d'apports tout à coup étranglés par les modifications, restructurations, ébullitions, évaporations, précipitation et condensation d'une immense, réseau infini, nappe de flux dont nous ne maîtrisons que la petite parcelle prélevée et détournée, greffe de laboratoire, applications multipliées mais minuscules dans la prolifération des sphères et répliques expansives de l'univers dont nous tentons, apprentis, de cultiver des souches. 

Il n'en fut rien un temps.

Le temps qu'il me rapporte les turpitudes dans lesquelles il avait trempé.

Car il avait pénétré, par sa fonction, par une carrière ascendante qui l'avait projeté ou du moins haussé par étapes, de son milieu modeste de boutiquiers grainetiers (le magasin avec ses très vieux tiroirs de bois odorants, empilés, remplis de toutes sortes de germes de graminées, céréales, fleurs de potager, odorantes, semences anciennes, nouvellement bio en paquets verts), de ses attaches à Nîmes et notamment aux gamins de la Placette où il allait jouer au foot et parfois aux billes avec des gitans, de son éducation non loin de l'écusson que forment les anciennes demeures médiévales enfermées dans l'ancien rempart dont ne subsistent pas autant de vestiges que celles de l'enceinte romaine et de sa formation dans les salles aux grandes fenêtre aux encadrements ouvragées, bouchées de grandes grilles de gros calibre du  lycée Daudet par où était passée toute digne bourgeoisie d'ici et sa progéniture qu'elle fut huguenote ou papiste ou judaïque ou que sais je ? enfants de quelques rares maudissant Dieu, sans compter quelques boursiers comme lui, à des paliers, tours de guet et observatoires où il avait pu, du haut de ces diverses pointes pyramidales ou plateformes, contempler et percer à jour les manigances du pouvoir en matière de commerce extérieur inégal, de déclanchement de guerres intéressées au pillage et de dé et néo ou recolonialisme.

Il ne voulait pas, disait-il, lâcher la vie sans avoir dévoilé les arcanes souvent tronqués mais surtout tortueux de son parcours dans les ramifications du pouvoir, dans ses contre-coups les plus obscurs et tenus à l'écart des projecteurs mouvants et trompeurs de l'actualité.

Car, disait-il, les galleries creusées dans le fromage, ne changent pas si souvent de direction et quand elles passent successivement de terrains ingrats à des filons de bois précieux, d'or, de métaux rares, de couches exploitables, on creuse jusqu'à épuisement des ressources acquises au fil d'une histoire qui serait difficile à reproduire aujourd'hui. Quitte à mettre en place en les soutenant mordicus les pires tyrans pourvu qu'ils sachent avec un peu d'aide, maintenir leurs fesses au sommet sans glisser et immobiliser, le temps de prolonger les prélèvements pris sur la matière à disposition, minérale, végétale, animale ou humaine, les peuples instables qui sont sous leur joug et mis en coupe.

- Bien sûr, disais-je, je sais cela, je sais bien et j'ai eu l'occasion d'aller y voir.

- Oui, je sais, je sais bien que vous savez, je l'ai vu au premier coup d'œil, répliquait-il.

Comment le savait-il et l'avait-il en effet perçu immédiatement ? Ce banc de marbre était un piège tendu, sans doute, avec une extrême patience. Un bloc où se joue le destin sans aucune gravure dans la pierre. Facile à dire et sans explication. Mais piège pour qui ? Seul le hasard m'avait conduit là ce jour là.

Il fallait que je sache. Qui était-il ? Que savait-il au juste ?

Était-il lui même quelqu'un . . .  dans la hiérarchie complexe et invisible des espions rares qui n'ayant plus rien à perdre, souhaitent vendre la mèche ?

Pourtant j'avais des raisons de désespérer.

Il tournait en rond dans le peu de temps qui, je le sentais bien, nous était imparti.

Juste avant l'événement final j'eus honte, je n'attendais plus, avec une curiosité excessive, un espoir malsain, que la confession, l'aveu d'un mourant. 

Il me surprit encore et sortit de la poche intérieure de sa veste ou de son manteau, il ne faisait pas un froid excessif mais, cet hiver et cet avant-printemps avaient été anormalement humides, l'air avait une teneur un peu fraîche et presque piquante, un appareil dont on voyait assez fréquemment sur les revues pseudo-médicales ou les magazines spécialisés dans les conseils de santé que lisent les hypocondriaques et parfois les malades réels, un appareil assez petit pour être transporté mais quand même assez encombrant qui devait injecter dans le système respiratoire des enzymes ou des corticoïdes ou je ne sais quoi pour faciliter la ventilation et l'oxygénation. Le respirateur semi-transparent lui recouvrait maintenant presque tout le visage après qu'il eut enlevé son masque; il eut un mouvement de redressement de sa poitrine recroquevillée et sans aucun bruit s'immobilisa. L'appareil était resté accroché à sa main et appuyé contre ses vêtements mais il avait totalement cessé de respirer.

