mercredi 27 décembre 2023

Peñiscola.

 Cette très petite cité avec une tilde sur le ñ = gn, est un lieu tout à fait exceptionnel sur la côte valencienne. Ce fut le refuge du pape Pierre de Lune dit el papa Luna, noble natif du royaume d'Aragon  qui fut un temps "antipape" d'Avignon. ( Parenthèse : au passage Avignon, vous le savez, a bien profité de cette présence pour devenir éternellement magnifique et aujourd'hui plus que jamais). Le papa Luna, septième pape à résider en Avignon, sous le nom de Benoit XIII, astre passager de la chrétienté durant le Schisme d'Occident à ce moment fameux où il y eut deux papes, a marqué ce roc fortifié de son sceau prestigieux de dissident hérétique. 

Peñiscola est toujours une superbe ville forteresse, presqu'île ayant traversé victorieusement tant d'époques de gloire jusqu'à devenir, entourée de plages, une petite capitale culturelle et touristique porteuse de festivals, colloques, prétexte à plaisirs sun and sea.

Voilà donc comment je m'y retrouvais un jour, poursuivant ma future fiancée dans ses studieux approfondissements intello-touristiques de la culture hispanique. Il est vrai qu'aussi éloigné des grands centres que soit ce lieu, y régnait en ce bel été-là tout un climat d'incroyable effervescence.

Il y avait tout d'abord cette palette de profs prestigieux qui expliquaient pour l'un d'entre eux l'éclatante architecture péninsulaire l'opposant à la lourdeur répétitive et peu inventive du gothique anglais, tel autre introduisant aux courants les plus vifs de la littérature picaresque, où ce troisième jouant sur le somptueux velours de la peinture hispano-hollandaise. L'un d'entre eux, le plus jeune m'avait fait lire le manuscrit de sa dernière nouvelle longue, une trentaine de pages,, plutôt subversive dans l'Espagne d'alors pendant que le maître de séant du festival de théâtre souhaitait me faire connaître son cercle de chercheurs historiens à Madrid.

Bref comme j'étais avec ma bientôt mie, très amoureux, c'était presque le paradis.

Sauf pour le logement. Le premier qu'on nous avait procuré était un studio sombre établi dans une sorte d'immense couloir plein d'une enfilade de semblables vis-à-vis où à l'heure des fritures débordant et giclant d'huile d'olive et des conversations de fourneaux, toutes fenêtres ouvertes, vu la chaleur suffoquante régnant sur les terrasses, le soir en particulier, il était impossible de respirer et d'avoir le moindre calme jusqu'aux heures les plus avancées de la nuit. Nous avions ensuite galéré pour trouver, en pleine saison, une autre crèche. Puis il avait bien fallu se résoudre au pire du pire pour échapper au vacarme et à la promiscuité.

Nous avons fini par nous établir en haut, au vingtième étage d'une tour qui existe encore quoique aujourd'hui enchâssée dans des bâtiments presque tout aussi hauts tout au long de la côte, qui dominait de loin la forteresse antique, dans un studio sentant la peinture fraîche, ce qui nous avait donné l'occasion de dormir fenêtre ouverte et de nous réveiller, du peu que nous avions dormi, boursoufflé/e/s de piqûres de ces petites bêtes qui règnent sur le monde entier, spécialement dans les pays du sud.

J'ai gardé un temps en souvenir le morceau déchiré involontairement et détaché d'une page de l'un des exemplaires du manuscrit que m'avait fait lire le jeune écrivain pamphlétaire où il est question d'une nuit d'insomnie, celle d'un étudiant espagnol qui fait penser au jeune Sartre et qui s'interroge pour savoir s'il doit continuer ses études et continuer à vivre avec sa chère mère malade ou prendre le large et aller terminer sa formation en France ou peut-être en Amérique.

dimanche 24 décembre 2023

Psychanalyste parallèle (jouer le). . . .

 . . . . ça m'est arrivé non pas trente-six fois mais assez souvent.

Comme vous mais pire encore je suis capable de quasi fermer les esgourdes comme de les ouvrir intensément, c'en est même énervant quand on me donne des conseils pratiques que, en général, je n'ai pas envie de suivre, mais inversement, en proportion inverse, je crois être capable par une étrange faculté de m'intéresser à des gens, à des situations, à des cas, à des manifestations d'humanité un peu hors normes qui semblent inquiéter, repousser ou simplement laisser prudemment indifférents beaucoup de gens que je connais.

Ainsi quand j'étais en terminale il y avait un gars, un condisciple, les cheveux gras et gominés rabattus en avant - j'imaginais et imagine encore qu'il avait un début de calvitie - qui filait du mauvais coton. Un jour pendant le cours de Sciences-Nat (on ne disait pas encore Biologie ou Sciences de la Vie et de la Terre soit SVT comme en ce jour où on étale de mieux en mieux en tartines précisément ce qu'on ne sait pas faire, la vie ? la vie ? en sciences, n'importe quoi) un cours d'ailleurs très "pittoresque" donné par un super-prof intouchable. Docteur en biologie animale, il avait deux fortes particularités ou même trois ou quatre dont deux qui auraient pu le faire virer de l'enseignement public : il était fixiste et résolument anti darwinien, soutenant que le faciès prognathes et le type australopithèque n'avaient pas disparu de la surface de la Terre, il était très doué en dessin faits rapidement à la craie au tableau noir, il dessinait en quelques secondes de beaux escargots toutes tentacules dehors ou des singes en train de franchir une rivière et formant pour ce faire une chaine, se tenant les uns aux autres par quelque partie du corps et formant ainsi un balancier au-dessus du vide, scène qu'il avait, disait-il, lui-même observée. Il était par ailleurs lui-même gros et lourd bien planté sur ses pieds, comme un hippopotame, placide et immobile au fond d'un fleuve pendant la sieste, si on me permet ce raccourci. Alors, silencieux et comme inerte, il laissait de temps à autres s'installer un brouhaha dans sa classe, négligeant d'intervenir pour faire taire les conversations, les rires, parfois les cris.

Un jour notre condisciple aux cheveux gominés eut l'audace de placer . . .  pendant que notre maître en sciences de la vie dessinait tranquille et rapide une girafe courant à l'amble et nous expliquait, tournant le dos, cette singularité de l'espèce, . . . de placer et réussir à faire se maintenir à l'horizontale son stylo-bille rouge ouvert, pointe vers l'extérieur, corps coincé dans le cavité subabdominale du squelette de l'homme écorché grandeur nature qui trônait à côté de l'estrade.

L'intéressant ce n'était pas cette facétie qui vous l'imaginez mit la classe en parfaite révolution pendant que notre maître, toujours le dos tourné continuait son dessin de girafe; le surprenant pour nous potaches d'époques reculées et peu évoluées ce fut ensuite d'apprendre que notre condisciple en études anatomiques, l'élève totalement irrévérencieux, suivait une psychanalyse approfondie depuis quelques mois ce dont il s'ouvrit d'abord à l'un de mes amis d'alors avant de m'inclure dans son cercle de confidences. Ce qui s'ensuivit fut notre plongée à trois dans un approfondissement des mystères freudiens, exemples et récits concrets à l'appui. 

Cette façon de lire d'abord ce qui avait encore pour titre en traduction "La Science des Rêves"  soit Die Traumdentung, qu'on préfère traduire aujourd'hui par "L'Interprétation du Rêve", d'en saisir et d'en voir à l'examen les ravages, les douleurs, les impasses, les drames que recouvrent ces analyses m'a personnellement marqué au point de ne pouvoir ensuite saisir cette discipline d'analyse, comme un simple jeu de déchiffrage intellectuel des méandres de l'esprit humain.

Et aussi passionné que je sois par cette étude en marge de nos disciplines officielles, y compris ensuite à l'université où en philosophie on ne l'évoquait guère, je veux dire en rien, comme si elle n'existait pas, comme si elle était absolument tabou, je me souviens que d'emblée j'ai pensé que d'une certaine façon, elle n'était pas faite pour moi. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas été tout au long de ma vie en rapport avec elle.

samedi 23 décembre 2023

Alcools.

 C'est la faute à Blaise qui sur FB me parle très accessoirement, en marge de ses réflexions souvent lucides et toujours amicales, de griottes et de macération dans l'alcool, une histoire où interviennent des ânes porteurs de ces fruits à quelques distances à peine de Bruxelles où lui-même, hors toute anecdote et avec un esprit fulgurant de synthèse, illustre brillamment, parmi ses nombreuses activités, des articles de fond de la Libre Belgique.

Qu'on n'aille pas croire que c'est par ailleurs mon cas, comme pour les griottes, de macérer dans l'alcool, ça ne m'aiderait nullement à fulgurer.

D'autant qu'aujourd'hui, pas boire, pas fumer, je suis devenu très sobre, ne bois que de l'eau et un peu de Corbière ou de Saint Chinian (un vin pour connaisseurs, certains Anglais le savent déjà et se sont installés dans la région) et que n'aimant ni whisky, ni vodka, ni gin, ni tords boyaux divers, à la rigueur très bon rhum et eau de vie de prune ou banyuls des fameuses collines qui dominent la mer, dont je n'ai jamais bu des barils ou armagnacs maison, ah oui ça existe encore ! mais pratiquement plus de tout ça, plus rien, je ne parlerai que de souvenirs. 

Dont deux aujourd'hui, très brièvement :

à Rio (il fallait bien que je parle de Rio), le Consul de Yougoslavie - pays qui existait à cette époque-là - avait eu un fils au Lycée français où j'assurais pendant deux ans des cours de terminale, et il m'a offert en souvenir, quelques temps après encore, une eau de vie de prune dont je n'ai jamais retrouvé l'équivalent malgré l'existence de divers lieux de production remarquables en France. Je viens d'apprendre que la Sljivovica entre désormais au patrimoine de l'humanité estampillé comme la Maison carrée, UNESCO. Gloire aux Serbes !

et puis cette histoire des bouteilles de rhum de Martinique obtenues et  conservées par hasard dans ma famille qui n'avait rien à voir avec les spiritueux, mais je la raconterai plus tard ça serait trop long. D'autant que chaque demi-bouteille bue de cette réserve secrète bien empaquetée et conservée appelait évidemment rencontres, amitiés et histoires ramifiées à l'infini.


dimanche 17 décembre 2023

R de Robot en situation de misclick.

 Scène de la vie quotidienne.

Ma tendre moitié ou si vous préférez ma dulcinée quand je passe derrière elle pour aller porter du petit bois et des lourdes bûches de chêne dans la cheminée me pose cette question :

- Un robot peut-il faire un misclick ?

Outre le fait que je comprends d'abord "un robot peut-il faire un biscuit ?" car c'est souvent que malgré la longue pratique que nous avons de nos accents très différents, entre Nord et Sud de notre beau pays, l'équivoque se glisse dans nos expressions et réceptions de message.

Je réponds aussitôt en insistant sur le ton positif :

- Oui, pensant qu'elle plaisante du fait que nous avons parlé il ya peu des robots de cuisson et sachant qu'elle sait bien que les robots savent faire ça, les biscuits et plein d'autres tucs.

Puis il s'avère que ce n'est pas ça. Elle a commencé à jouer au bridge en ligne à l'ordi dans un "team" (une petite partie entre gens en général de connaissance) puis s'est laissée prendre à un très sérieux tournois. 

Or dans le couple des adversaires, l'un étant sorti du jeu pour des raisons inconnues, coupure de sa liaison ou décision personnelle, l'absent a été remplacé, pour ne pas briser le jeu, par un robot.

Or donc si ces robots jouent en général assez moyennement mais pas trop mal il leur arrive cependant surtout face à de bons joueurs, classés pour certains comme de niveau "mondial" ou "national" dans leur pays, de commettre des bévues. Mais là me dit-elle, si on exclue l'hippothèse d'un robot un peu faible de comprenoire, hippothèse infirmée par ses réponses aux premières donnes, ce n'était théoriquement pas possible, l'erreur de calcul était impensable, c'était tellement évident et facile étant donné son jeu et étant données les annonces . . . ça n'a pu être qu'une sorte de secousse, de maladresse, de dérapage, de glissement malencontreux des cartons ou de ce qui lui tient lieu de doigt, bref un click involontairement placé à côté de la bonne carte qu'il devait jouer.

N'y connaissant rien ni en bridge, ni en informatique, ni en robot - je ne suis spécialiste qu'en mis click, tapant à toute allure des lettres quelquefois (souvent) à côté - je vous pose la question : un robot qui joue au bridge, un robot manchot selon toute vraisemblable dissemblance, peut-il par pure maladresse, s'arranger pour faire, comme un humain qui n'a que ses gourdes mains, un "mis click" ?

Ne haussez pas les épaules, il se trouve que la question est d'importance. Pour l'instant il ne s'agit que de bridge mais cette question engage vraisemblablement notre avenir.

samedi 16 décembre 2023

ABC de la narration.

 Cliffhanger et boîte à mystère sont les mamelles de la série.

Oui, vous savez, rien de tel que de laisser le héros au bord du précipice en fin d'épisode après lui avoir fait découvrir un message incompréhensible et obsédant.

Cependant, ainsi, de mystère non résolu en scène énigmatique, après avoir dératé le spectateur/lecteur qui ne marche pas mais court, brave fantassin parcourant votre récit ponctué d'images spectaculaires, en bandes et en masses moutonnantes, vous vous faites apparaitre, roi nu, ce que vous êtes, illusionniste, même pas prestidigitateur, juste un bonneteur, maître seulement de l'escroquerie, de la carambouille, raquetteur ratissant le boulevard médiatique, panoramique, en bonneteau.

Oui, c'était plus compliqué mais intellectuellement satisfaisant, quoique parfois insuffisant ou débile en fin de compte, de faire apparaître élégamment en fin de course, une solution recoupant toutes les pièces de l'énigme dans un positionnement horloger ou une parfaite composition d'échiquier. Mais aussi, c'était moins réaliste et un peu niais, après tout la vie elle-même ne se clôt-elle pas sur des milliers d'énigmes ? la mort elle-même n'ayant jamais livré aucun secret.

J'ai bien aimé cependant, blason d'une époque d'effets domino, cette scène des voitures Tesla qui se carambolent en double file, par panne de guidage après une attaque informatique géante des Etats Unis dans le dernier film de Sam Esmail.

vendredi 15 décembre 2023

E de erreur : errare humanum est ?

 C'est incroyable comme est développée notre faculté de tromperie volontaire, involontaire, destinée à nuire méchamment, à cacher nos faiblesses, à induire en erreur les autres et nous-mêmes sur nous-même ou sur ce que nous croyons être ou savoir.

"Errare humanum est" ou faudrait-il aller jusqu'à dire  "Errare proprium hominis" ?

Si nous commençons à imaginer que le rire n'est peut-être pas le propre de l'homme, de nombreux animaux ayant la faculté de comprendre le jeu et semble-t-il  la plaisanterie, peut-être aussi la moquerie, pourrions-nous par une sorte de permutation, aller jusqu'à concevoir que l'erreur et plus précisément la faculté de se tromper ou même de vouloir tromper les autres et de nous tromper nous-mêmes, est le propre de l'homme au point où elle est développée ? 

La ruse, le déguisement, le leurre sont des aptitudes des prédateurs, des proies, reconnues certaines à tous les niveaux du vivant, mais qui dans le règne animal, du fait sans doute du spectre étendu de nos opinions et de nos actes, se trompe et cherche à tromper les autres, bêtes et gens, autant que nous ?

L'animal progresse souvent par essais/erreurs, nous aussi comme tous les autres animaux, mais qui progresse en passant, y compris dans la recherche scientifique, par d'aussi longues et monumentales opinions, explications, théories totalement erronées ?

Quant à notre langage chacun sait qu'au-delà du oui ou du non, il a été fait, par complexité, confusion, trahison, mensonge délibéré, pour tromper.


mardi 12 décembre 2023

W de Wallace (lequel?) et cette affaire de ligne (de partage).

Tout le monde connait ou devrait connaître Wallace et Gromit

Gromit c'est le chien et Wallace c'est l'astucieux inventeur dont on peut se demander s'il ne l'est pas moins que son chien malin et parfois mieux inspiré, tous deux en pâte à modeler et tous deux pure invention et créatures de Nick Park, petit génie lapidaire, bricoleur poético-sarcastique, à juste titre placé en posture de vedette du studio d'animation de courts ou moyens métrages Aardman.

Ici la question serait : mais où donc passe la ligne entre l'homme et son chien, entre l'être humain et la bête ? 

Par l'amitié sans doute, zone où elle devient perméable.

Cependant, ce n'est pas seulement de ce Wallace-là, l'imaginaire, que je voudrais vous dire un mot, c'est aussi d'un autre, bien réel mais un peu occulté, bien antérieur et inventeur beaucoup plus sérieux, celui de la ligne qui depuis a été baptisée en son honneur de son nom, une ligne imaginaire traversant l'Indonésie, notamment entre Bornéo et les Célèbes, et coupant l'Asie de l'Australie, ligne dont il parla dés 1859. Paraîtra bientôt en cette période bouillonnante, le livre majeur de Darwin le grand et contesté naturaliste qu'il admire, dont il a lu les articles, dont il soutiendra les idées.




C'est qu'en effet bien que certaines explications manquent, et à ce jour encore, il avait cru découvrir une chose bien étrange, 
ce Wallace-là, explorateur contemporain de Darwin, naturaliste en partie autodidacte et taxidermiste (les deux voyageurs pour cette raison se rencontrèrent et eurent quelques échanges épistolaires),  
une chose due au climat ou à la profondeur de l'océan ou à la séparation des terres émergées constituant le continent primordial,
division territoriale induisant l'évolution des êtres vivants dépendant clairement du milieu et de leur position géographique.

Ainsi, si on ne trouve ni rhinocéros ni tigre en Australie et dans la portion Est de l'Indonésie et inversement ni Kangourous ni Koalas ni en Asie, ni dans la partie Est de l'Indonésie, ce qu'on savait déjà, 
la ligne découverte par cet explorateur darwiniste cisèle beaucoup plus dans le détail aussi bien pour la faune que pour la flore, découpant sous-espèces, variations, évolutions divergentes, apparition de caractères nouveaux.