Pendant que je marquais le 15 sur mon téléphone, une carte de visite, échappée de son portefeuille ou de sa poche intérieure, ayant suivi, hasard pur et facétieux ? effet externe passé dans l'habit de la ventilation ? une trajectoire dans sa manche, le fait est, tomba de son poignet.

Je m'empressai de la saisir sur le banc froid, de la saisir avant qu'arrivent les secours.

Elle portait son nom que je ne vous livrerai pas en caractères Géorgie et bien que défraîchie, rappée et encrassée d'un peu de noir, disait son appartenance à une association ou amicale, qu'est-ce qui pouvait commencer par A ? dont le nom complet n'était pas décrypté et dont seules les premières lettres de l'acronyme, deux autres semblaient effacées à la fin, peut-être OF ou OT ou OD, étaient au début de l'inscription, en caractères gras, lisibles : AMAS. . . .

J'avais peur que comme dans les films un peu trop rocambolesque, les deux flics accompagnant l'ambulance me passent les menottes comme éventuel coupable facile et de proximité, mais non. Ils l'emportèrent rapidement et jusqu'à ce jour, je n'ai pu avoir aucune information sur ce vieillard échappé . . . d'un refuge ? d'un asile ? d'un conte ? d'une nouvelle ancienne et de son regain inattendu après des années de dormance ?

Ou peut-être, plus sûrement d'une affaire bien réelle anticipant un peu sur l'actuel immédiat.

Vieux, très vieux au bout du banc.

Il était apparemment très vieux et plus encore.

De loin et même de près je m'étais focalisé sur son manteau noir, sa cane torsadée d'un modèle très ancien ou bien encore fabriqué dans l'un de ces pays où survivaient des artisanats traditionnels disparus en Europe depuis cinquante ans au moins sinon beaucoup plus et qui renaissent parfois à la faveur des courants de la mode avec des variantes astucieuses qui pour un temps d'engouement très éphémère ressuscitent au moins superficiellement en maintenant en apparence des techniques oubliées. Manifestement le travail de cette cane-ci à l'extrémité posée sur le sol de la promenade et au pommeau sculpté où reposaient ses mains incroyablement nouées et noueuses, avait été accompli par un long travail habile et savant n'appartenant en rien à une imitation d'artisanat simulé en usine et à la chaine. 

Et à bien y regarder tout son corps dont n'apparaissait au-dessus du classique masque chirurgical léger et bleuté devenu le quotidien banal de nos échappées hors du confinement domestique, 

sous une chevelure ondulée, fournie, d'un blanc si bleuté qu'on pouvait se demander si c'était une perruque industrielle contrastant avec l'authenticité des accessoires et détails agrémentant le personnage, non seulement la cane mais aussi les boutons du manteau dont l'arrondi travaillé évoquait un demi-globe tressé en lamelles entrecroisées, les chaussures, des richelieu aux finitions parfaites et aux lacés doublement noués, les chaussettes-même tissées en un motif bleu et noir contrasté, parfaitement tendues sur les chevilles, la chevalière enfin qu'il portait à l'annulaire tordu, torturé, au bout rougi et bleuté de sa main gauche, resplendissant au sommet de la cane, 

qu'une portion étroite de visage, mais suffisante pour évoquer, hors les yeux qu'il avait gardés très vifs, expressifs, le parchemin transparent, le cuir tanné de la momie préparée pour simuler la peau qui respire, l'homme d'outre-tombe remonté parmi les vivants.

jeudi 4 mars 2021

Vieux, très vieux, approche immédiate.

 Il y avait bien du monde ce jour-là et je ne trouvais aucun banc un peu isolé ou entièrement libre pour étaler un peu mes affaires. 

Il y avait un vieux très vieux en manteau noir, un peu courbé et méditatif, les mains appuyées sur une cane torsadée, qui n'occupait qu'un bout de ce banc en marbre blanc d'où l'on voyait encore un peu au travers des branches basses, les feuilles n'ayant pas encore éclaté sur les marronniers de la promenade, la nymphe de la source gracile et placide entourée de ses hautes poteries taillées dans la pierre et ses quatre putti accompagnateurs, affalés sur des plis de tissus sculptés en boudins à franges (Nîmes il est vrai outre sa fontaine qui servait à alimenter moulins, tanneries, teintureries et machines diverses devait sa fortune "moderne", à l'implantation des manufactures de tissu et de l'industrie de la soie). 