Ainsi peut-on aller jusqu'à se se demander si la subite divulgation des travaux méticuleux, prudents, systématiques, très étendus, longs, "scientifiques", du savant de poids qu'était Darwin qui ne se décidait pas à terminer et à publier son livre majeur L'Origine des Espèces, n'a pas été précipitée par l'intuition subite de Wallace avec lequel Darwin était entré en contact notamment pour lui acheter des specimens d'oiseaux indonésiens, et ne tient pas à cet article que Wallace avait hâtivement rédigé sous l'influence d'une fièvre paludique et adressé, pour avis, à Darwin. Il semble qu'il ait vivement conforté Darwin dans ses théories encore prudentes et qu'il l'ait poussé, encouragé par ses amis proches à publier sans tarder.

Ainsi, mais inversement, la ligne qui sépare un savant d'envergure et un chercheur issu de milieux moins autorisés pourrait se trouver abolie ou estompée. 




dimanche 10 décembre 2023

Inconsistant (un point de vue qui risque d'apparaître).

Certes, c'est insignifiant d'écrire ainsi ce qui traverse le billard électrique de mes neurones en flash, c'est égoïste, égotiste, subjectiviste, nombriliste, égocentré, tout ça a beau clignoter, tinter, s'illuminer de couleurs fluorescentes, tout le monde s'en fout, car c'est dérisoire, misérable, futile, beaucoup plus que vide, peut-être méprisable.

Ecrire des romans, peindre le monde tel qu'il est, sculpter des formes trouées ou dressées, composer des hymnes, c'est tout aussi absurdement vain, mais au moins ça sort un peu, au moins en apparence, bien que l'auteur ne donne jamais à voir que ce qu'il est, que ce qu'il a été fait, bien que tout "créateur" ne projette que son ombre et ses fantasmes, des images même pas choisies qui se sont imposées à lui, provenant d'une grande machine liquide, de ses nappes, de ses chutes, de ses canaux sans fin et de ses résurgences, c'est à dire de son caléidoscope intérieur, son mode de fonctionnement sous couche d'aménité sociale et de bienséance (toujours respectée mais variable d'une époque à l'autre) ça sort un peu en apparence du narcissisme brut, du journal en monologue clos, du point de vue unique du récitant, du solipsisme soliloqueur s'adressant aux murs, aux lecteurs imaginaires, à l'autre supposé sinon identique tout à fait un peu au moins mêmement fait, écorché, vif et réactif.

Ne vous y trompez pas.

Vous êtes dans l'erreur.

C'est aussi vrai à l'envers, le journal le plus intime parle du monde et pas que de mon moi.

De fait il me semble que le point de vue du scripteur est le seul honnête. De quel droit, de quel poste, de quelle pose et comment s'ériger au-dessus ?

J'ai toujours eu du mal personnellement (j'insiste vous le remarquez sur la position qui est mienne, en tant que me sentant prisonnier du moi) avec tous ces grands écrivains qui peignent à fresque des tableaux universels, impersonnels, ciblant le consensus collectif.

Non seulement je ne parle d'abord qu'en mon nom (un nom que j'ai choisi pour parler) et que pour moi pour être vraiment assis ou debout là où je suis, mais de plus, ce que je raconte n'est jamais une fiction, je l'ai vu, vécu, éprouvé, et cela même dans les portions d'imaginaires que je parcours, livre et revendique (tel roman que j'ai pu lire et dont je dis un mot, tel mien texte publié (très rarement), inachevé ou terminé mais non publié, ou en cours encore, .. . . ça vous allez le voir bientôt . . . . . J'anticipe sur le cours des événements..

samedi 9 décembre 2023

Beau jeu . . .

 . . . me direz-vous d'étaler ici des titres d'articles que j'oublie ensuite d'écrire.

Justement, je dirai, c'est le jeu. Désirer toujours plus, sans limite, ne pas mourir d'ennui ni de monotonie. Quitte à ne pas tenir ses promesses, mais justement essayer jusqu'à l'impossible.

Rien ne serait plus triste que de vouloir limiter ses expériences, ses paroles, ses récits, à un cercle mortuaire et fermé. C'est là l'aspect le plus insupportable de la corrida de toros, cette fermeture une fois ouvert le corral obscur et refermée la porte d'entrée de l'arène lumineuse. Ce cercle de mort. Ce plancher de sable absorbant le sang. Ce moment où il faudra bien que l'épée, la lame, rentre profondément dans le corps gigantesque, musculeux, noir, vivant.

L'indulto, la récompense du taureau vaillant par la vie sauve et le retour aux immenses pâturages, qui lui est parfois, encore très rarement, accordée, est le seul moment sublime de cette cérémonie archaïque, lourde, ah cette musique tellement épaisse, cadencée, chargée, convenue ! tragédie symbolique, dégoulinante, animale et funeste.

Bon eh bien justement, voilà un article qui n'était pas prévu.

Je n'ai révélé aucun nouveau titre.

Combat avec la Courge (un double C pour moi).

Bien sûr je le savais, la courge qu'on nous avait offerte, elle était belle avec son renflement à la base et sa longueur un peu tordue en forme de pénis géant, mais il allait falloir un jour, bien que ça se conserve assez longtemps ces fruits nés au ras du sol, la peler (ail !) et la découper pour en faire 1/ un gratin, 2/ une soupe délicieuse.

Oui j'aime trop la courge bien que je n'en cultive pas, mais le travail est trop dur, j'ai le poignet faible et les doigts gourds, j'en appelle tout en pelant avec un énorme couteau coupant comme un rasoir aux saints qui patronnent les soupes en boite ou en poudre, ah Liebig ou autre, priez pour moi et aidez moi, que je n'aille pas en forçant me blesser, m'entailler, me couper un doigt, en enlevant cette carapace si dure, mal partout, à la main devenue si faible, à l'épaule, au bras, c'éti pas possible un truc, une chose pareil/le, si résistant/e à mes efforts, après ça va mieux pour tailler en petits bouts quand on l'a déjà coupée en rondelles énormes et déjà (façon de parler) pelée à la va comme j'te pousse, en poussant des jurons et des cris que je vous épargnerai.

Décidément la prochaine fois, je ne sais pas si j'accepterai ce cadeau de la nature et de ma voisine.

mercredi 6 décembre 2023

Seu d'Urgell (La).

D'abord la prononciation : La Séou d'Ourgéï

Ce siège, ce lieu, ce centre de pouvoir, je n'y ai jamais été et n'irai peut-être ou probablement (sait-on ?) jamais.

C'est parce que j'ai été un jour, à Perpignan, invité dans un quartier du Sud de la ville, atteint après avoir franchi un nombre incalculable de ronds-points (et qui pourtant est très proche de l'axe rectiligne Perpignan-Figueras, une fois qu'on a compris le plan hors bizarreries et extravagances des planificateurs de voieries, un quartier qui s'appelle Catalunya, où tous les noms de rue sont des noms de villes catalanes - plus chauvin tu meurs - dans une jolie rue d'un lotissement des années 2.000 qui s'est développé mathématiquement en tournant comme une spirale frôlant en tangente le Canal Royal qui au Moyen Age devait amener pour l'irrigation, l'alimentation des moulins et aussi pour la boire de l'eau empruntée à la Têt un peu plus haut, rue qui porte ce nom résonnant de façon si exotique dans notre parler rendu homogène par les conquérants nordiques et par les académies royales qui ont ensuite prolongé cette croisade intérieure, que j' y pense.

Ancien siège du gouvernement de l'Andorre, aujourd'hui situé en Catalogne espagnole, ce lieu "siège d'apparition ou de surgissement" si l'on traduit selon une étymologie discutée, regorge d'histoire et de monuments. Lieu de batailles, fief royaliste, au cœur d'affrontement de franquistes et républicains dans les vallées montagneuses, il serait avant tout, lieu stratégique de commandement, siège de l'évêque co-prince d'Andorre avec notre président (comme vous le savez), capitale mythique de l'ancienne principauté.

Or, vous savez quoi ? N'ayant pas assez de visites de lieux à mon actif et dans ma mémoire d'éléphant carnivore, je crois que je devrais quand même y faire un tour.

Opera Imperfecta.

 Ce que je voudrais c'est laisser un témoignage, plutôt qu'une "oeuvre" imparfaite certes,  une trace inachevée inévitablement, mais surtout morcelée, décousue, éparpillée, exp(l)osée en mille morceaux, bref en miettes, 

minutatim . . . . .  morcelée

opus in fracturae . . . . . . . .  en éclats

Bon, vous me direz, comme tout blogueur. Non, je vous répondrai, pas autant que moi !

mardi 5 décembre 2023

Lieux. Maisons, Masures, Appartements, Espaces, Paysages, Vues, Balcons, Belvédères, Rêves, Cabanes, Châteaux, Résidences, Refuges, Lofts, Logis, chaumières, Gourbis, Cavernes, et Tanières.

Non . . .  ce n'est pas une pub immo. C'est une véritable obsession.

J'ai pu habiter, ou accepter l'hospitalité, être invité souvent à charge de revanche ou pas, être logé, provisoirement dormir, ou rêver de loger, ou avoir la chance de loger, acheter finalement ou seulement louer, un peu n'importe où. Et par ailleurs, j'ai visité toutes sortes de lieux de vie modestes ou somptueux, par chance, goût du changement, appel de vies imaginaires, goût de l'aventure ou désir de comprendre, de cerner, de saisir de l'intérieur les autres et/ou de me trouver moi-même en solo ou en couple ou au sein d'une petite famille, puisque la vie, selon certains et selon moi aussi, c'est chercher son lieu, mais aussi changer, expérimenter, adopter d'autres perspectives, ne pas se contenter de tourner en rond et de creuser sur place.

Avec bien sûr une prédilection pour d'incroyables surprises, d'éloignements, de renouvellement, de retour, d'enracinements au bout.

J'estimais que ma vie était soumise à assez d'aléas extérieure engendrant suffisamment d'épisodes privés accidentés, abrupts, risqués, Odyssées, ruptures d'abord géographiques et ensuite ou d'abord amoureuses, passionnelles, pour avoir le droit quand je choisissais, de sortir du répétitif, de la norme courante, de l'habitus. J'ai donc souvent occupé des lieux rares ou au moins singuliers et peut-être excentriques.

Dont, parmi tous ceux qui me reviennent à l'esprit, celui de ce couple de professeurs d'anglais, partis en vacance qui louaient une petite maison à Biarritz, sur une colline avec vue assez éloignée de la mer qui comportait cette particularité de posséder une grande volière transformée en serre à ciel ouvert, si l'expression peut être usitée . . . contenant une variété inouïe de plantes grasses miniatures en petits pots, maison qu'avaient louée mes parents pour un prix modique à condition d'arroser tous les cinq jours en quantité très modérée et en tenant compte du ciel et des ondées, un par un, chacun de ces pots.

Est-ce de cet émerveillement devant cette collection inattendue et cachée dans le logement banal de ces gens pour lesquels mes parents avaient à la fois respect et curiosité amusée, que me vient ce goût de découvrir de nouveaux logis ? j'avais huit, neuf ou dix ans, peut-être moins, je ne sais plus et le souvenir que j'ai de la ville autour se confond avec d'autres impressions et images qui se sont formées plus tard, dans d'autres logements de vacance de la région, avant que mes parents décident plus tard d'aller voir de l'autre côté de la frontière la baie de San Sebastian.

mardi 28 novembre 2023

Reconnecté ma montre et retrouvé un livre cru perdu.

 Pas tellement à cause de toutes les informations qu'elle me fournit que de la couleur fluo de ces mêmes indications qui s'affichent et s'éteignent sr l'écran noir rond et classique en apparence, mais en apparence seulement. et évidemment pour le plaisir de téléphoner avec, recevoir un appel ou l'envoyer, sans sortir de la poche mon téléphone. Je l'avais un peu mise au rancard par lassitude puis je n'arrivais plus à la re-connecter. C'est un sport complet avec ces Chinois surtout si on ne tient pas à être déragé pour rien et emberlificoté dans leur réseau de pub. Mais plus gamin que moi tu meurs. J'ai toujours adoré les gadgets.

Retrouvé aussi cette biographie d'Alexandre Yersin, étonnant voyageur / chercheur / inventeur, pionnier extraordinaire de l'Institut Pasteur. Peste et Choléra de Patrick Deville, collection Fiction et Cie au Seuil, 2012, il était passé derrière une pile et je ne le retrouvais pas. Ca c'est une vie (pourtant totalement discrète, n'ayant reçu presque aucun éclat de sa trajectoire d'obstination, de courage, d'abnégation, une épopée scientifique secrète au service de l'humanité)

Par ailleurs pesté comme d'habitude sur l'absence d'ergonomie de divers objets, c'est pas grave, étourdi par l'absence de cohérence des remboursements de la SECU, ça peut être bien pire, vu notre monde civilisé plonger peu à peu dans une phase régressive de sous-développement, superstition, sadisme et cynisme acceptés. 

Titre(s).

 Si j'étais tout à fait honnête je devrais faire une page complète, voire plus, de titres.

OUI, je n'arrête pas , au passage, ça ne m'obsède pas, mais quand même . . . de chercher des, ou UN TITRE à ce fatras de circulation dans ma tête dont je tente de rendre compte ici.

Par exemple :

Passerelle.

Rien ne va plus.

Folies et pensées rabougries.

Cinéma.

Jusqu'où ?

On disait courant de conscience.

Quand tu seras au bout tu verras.

Apologie du quant-à-soi.

Rétrofuturisme intérieur.

Ce qui passe n'est pas que passé.

Bon, j'arrête, je pourrais y passer la journée et j'ai tant de choses à faire par ailleurs.


dimanche 26 novembre 2023

Perspective et profondeur.

Jeux et calculs des peintres renaissants, architectes, mathématiciens, ingénieurs.

Où l'art géométrisé fait apparaître les arrière plans dramatiques de la surface.

Opposer 

aux planches peintes de tradition médiévale où l'espace plat comme la terre joue la hiérarchie en grandeur de la représentation du sujet, d'autant plus puissant ou royal que agrandi dans l'image, met en aplats bien codés, vie paradisiaque, infernale ou quotidienne, 

la fuite en arrière, le trou profond, la boîte sans fond, la fenêtre du tableau sur toile où se nouera bientôt le mouvement pris sur le vif et désormais amené à sortir de l'atelier pour gagner le plein air, préfigurateur de photos saisies en gestes encore figés et plus tard, sorti de cette même camera oscura, schématisation de notre oeil,  l'image agressive, agitée, devenue celle du cinéma.

Ce qui se joue après le tragique historié de nos vies mises en images juxtaposées, closes, suffisantes, ordonnées, arrêtées, bornées, iconifiées, c'est l'ouverture d'un espace mouvant, troué d'échappées, espace à chaque instant romantique déjà avant la lettre, menaçant, fuyant, insaisissable, ouvert sur la décomposition, la ruine, la mort. Précipice de nos existences. Volcan du surgissement. Fragilité. Inachevé. Chute infinie. Vertige de la Sixtine menant au Caravage ou à Courbet.

Chaque fois que je visite le Petit Palais d'Avignon, ses incroyables collections d'oeuvres de peintres italiens, depuis les primitifs médiévaux jusqu' à la lente apparition de cette vision de la profondeur, je suis bouleversé.

Non que la peinture religieuse archaïque soit dénuée de sens du tragique, d'émotion, de drame, de compassion, au contraire elle les exalte et les fige, les codifie, les énumère, cela peut nous convenir et nous rassurer, nous re-stabiliser, nous ré-ancrer dans les attitudes et sentiments humains fondamentaux, mais elle ne connait pas encore cette folie dont le monde va s'emparer qui nous a porté au paroxysme de ce que nous vivons aujourd'hui. 

Salutaire impression, en visitant cette grande exposition rétrospective de Claude Viallat 

 - oui la ville de Nîmes se décide à glorifier son glorieux enfant longtemps après Beaubourg - 

re-visite de cette oeuvre que je connais par cœur, depuis ces traces de main pleines de peinture sur des cordages aux déclinaisons sur tout support de l'éponge, du haricot, de cette empreinte si banale et caractéristique de son travail, maniée en coloriste d'arcs en ciels infinis et sans arrêt renouvelés, parcourant de ses recherches instinctives, vécues en peignant sur toile ou surface quelconque au sol, une histoire de la peinture qui - "Support-Surface" l'a toujours dit clairement et Viallat est le seul à s'y être tenu aveuglément - 

re-trouve, dans ce parcours, ces pas, cette course quotidienne, ce travail incessant, rituel, contemporain, rigoureux, modeste, continué à 87 ans,  progression patiente, obstinée, inspirée, un espace de sérénité anti-romantique, de déploiement neuf à l'infini, anti-illusoire, illimité, illuminé.


Utopiaire.

 Cette passion qui m'est venue de tailler les plantes qui veulent bien pousser ici, dans cette garrigue ravagée de vent, de soleil, de pluies intermittentes, de terre plantée de rocs et de cailloux, en formes géométriques, cube, parallélépipède, arc, sphère, portion de sphère, cylindre, colonnes triangulées, me semblait bien échapper en quelque sorte et quelque forme au classique art topiaire, c'est pourquoi j'étais heureux, tout à coup, de décider de l'appeler art utopiaire.

D'autant plus utopiaire que comme toute taille, tributaire du temps et des directions, vecteurs, longueurs de pousse,

mais ici, tributaires d'un futur rendu plus incertain encore du fait des sècheresses, invasives maladies, invasions de parasites, colonisations de lianes, qu'il ne devrait, pour être parfaitement géométrique, pas outrepasser trop maladroitement, approximativement, victime d'initiatives végétales capricieuses à nos yeux, les droites, tangentes, arcs, cercles, figures fixées dans l'idéal évidemment impossible à atteindre,

d'autant plus utopiaire que parfois, ou toujours en définitive, cet idéal à atteindre, sommet d'artifice ignorant, outrepassant, brimant, niant le développement biologique lent qui suit inexorablement ses propres lois, se situe très loin de l'état actuel de la plante et qu'il y faut beaucoup de bon vouloir imaginaire pour se le représenter accompli dans l'espace.

mardi 21 novembre 2023

Portiques, Enfilades, Ouvertures, Passages, Tunnels irraisonnés, Couloirs de mémoire.

Souvenirs, illuminations, retrouvailles.