Il y avait un fugitif rayon de soleil sur le bout du banc et je m'y assis.

Aussitôt, plus que ces allégories très louis XV que les passants examinaient avec attention, autant que les cygnes acclimatés à cette nappe d'eau providentielle au cœur de la ville, ce qui attira mon attention fut le regard en biais du vieillard sur la parka, les livres et le parapluie que j'étalais à côté de lui entre nous deux après m'être assis et avoir regretté aussitôt ce geste qui pouvait paraître de la défiance à son égard. Je l'examinai franchement et lui adressai préventivement la parole :

- Peut-être auriez-vous souhaité ne pas être encombré de tout ce barda à côté de vous . . . 

- Mais non, jeune homme, fit-il avec un sourire presque inattendu.

Outre le fait que je me suis désaccoutumé de me voir appeler "jeune homme" depuis cinq ou six décades, sauf par plaisanterie, j'étais heureux de le voir si déridé au moins un instant alors que je l'avais vu morose et rébarbatif.

Il me surprit encore plus quand, après ce regard qu'il avait lancé à mes affaires, il sembla, de ses yeux vert-jaune lumineux et enfouis dans les rides de son visage et la profondeur de ses paupières plissées pour mettre au point l'image, il sembla tout de go, sans même au paravent me questionner, décidé à me raconter sa vie. 

mercredi 3 mars 2021

Vieux, très très vieux (première approche).

 Un jour j'ai raconté ça déjà, je me souviens, c'était dans une sorte de journal intermittent et ça se passait à Nîmes comme souvent maintenant que j'y suis plus ou moins assigné à résidence par les événements. L'ai-je rêvé, je ne sais plus, je crois qu'exactement je le rêvais et le voyais tout en le racontant, à mesure. Le récit ne produisait pas l'action, action bien restreinte au demeurant, il la dévoilait peu à peu. Exactement comme . . . . (tournure favorite quand on ne sait pas vraiment comment ça marche) . . . comme on décollerait une pellicule occultante adhérant à une image. Autant dire que je n'étais pour rien - du moins si l'on entend par là une volonté consciente de construire et de dérouler une scène en vue de créer un spectacle - dans cette suite d'événements, de mots, de rapports entre les protagonistes. J'y étais seulement présent et partie prenante, mais donc finalement observateur (en qui d'autre, en quelle autre conscience pouvait se développer cette scène ?) et observé. J'y étais donc pour beaucoup en fin de compte, sans doute. 

D'autant que l'autre protagoniste (nous étions principalement deux) aurait pu, et j'avais sans doute, en même temps que je voyais et découvrais la scène, cette impression, aurait pu être moi, un autre moi à un autre âge, très différent, certes méconnaissable, représentant ce que je refusais d'être, cependant mon semblable, encore plus proche de la mort.

Je suis au Jardin de la Fontaine, lieu sacré s'il en est. Lieu mythique c'est à dire attirant, trop connu, piétiné par tant de passants vivant dans la ville ou venus des quatre coins du monde, depuis si longtemps. Lieu un peu sur-occupé aujourd'hui, à cette heure-ci. 

En effet, les contraintes gestuelles, les fermetures d'espaces publics, de magasins, de musées, de terrasses, de lieux de détente, de distraction, de pratiques de sports, de rencontres, le besoin de décompresser accompagnant le confinement partiel, font que tellement de gens de tous âges et toutes conditions se retrouvent ici, indépendamment les uns des autres, attirés, en ces courts instants de répit et d'ouverture, par le même charme et le même besoin de respirer en ce lieu humanisé depuis si longtemps, traversant les siècles et centré sur le surgissement naturel de cet élément liquide qui a toujours fasciné les hommes, symbole et source de vie, de renaissance et de vérité là où règnerait autrement le désert, l'aridité, la brûlure et le froid sec, muet, inhumain de la pierre.

mardi 2 mars 2021

Fontaine.

 Au pays du Jardin de la Fontaine qui donna son nom à la ville, puisque Nîmes est selon la tradition historique et les recherches en étymologie et toponymie en cours depuis des siècles, la ville du bois sacré ou la ville du temple de la source, ou encore la ville du dieu de la fontaine nommé Nemausus en latin et peut-être Nemos ou Nemeton en gaulois transcrit en lettres grecques sur les tombes des notables, il s'est passé des choses qui me concernent très indirectement et relèvent d'une autre plus triviale, fracassante et dadaïste  "fontaine" dite "fountain" outre-Atlantique.