Comment vous faire part de cette réminiscence précise et vague à la fois qui comme d'autres, sans raison apparente, certains jours, traversent mon esprit, quand il se passe des choses tantôt ou à la fois terribles et réjouissantes dans ma tête, dans le monde, dans mon quotidien aussi bien sûr, les bons jours, quand je me sens encore, contre vents et marées, 

maître de mon destin, de mon corps amoché, tendu et un peu tordu, usé comme un vieux pneu sur une très vieille guimbarde, épaule douloureuse à droite, genou un peu raide à gauche, encore résistant, usé, mais vaillant - je viens de couper des arbrisseaux et de défricher au milieu des ronces, salses pareilles jaillissantes et lianes piquantes qui avaient envahi l'intérieur de ce maquis méditerranéen de presque trois mètres de haut, formant haie, fourré, rempart que je ne taillais que de l'extérieur, depuis quelques mois, masse interne à mon territoire, buisson arborescent un temps taillé en sphère géante, tiges dressées, serpents rigides, même coupés se redressant ou tombant des cimes encore fleuries et me venant dans les yeux, déchirant la surface de mes paupières de leurs petits piquants, troncs vivaces durs à scier et couper dans ce fouillis entrelacé, et vous le savez, bizarrement, cet effort ça me rend joyeux - des percées en retour, des éclairs de lumière, une force tellurique et végétale s'insinuent dans mes nerfs et mes muscles raidis, remontant du sol ? certainement pas . . . mais passant par mon fol imaginaire, ça oui ! et entrant par mes narines en effluves d'herbe et écorce coupée, ça c'est sûr . . . 

quand tout à coup, sans raison apparente, espace ouvert, après avoir ruminé ces désastres du monde actuel et à venir, ces déconvenues prévisibles des électeurs enthousiastes, ces vagues d'illusions qui montent sempiternellement à l'assaut du monde, ces . . . . je me souviens, sans raison apparente, d'avoir rencontré chez Gilles Deleuze, mais je ne sais plus où ? je n'ai pas le texte, ni sous les yeux, ni sous la main, ni dans mes vastes meubles et mes étagères secrètes, ces remarques à propos de l'histoire de L'Homme de Kief , un roman sur un pauvre Juif qui néchappera pas aux persécussions et qui pour l'instant ayant acheté, reléguée dans une brocante,  l'Ethique de Spinoza pour pas cher, un kopek, se met à lire, n'y connaissant rien, emporté par un vent qui le pousse d'un paragraphe à l'autre, sans résistance possible, . . . 

. . . quelle mise en parallèle peut-on espérer raccorder entre cette force, cette attirance mathématique, cosmique, le courant qui emporte à la lecture de ce livre, et cette nuit que Descartes a passée en Allemagne, entre deus campagnes militaires, la fameuse dite du "poêle" où, poussé par un vent violent dans son rêve alors qu'il venait de mettre en route la "Mathesis Universalis". . . . mère de tous les triomphes et tous les maux de notre industrieuse et implacable modernité, alors qu'

il est à la fois inquiet, se sentant presque coupable, emporté et marchant un peu de travers, songeant surtout aux interdits de l'orthodoxie et aux rigueurs de l'Inquisition que de fuite en fuite il réussira à déjouer, 

oui, retrouver ces découvertes, ces ouvertures plus souvent intellectuelles qu'effectives, dans un monde presque toujours obscur, ces joies qui m'ont porté depuis ma jeunesse.

samedi 18 novembre 2023

AM, autre tentative

Des plus fréquentes, compulsives, dans ma vie.

Je vous ai déjà dit que parmi mes fantasmes de vie rêvée et projetée sur un écran, dessins, photos, photos aériennes ou satellites rapprochées, 3D, esquisses en élévation, plans complets au 50/e parfois même, 

se tenait celle d'architecte, mais non . . . c'est beaucoup plus profond (et grave que ça ?), une obsession d'occupant interne projetant une vie qui allait avec, qui aurait pu . . . et qui parfois a vraiment été, à la Perec me direz-vous, mais non, avec plus de passion, moins de détachement apparent, c'est ma propre vie que je projetais, pa celle de personnages.

Ayant habité beaucoup de lieux j'ai vécu de l'intérieur tant de maisons, de couloirs, d'escaliers, d'ascenseurs, de terrasses, de paliers, de maisons, d'appartements, de pignons, de jardins, de patios, de toits où j'aime grimper, de balustrades, de garde-fous, de colimaçons, de lieux souterrains, de voies d'accès, de . . . je n'en finirais pas . . . 

mais ce n'est pas seulement cela . .  

j'ai exploré mille fois, squattant, me faisant inviter, louant, tenté d'essayer pour m'y introduire et peut-être y demeurer tant de logis . . . c'est une folie dans laquelle je me suis souvent projeté . . .

ainsi cette incroyable maison-surprise posée comme une soucoupe volante sur la côte du Brésil, au ras des flots agités sur un socle de rochers ou ce ce haut d'un immense chalet dans les Alpes chic, un peu trop cozy-aérien, ou cette maison à Lima, dans le quartier de Mirafores où avait vécu un metteur en scène collectionneur d'art pré-colombien ou encore . . . ce grenier sous les toits à Paris avec vue sur Montmartre, ce studio avec terrasse avenue Foch non loin des empires réunis en pleine propriété par divers dictateurs y blanchissant l'argent de leurs pillages, ou ce toit de terrasse dans une maison inondée durant un méchant orage à Essaouira et encore . . .  car je ne suis guère, encore, rassasié.  

Ce que j'ai en tête.

Etrange et fraternel Sénégal, quand j'y pense, il faut que je témoigne de cette époque révolue où s'y nouaient de si inattendus, réjouissants et sympathiques rapports d'amitié dans la rigolade, hors toute hiérarchie et rapport de domination.

Etrange rêve où apparaissait, je n'ose pas dire "cadavre exquis" puisque là c'est du pur vivant congelé ou encore tout vif,  on ne sait ni comment ni pourquoi, ni que ni quoi, au milieu de tout ça qui n'a rien à voir, alors que j'étais pieds nus sur des rochers rouges car j'avais perdu ces sandales de cuir tressé achetées au Brésil que je portais le plus souvent en dépit du protocole, ou juste après, quand j'étais en conversation avec une amie allemande qui cherchait un logement, fuyait-elle alors son mari ? ce stakhanoviste et déroutant Elric Dufau, je ne sais plus s'il portait sa casquette ou s'il illuminait la pièce de son crâne fécond, celui qui signe ELRIC les dessins les plus enlevés de l'univers et de la création BD. 

Etrange aussi cette longue galerie d'amis que j'ai longée et parfois animée au cours de ma vie, dont ce journaliste à Jeune Afrique, fondateur de revue, devenu diplomate puis créateur de parfums qui s'est employé à faire connaître une femme peintre de premier rang, passée inaperçue ou presque durant sa vie discrète et recluse à Gordes, avec lequel j'ai travaillé à la création d'une fondation qui a remué quelques staffs de municipalités et n'a jamais vu le jour.

mardi 7 novembre 2023

Anniversaire.

Comme beaucoup de mes amis je ne les aime pas.

Ni celui des autres ni le mien.

Surtout ce genre d'anni qu'on souhaite très formellement dans les lieux de travail, bureaux, chantiers ou champs agricoles (ça paraît plus rare . . . ), salles de réunion, couloirs, bistrots 

et coulisses de FB. 

Temps perdu, insignifiant, impersonnel, abstraitement vide.

Sauf . . . en occasion spéciale de rappel d'amitié, de resurgissement du vécu, d'encouragement à . . . disons . . .  continuer.

Je déteste les vieillards qui se gobergent alors que sous ce prétexte ou pas ils auraient dû commencer depuis longtemps à entamer le régime d'Epicure : un verre d'eau et quelques olives avec un bout de pain. Un quignon de pain frotté à la tomate ou/et à l'ail aurait dit ma grand-mère maternelle qui était cuisinière et s'y connaissait en agapes.

Pourtant ce jour une annonce humoristique de Saint AF à mon sujet (comprenne qui pourra) a sinon illuminé du moins bien réjoui mes quatre-vingt-deux balais, peuchère, et je me dis que j'ai bien fait, bonne mère, d'en profiter.

Egotisme, blague et narcissisme mis à part, j'espère que vous pardonnerez, bande de fêtards,  mon stoïcisme entrelardé d'épicurisme pris à contre-pied (c'est fou ce que les mots peuvent être retournés contre eux-mêmes !) . . .




dimanche 5 novembre 2023

AM (Ceux que je n'ai pas pu, voulu, su, choisi d'être) Autres Moi finalement autres que moi.

Oui, ça parait compliqué, ça ne l'est pas.
Et les AM yen a plein, vous verrez, vous en avez aussi, j'suis sûr, en tous cas moi, oui.
A un moment de votre vie et sûrement à plusieurs vous avez eu le choix entre deux chemins, deux ou parfois plusieurs vies possibles, un choix crucial déterminant de tout un avenir que vous imaginiez.
Je ne sais pas ce qui m'a constitué ainsi. 
Au fait, je songe à ce film, pas le meilleur, d'Alain Resnais "La Vie est un Roman" ? ou non . . . , un autre, je ne sais plus lequel . . . où un homme au lieu de vivre la passion de sa vie choisit la petite vie tranquille un peu étroite, déjà bien entamée qu'il a bien mise en route.
Pour ce qui est de mes choix d'orientation professionnelle initiale, aucun problème, à 17/18 ans aucune hésitation : études de philo, aucun autre choix possible, après avoir, avant contact avec les grands textes de Spinoza ou Descartes ou Bergson à l'époque ou Présocratiques, d'abord et sans la même passion, envisagé l'histoire ou, alors que mon père me voyait dans l'agronomie, en architecture, voire en peinture.
Donc vécu la passion de la philosophie, non pas au sens, si lointain, inaccessible, aujourd'hui . . . alors spécialement irréalisable et devenu obsolète, vue de mon point de vue juvénile et enthousiaste,  non pas au sens d'aimer l'amour de la sagesse mais, tout au contraire, de soif, fringale, immense curiosité, folie de chercher à entrevoir, à apercevoir dans quelque illumination subite, tous les points de vues inventés par d'autres . . . sur le monde comme il va, foutraque, insaisissable, mystérieusement compliqué, terriblement structuré et millimétré au quart de micron près, tel qu'il fonctionne mal mais/et tient en équilibre sans arrêt restructuré, au cours de l'histoire humaine en perpétuelle errance, cherchant à se positionner dans celle de l'univers, adoptés par des gens suffisamment libres pour prendre un peu de recul, en équilibre sur leur colonne, roulés dans leur tonneau, assis dans leur chambre surchauffée, bonnet de fourrure sur la tête ou pas, isolés dans leur bureau feutré, sur un champ de bataille ou chevauchant avec la gravelle, heureux dans leur jardin, en marchant, dans les rues d'Athènes, d'Amsterdam ou su les toits de Normale Sup à Paris et y songeant ou s'y consacrant entièrement au point d'y approcher, d'y atteindre parfois la folie.

(Avertissement adressé au lecteur que le temps presse : ça va être long, très long, ce qui commence par un petit paragraphe, étant donnés les parcours et détours de mon aptitude excessive et de ma rage à toujours tenter d'imaginer plus loin ces autres vies avant de choisir à coup sûr la mienne, l'unique, celle qui s'est imposée à force d'évidence à tous ces carrefours que j'ai dû franchir.)

mardi 31 octobre 2023

(Sans Titre)

Juste une apnée, une plongée, un appel pris avant le saut . . . .
Ce serait bien, pas seulement d'écrire mais de vivre, sans titre(s),
ni de transport, ni bancaire, ni d'alcool mesuré, ni de noblesse ni de fonction en faisant sauter les points et les virgules, trêve de parenthèses,
rêve de continuité là où ça communique en flux et en flashs, ouverture des passages élargis et des
sorties d'utérus auxquels nous ne faisons qu'appartenir, croyant inventer des trajectoires propres,
répétant les chorégraphies et enchaînements, pleurs, colères, plaintes de tant d'humains avant nous, disséminés au long d'une chaîne comptable, statistique, stochastique, matrice où s'écrit ou s'improvise peu importe, en dépit de nous, jazz, cris du respir de l'être naissant pris dans cette spirale hyperbolique des trajectoires du vivant et du renouvellement et révolution des corps . . .  

vendredi 27 octobre 2023

A comme Argentine.

 Quel rapport étrange, inattendu, illogique en quelque sorte, ai-je eu avec cette réalité, ce pays immense, ce mot, cette culture si forte, riche, grave, ouvrant des voies nouvelles, ces gens si proches, si fraternels, lointains parents retrouvés miraculeusement,  aux sons de voix assurés, caverneux, y compris chez les femmes parfois, aux bruits, aux pas, et aux galops si peu argentins ! cette littérature, une des plus inventives du monde qui venait de nourrir les émerveillements de ma jeunesse . . . /

Cet article, si j'arrive à l'écrire, va exiger beaucoup de moi. Que je me découvre. Que je me dévoile mais aussi que je m'enfonce dans les couches d'une histoire qui ne concerne pas que moi qui n'ai fait qu'y passer et m'y impliquer par le jeu du hasard et des rencontres, mais tout un peuple exubérant et courageux, largement emblématique des "veines ouvertes de l'Amérique Latine".

J'aurais préféré parler du Chili avec lequel j'ai eu beaucoup moins de liens. L'immense et long Chili, bande de terre interminable cachant le Pacifique derrière ses forêts naturelles archaïques et sa si longue chaîne andine dominée par l'Aconcagua. Je me souviens d'un propagandiste et propagateur régional de Nitrate du Chili passé voir mon père alors en rapport avec des gens des services agricoles départementaux, qui m'avait demandé, me montrant une carte d'Amérique :  

- Sais-tu où est le Chili ?

J'étais à l'époque, six ans ou quelques mois de plus, peu enclin au bavardage avec des inconnus et bien que sachant parfaitement situer cette mince, si étroite sur les cartes, bande de terre, car mon père m'avait déjà transmis beaucoup du peu de savoir lié à la fois à ses activités et compatible avec ma curiosité naissante, j'étais resté muet, quelque chose passant cependant dans mes yeux puisque l'interrogateur avait conclu : 

- Il voyagera ce petit, ça se voit dans son regard.

Quand j'ai vu pour la première fois Buenos Aires, j'étais étonné d'y rencontrer une telle francophilie. Le Journal Le Monde y était à la vente en bonne place, quoique en retard parfois de quelques jours par rapport à Paris, à la devanture des kiosques sur l'avenue Cordoba. Ensuite je n'ai eu sur place dans cette énorme cité si proche et lointaine de l'Océan, baignée d'eau douce terreuse et polluée, que des rapports trompeurs. Et d'abord cette impression, selon les quartiers, d'être toujours dans un très lointain et inversé (hémisphères ajoutés en décalé aux fuseaux horaires) trompeur miroir de l'Europe, tantôt à Barcelone ou à Milan ou aussi dans un petit morceau, en imitation de Panam . . . images imbibées du parfum des petites pommes de terre coupées en deux, délicieuses et gonflées à la friture et de ces merveilleux steaks surdimensionnés, grillés, un peu trop cuits à mon goût . .  mais encore plus délicieux quand même, le tout baigné de tango, tout proche des effluves de l'ancien temps où "dans le reflet de notre ennui" (ces banlieues y compris Palermo), . . . il devenait impossible de retrouver grand chose des poèmes et contes lapidaires du génie pur qu'était Borges ou des réflexions inspirées du passeur expert qu'était Roger Caillois.

Ce n'était qu'un début, ensuite diverses circonstances m'y ont ramené, chaque fois dans un contexte local loin d'être apaisé, réunions "régionales" pour les délégués et directeurs envoyés en poste en Sud Amérique, anniversaire de départ de l'un de nos chefs mythique marié à une Argentine, réunion de coordination des plans de festivité prévues sur le sous-continent pour fêter les 500 ans de la "découverte" de l'Amérique ou le bicentenaire de 89, d'abord à Rio puis prolongées à B.A. 

A chaque fois, cette impression de discours biaisés ou convenus faussant totalement le réel, un peu à notre très petite échelle de conséquences limitées aux fragments de culture importée, parfois parachutée sans correspondance, histoire de dilapider de minces mais exceptionnels crédits accordés pour ces occasions uniques, à l'image, certes mesquine et réduite ici en l'occurrence, des grandes conférences internationales accouchant de résolutions pieuses et se sachant inapplicables et d'ailleurs déjà historiquement dépassées et piétinées par le cours des événements.

Le pire était encore à venir du moins pour ma pomme, roulant dans le vaste monde.

Contrairement à mes vœux car j'aurais voulu travailler à Rio qui fut notre premier amour territorial, les Brésiliens constituent un peuple fou et déchaîné qui touche mon cœur plus que tout autre (et ç'avait été à deux doigts d'arriver, une nomination "providentielle" ou au moins chanceuse) et conformément, en revanche, à ce que je fuyais . . .  ce fut une nomination au "grand poste" de D.G. en Argentine  qui m'était pratiquement imposée; . .  

/donc on me nomme puis . . . (c'était à l'époque des luttes intestines franco-françaises entre les système et réseau Alliance d'une part, système et réseaux spécialement développés dans les villes de quelque importance en Amérique latine, et d'autre part, Services culturels dépendant directement des ambassades et limités, pour leur action directe, à quelques centres culturels, ce qui créait un fond particulièrement instable pour la nomination des délégués généraux coiffant les Alliances et apparaissant de ce fait et du fait de leurs missions plus longue dans leur poste, à l'occasion . . . pas toujours . . . comme plus informés et mieux relié au pays que les conseillers et attachés d'ambassades)

puis . . .  presque tout aussitôt on me retire l'affectation à ce poste de B.A. . . . dés que j'ai fait remarquer, un peu trop clairement . . . lors d'un repas à Paris où devait se concrétiser par un accord interne "maison" ma nomination et lors d'une réunion restreinte dans la capitale de l'Argentine, que si je devais travailler avec l'actuel Président local de l'Alliance Française, ancien secrétaire d'Etat du gouvernement de Vichy qui resta à son poste jusqu'au bout de l'infamie, assumant ses choix, avant de se réfugier en Argentine pour y exceller en tant qu'homme d'affaires de haut vol et pour, en fin de carrière, pendant la plus triste période des généraux y régenter longtemps l'institution de diffusion de la culture française à l'aide de ses réseaux, j'aurais tendance à mettre en cause ce genre de longue compromissions de nos services, . . . et à prendre quelques mesures nouvelles . . . double parenthèse : il faut dire qu'entre temps j'avais eu l'occasion de fréquenter d'assez près quelques étrangement joyeux et virulents réfugiés politiques argentins à Paris, anciens opposants du régime militaire, simples citoyens en désaccord ou, pour certains et certaines, résistants, militants et militantes engagé/e/s dans des mouvements révolutionnaires actifs et réputés terroristes, encore vivants mais recherchés par les polices de leurs pays, dont quelques uns, peintres, poètes, créateurs ou critiques universitaires dans leur pays, se retrouvaient au coude à coude avec Cortázar (justement celui de l'étrangeté analogique de la mémoire, de l'amour des passages couverts qui font communiquer poétiquement Paris et Buenos Aires) au comptoir du même bar dénommé "La Palette", ne portant pas dans leur cœur la dite institution française dont la réputation, au moins en leur pays, méritait toute leur causticité.