Déjà quand je suis arrivé à Nîmes retour d'Afrique où j'avais eu l'effronterie de refuser un poste jugé intéressant par le Département ministériel qui régissait ma vie, c'était ici un peu avant des élections locales, les esprits étaient agités par le choix du maire de l'époque, un ami de Régine, la chanteuse "Reine de la Nuit" et lui-même membre  du gratin parisien, de construire un musée d'art contemporain (alors que la ville comptant déjà trois musées jugés bien suffisants par la plupart de ses électeurs) à la place d'un théâtre en ruines (ayant lui-même une histoire nocturne que je raconterai peut-être un autre jour). De ce théâtre en ruines, ne restait qu'une grande cavité qui s'emplissait de l'eau des orages, trou rectangulaire profond et béant masqué de géantes colonnes surélevées sur un immense escalier piédestal. 

Cet appareillage faisait face et écrasait toujours de sa grandiloquente et anachronique hauteur la petite Maison carrée pourtant elle-même montée sur un haut podium. L'édifice avait surtout eu le temps de marquer, du fait de sa date de construction (1803) pour le théâtre et (1830) pour l'ajout de la colonnade, peut-être d'autant plus depuis son incendie et sa ruine puissamment romantiques (1952), plusieurs générations d'amateurs de bel canto du cru à tel point qu'au moment des élections locales où se situe mon souvenir, un parti s'était créé dont le seul programme était d'exiger l'inamovibilité des fameuses colonnes de cet ancien théâtre incompatibles avec la nouvelle construction projetée par les m'as tu vu et les énarques parisiens gravitant autour du maire prodigue et enfant de la cité.

Voilà donc que je me trouvais personnellement pris à parti car, par un concours de circonstance, il se trouvait que j'avais connu à Kinshasa d'éminents bourgeois protestants originaires de Nîmes qui maintenant me conviaient à un dîner mondain où l'affaire agitant le ville ne pouvait que rebondir.

Entre temps, l'eau de la Fontaine avait coulé.

Les colonnes de l'ancien théâtre avaient été exilées au bord de l'autoroute en guise de signal, mais curieusement assez loin au bord pour qu'il soit difficile de les voir, sauf en tournant la tête, quand on roule à 130, au moment où arrivant de Marseille on voyait apparaître de loin les tours des HLM des cités périphériques encerclant la cité antique.

Norman Foster, l'international fameux, avait été choisi pour construire le nouveau musée-médiathèque et le trou approfondi de l'ancien théâtre avait reçu en cadeau prolongé souterrainement, le dénommé Carré d'Art, haut mais léger et transparent, inauguré en 1993.

Il s'agissait maintenant de mettre en route le fonctionnement de la nouvelle machine. Le jeune conservateur fraîchement nommé avait choisi pour thème la place de l'objet dans l'art contemporain. Rien de plus classique et même académique pour un musée introduisant loin de Beaubourg les canons d'un art ayant marqué ce dernier siècle finissant.

Mais voilà que sans faire allusion directement à ces objets (et à l'un en particulier), la conversation tournait maintenant autour de la table nappée de blanc et rehaussée d'argenterie et verreries anciennes, autour de ces artistes qu'on aurait pu exposer au musée, au lieu de . . . des artistes, méritants, harmonieux, chantant le sud et ses couleurs.

Je ne disais rien, on me sollicita.

- Auriez-vous préféré que ce nouveau musée d'art contemporain expose Jean-Frédéric Bazille *, mort au combat en 1831 ? Au demeurant, excellent peintre, dis-je aussitôt. 

Oui, c'est vrai, l'un des objets, l'urinoir de Duchamp pouvait apparaître aux yeux de certains, ce qu'il est aussi d'ailleurs, comme une provocation de potache, de carabin, de rapin de très mauvais goût, même posé à l'envers, même authentifié par l'artiste en copie postdatée et signées R.Mutt 1917 (on ne sait exactement combien circulent, peut-être huit ou plus ?) . . . longtemps après que l'original jamais exposé ait été perdu, même garanti par le très sérieux et didactique Centre Pompidou, organisme préteur.

Ce qui est absolument certain c'est que certains Nîmois se sentaient personnellement insultés par cette exhibition-inauguration et aussi que je fus exclus aussitôt et peut-être à jamais de certains cercles locaux, autant que si j'avais uriné à table sous ma chaise, comme le fit réellement, bien plus spectaculairement et plus opportunément dans l'objet incriminé, un artiste provocateur ** qui le fit par deux fois, là le jour de l'inauguration à Nîmes et plus tard à Paris lors d'une rétrospective dada en se payant le luxe de casser à coup de marteau le réceptacle.

*  Bazille, portraitiste et paysagiste largement représenté au musée Fabre de Montpellier.

**  Pierre Pinoncelli, artiste provocateur et auteur de happenings condamné au tribunal d'Avignon pour "parasitisme de la gloire" selon les minutes du procès