Alors, certes, à un moment où on commençait à faire la chasse aux encore jeunes vétérans, à leur tendance à imposer un peu leurs conditions, parfois leur vision (marquée d'époque) aussi bien . . . Tiers-Mondiste comme on disait encore, j'étais pris dans le collimateur officieux, on chercha et on trouva la faille, c'est vrai j'avais pu être un peu insouciant (et ici peut-être de façon marquée et provocante dans un milieu de bureaucrates étroits) des formes règlementaires à mon sens surtout applicables dans le confort d'un pays où règne une riche démocratie et en principe, dans les grandes lignes l'état de droit et une paix sociale relative *, on cherchait donc comment se séparer de moi, tout en m'adressant très officiellement une belle lettre de fin de mission, au bout des six ans règlementaires, de remerciements et de félicitation pour mon action locale décrite en définitive comme "exceptionnellement fructueuse"<; 

Je la garde depuis lors pour me prémunir contre ls louages et les louangeurs.

Ainsi j'ai pu apprendre, à voir les images renversées d'un hémisphère à l'autre, parfois reproduites au loin dans leur vérité transparente mieux que là où la force et la présence de l'autorité en place, forces spéciales, tortures et exécutions venant corroborer le fameux "principe d'autorité", peut brouiller la vue de ceux qui ne l'ont pas claire.

* Rappel en parallèle, en ce qui concerne le Pérou des années 80, qui n'était pas "un Pérou" ! Ô lointain pays oublié du monde ! où l'Internationale Socialiste s'est tenue pendant 1- l'occupation de la prison où ils étaient détenus par les prisonniers politiques appartenant à Sentier lumineux 2- leur exécution sur place par un commando spécial de la Marine, tout cela sous la Présidence d'Alan Garcia, membre invitant supposé dirigeant progressiste, en à peine quelques jours  : 

au quotidien, par ailleurs, enlèvements, assassinats, attentats, défilé dans la capitale des révolutionnaires de Sentier lumineux, inflation supérieure à 6.000 % en moins d'un an, coupures générales d'électricité, grèves générales à répétition, état d'urgence, couvre-feu, guerrilla, changement de monnaie après dévaluations surprise et fermeture des banques, autant de caps qu'on avait pu demander de franchir à un "détaché" et son équipe en rien formés à l'économie, encore moins à la gestion d'entreprise en période de guerre civile et de crise grave, en charge d'instruments culturels qu'ils s'était ingéniés, dans ce grand chaos, à maintenir puis développer, action avant tout  "culturelle et artistique" (expression consacrée) mais parfois sociale de l'institution, y compris dans les quartiers défavorisés et les bidonvilles géants de Lima et dans divers centres éloignés, voire isolés, de province.


mercredi 25 octobre 2023

A à Z, comme Animal de Zoo.

Quand je sors de mon espace clos, reclus dans ce jardin entouré de hauts murs, oui c'est un des privilèges de Nîmes ces hauts murs de pierres, ou revêtus de pierres qui participent avec les masets, chênes verts, pins et cyprès, chemins étroits, multiples vallons, au charme des garrigues urbanisées à l'esprit de privacité et d'anti-ostentation qu'on y observe traditionnellement, j'ai de plus en plus l'impression qu'on me traite comme un animal de zoo.

On a commencé par me réduire et m'encombrer (c'est une obsession) l'espace où je roule, coupé de parcours en baïonnette et accidenté de coussins viennois et gendarmes couchés, entouré maintenant de voies hautement risquées et rétrécissantes ou passent d'un côté quelques énormes bus à rallonge souvent absolument vides, de l'autre quelques très rares deux roues à électricité sur pile lithium ou à force du mollet pedibus, préférant souvent la voie centrale y compris à contre sens ou carrément surgissant aussi, par intermittence et sans aucun droit statutaire sur les passages piétons;

ensuite on m'a conditionné en particulier sur mon téléphone et sur tout ce que je lis sur mon ordi aux nouvelles tendances que je ne peux qu'adopter : je dois absolument m'abonner à toutes sortes de lettres d'information sur nouveaux produits, baisses de prix, lieux que je dois visiter, amis que je dois accepter sur Facebook, mystères que je dois éclairer et bien sûr pompe à chaleur nouvelle génération mixte ou hybride, au gaz ou même au mazout (faut croire que la simple pompe à chaleur si prônée jusque là ne fonctionnait pas).

ensuite, quand j'arrive après la banque et la pharmacie (avez vous remarqué il n'y a plus le long des belles avenues que des banques, des sociétés d'assurances et des pharmacies ?) au supermarché où je fais mes courses de vivres, après légumes et fruits bien mis en gondole, classés,  et de moins en moins low-coast (faut de bons yeux pour le prix au kg), surgissent des rayons ou tout s'entasse, à profusion et en toute confusion de bazar, dernières opportunités de vêtements de sport en général XXL, chaussures de travail à semelles renforcées, lampes de poches aptes aux signaux en morse et nécessitant 4 piles, ornements de jardin sortis de bandes dessinées et alimentés de capteurs solaires tellement miniaturisés qu'on n'imagine pas éclairer grands parages, étagères à bouteilles démontable et remontable, rouleaux de scotch rose ou bleu pastel, chaussettes archi-courtes rasant le haut des chaussures running ou montantes aux motifs tyroliens, etc . . . au milieu desquels je dois trouver, comme un enfant à Pâques, éberlué mais persévèrent,  un œuf dans un jardin, les œufs par cartons autres que de 18, la farine non de soja ou sans gluten, le lait entier bio introuvable, les bons fromages aux nombres de mois d'affinage pas forcément décomptés sur le couvercle de la boîte, les conserves de sardines et de thon qui ne soient pas miettes méconnaissables ou en sauces immangeables.

Bien, mais ce n'est pas l'essentiel.

L'impression que j'ai c'est que si mon parcours est à la fois si guidé, balisé et si difficile dans le détail des modalités, c'est qu'on a peur que dans cette société ou tant de choses plus graves me révoltent . .  je m'ennuie, comme un ours en cage . . . c'est qu'on fait comme si rien d'autre ne m'intéressait que ma survie au jour le jour, au milieu de cette profusion de richesses qui nous emprisonnent (peut-être faut-il avoir vécu un peu dans des sociétés de sous-développement, pour comprendre ce que je veux dire) et on s'y emploie à me focaliser sur le quotidien des dépenses, sur la mode, sur la supposée "bonne vie" du bon citoyen moyen qui ne pose guère de questions au-delà du prix de l'essence, en multipliant mes difficultés quotidiennes à m'adapter à un contexte, un environnement technique, pourris d'obstacles bénins, comme ces gardiens de zoo qui cachent et suspendent les fruits et les friandises dont doit se nourrir le chimpanzé. 

lundi 23 octobre 2023

Pourquoi Nîmes est une ville mythique et sacrée.

Tout le dit mais encore faut-il y voir clair.

Sortez de la gare, façade néoclassique prolongée de part et d'autre des arcades supportant l'arrivée et le départ des trains, temple de la modernité dans un combat des élites protestantes qui battirent en face, admirant la vapeur, leurs  hotels particuliers, remontez les allées qui leur font face, maintenant parcourues par un canal à petites cascades en son mitan, passez la fontaine de Pradier, majestueuse mais peu mémorable, remontez devant les arènes, l'amphithéâtre en train d'être trop blanchi, contre le nouveau Musée dit de la Romanité, vers le Lycée Daudet qui fut, exemple foucaldien : prison, hôpital et lieu d'éducation bourgeoise, passez devant son horloge monumentale, signe d'un temps où les bâtiments public devaient exposer les antiques vertus et la fierté de la République, allez tout droit au passage entre Maison Carrée, temple dédié aux petits fils d'Auguste et Carré d'Art, temple de verre du brillant et encore contesté ici Norman Foster, allez droit en passant par la Fontaine et le temple de Diane à la Tour Magne sur sa hauteur.

Vous aurez parcouru un condensé topologique du tétramorphe feu, terre, eau, air. (****)

D'ailleurs on y sacrifie toujours dans un cercle elliptique à Mithra.


(****) . . . et pour ceux qui s'intéressent plus sérieusement à ce thème, se reporter au très complet et 4 étoiles article de Patrick Peccatte dans son Carnet de recherche "Déjà vu" : Le tétramorphe, une appropriation chrétienne d'une figure cosmique.


I de Inscrire dans la pousse (s').

Si je reste suffisamment dans cette maison (le mas Dingue) je rêve d'y faire faire par la nature et son invraisemblables vigueur des labyrinthes de buissons et des fausses ou vraies perspectives végétales parcourues en vrai ou (mais ça prend du temps à tailler et surtout à remodeler et pousser) en trompe l'œil.

Hauteurs.

Finalement je passe beaucoup de temps dans les hauteurs; gosse déjà, chanson connue, berceuse, litanie, chat perché je montais partout, bibliothèques vitrées et à corniche (souvenir cuisant, fracassant d'une chute), cerisiers énormes et conviviaux, je n'en dirai pas plus,

sauf que ascensionniste, j'ai adoré escalader, randonner sur des à pics, gravir des pentes la nuit en Pataugas pour y voir du haut le jour se lever et maintenant je me rends compte j'adore grimper sur les petites hauteurs non loin de mon village côtier préféré, où je remonte le cours de l'histoire, hameau visigothique perché avec ses urnes à grain immenses et enterrées, traces d'occupation grecque ou phénicienne dans ces restes de maisons pentues, mégalithes répartis en lieux de cavernes habitées et chambres semi troglodytes, appropriation topologique à toute époque de ce lieu que le climat et la présence maritime ont toujours favorisé et rendu trop convoité

ou plus proche de ma cellule d'isolement, de mon havre, je trouve souvent un prétexte pour élaguer des arbres et y monter ou je revisite et révise les tuiles anciennes de sa toiture avant les grandes pluies, colonisées dans les creux en canal de feuilles, glands, pourrissements végétaux, terreau formé de tout ça et plantes qui y germent et poussent en joubarbe à foison et autres, non que j'y ai des aptitudes particulières, n'ayant jamais été entraîné à l'alpinisme, à la varappe, ni à grimper à mains nues sans mousquetons, seulement par goût du voir un peu plus loin que mon toit

Smurf, break danse, hip hop ça ondule en capoeira saccadée.

 Au soleil ils s'exhibent sur une estrade tour à tour, certains les contemplent assis mais ne vaut il pas mieux être debout contre la barrière, pour saisir et ressentir dans son corps emporté par l'air saccadé en rythme de capoeira, ce qui les amène en toupie sur la tête, jambes tourbillonnant en hélice brinquebalée.

dimanche 22 octobre 2023

Maîtres baigneurs, Salva Vidas et autres Sauveteurs qu'il vous soit rendu grâce.

 Je l'ai déjà dit, je sais je radote, mon arrogance quand je nage - et si je porte mon maillot rouge surtout - fait qu'on a pu parfois me confondre avec le maître baigneur de la piscine (quoique maintenant et depuis longtemps je me sois et suis débrouillé pour éviter les piscines forcément toujours trop courtes, trop envahies, sans parler de la qualité de l'eau et du chlore, en tâchant d'être, aussi loin que j'en sois, finalement, par chemins détournés, pas trop éloigné de la mer, cette dernière étant, à mon échelle de petit baigneur, presque infinie d'étendue et presque bonne à boire avec son goût d'huitre inimitable. Arrogance oui, car pour bien nager : ne pas hésiter, faire les mouvements à fond, bien lancé, bien plonger la tête pour se sentir allongé et porté, transporté et baigné, car c'est vrai, par moments j'y vais à fond ( et oui les gens . . . ne pas garder ses lunettes de soleil et l'air dégouté vouloir à tout prix, debout dans l'eau, ménager sa permanente et friselure, car à nager debout tête haute, on y perd tout plaisir ) mais soyons honnête je ne suis pas forcément des plus efficaces et n'arrive pas toujours en corps à corps à faire vraiment corps avec l'eau, surtout quand cette douleur à l'épaule et dans l'omoplate que j'ai contractée en sciant trop de bois à la main par horreur du bruit, se déclare et ralentit mon élan.

Mais le fait est là, j'ai eu pour amis quelquefois des sauveteurs, dont celui-là maintenant disparu, un ancien maître baigneur arrivé à Menton, quand il venait de franchir tant de frontières et puis en dernier obstacle les Alpes, sorti de Hongrie au pire moment en passant par l'ex-Yougoslavie, qui sans s'en offusquer était un peu jaloux que les mères de famille viennent me demander de donner des cours de natation à leur progéniture, plutôt qu'à lui. En attendant c'est lui qui m'a fait sentir plus maître sinon du bain, du moins de mon corps, en m'expliquant et me montrant que les trois quarts des gens faisaient en nageant des mouvements qui les freinaient fort dans le temps synchronique où ils essayaient désespérément de se propulser. 

C'était par ailleurs un mec prodigieusement généreux et pas triste malgré toutes les mésaventures et barrages ou brimades qu'il avait dû affronter étant étranger avec un fort accent, petit, gros, sans diplômes valables dans notre pays, (mais malin et rigolard, fort en plaisanteries toujours tellement décalées qu'on pouvait dire !) juif persécuté par surcroit.

Auparavant ç'avait été, très tôt déjà, une simple histoire de maître baigneur au grand cœur qui était venu parler à mes parents qui ne savaient pas nager . . . . que la plage la plus proche du Rocher de la Vierge à Biarritz n'était pas la meilleure pour un gamin qui ne savait pas nager non plus mais affrontait les hautes et traîtres vagues à surf et qui leur suggéra dés la deuxième conversation d'aller faire un tour avec moi à San Sebastian, de l'autre côté de la frontière, dont la baie bien ronde, bien profonde et bouchée par une île, pourrait, immense baignoire très chic, mieux me convenir. C'est d'ailleurs là que j'ai appris, observé, œil en coin par les bonnes d'enfants à landau depuis la promenade, en m'obstinant seul, à nager vers dix ou onze ans.

Sans parler de la suite. Ce maître baigneur de Biarritz (encore) qui vint me "sauver" quand j'était perdu au Sénégal au large du Cap Skirring, emporté par un courant, à bien deux ou trois-cents mètres de la côté, juché sur des récifs un peu tranchants, mais providentiels déjà, à fleur d'eau, faisant des signes et ne  pouvant revenir. En fait il donna l'alerte et l'hôtel (nouveau, à peine construit, imprudemment établi face au courant intermittent et funeste ) qui, n'ayant en outre pas encore de canot, délégua des pêcheurs en pirogue pour venir nous chercher moi et lui, le sauveteur venu courageusement me rejoindre pour me réconforter et m'assurer qu'on avait déjà sauvé ma fille de ce fameux courant épisodique et trompeur qui bizarrement m'avait emporté plus loin et dont je n'avais pas su sortir.

Voilà pourquoi sur notre plage tranquille de l'été (début et fin de saison) je suis tellement heureux de parler à ce nouvel ami venu de Patagonie dont je vous reparlerai, qui depuis trois ans déjà emporte la palme avec son équipe de surveillance attitrée du bain en crique dans ce village catalan si près de la frontière.

Cri primal du joueur de tennis (le fameux).

Bon, c'est un fait maintenant, quand je joue au tennis, je dois crier, que dis-je ? hurler.

Hurler sur la balle ou sur mon adversaire ou sur le filet ou mes chaussures qui s'accrochent trop au sol ou même sur le coup que je donne en position acrobatique pour en renforcer la virulence, la torsion, la portée, le vrillage ou autre.

Je crie donc je suis c'est vrai il faut le reconnaître dans bien des domaines.

Enfin, quand je dis "JE" c'est une façon de parler, J'ai arrêté d'essayer de jouer au tennis il y a maintenant bien cinquante ans ! C'était à Rio, capitale des moiteurs. Je suais comme aucun autre animal et je devenais rouge comme un coq sous ce climat qui me convenait parfaitement pour philosopher, observer le monde, nager, jouir du spectacle de gens décontractés marchant nonchalamment et à demi nus sur les trottoirs ornés d'ondulations noires et blanches imitant les vagues en magnifique abstraction sur les trottoirs, mais pas pour courir dans tous les sens pour arrêter les balles. J'ai parfaitement bien fait car ensuite à Dakar et surtout Kinshasa c'eut été pire.

Connors, Agassi, Nadal et Consorts je veux bien pour (scientifiquement) une amélioration d'à peine 4 ou 5 % de leur force de frappe, après tout en championnat il ne faut négliger aucun millimètre gagné; mais tous ces autres cornichons d'imitateurs, certes non, ça n'ajoute à leur nullité que de la bestialité.

D'ailleurs je ne sais pas si vous serez d'accord mais tout ça a perdu toute classe.

A quoi bon de si jolies jupettes pour les dames si ça devient aussi beau et léger qu'un lancer de marteau. Ö tennis de mon enfance, jeu de concours d'adresse et d'élégance te voici ramené au niveau bûcheron (je n'ai rien contre les bûcherons au contraire, venant moi-même d'une lignée de bûcherons et scieurs de long, dites-le vous bien, mais là . . . ) te voilà enfin en accord avec les régressions, violences, pure loi du bulldozer, d'une époque barbare et régressive en tous points sous des dehors moralisants, hypocrites, lénitifs, narcotiques et hypnotisants. 


jeudi 19 octobre 2023

La patiente fausse sceptique.

 Ca remonte à loin cette histoire. En un sens c'est une vision d'horreur.

C'était au Brésil, en étranges soirées, quand arrivé depuis peu en poste, avant de m'inscrire dans un groupe de travail et de recherche théâtrale en méthode Grotowski, j'avais, suivant un conseil mal orienté et profitant d'une introduction inespérée, participé aux réunions d'un groupe constitué de psychanalyses junguiens de diverses nationalités et ouvert aux non professionnels que je ne tardais pas à abandonner pour diverses raisons. C'était une époque où, malgré la dictature, s'ouvraient partout, se multipliaient, dans la languide Rio 

ex-capitale détrônée depuis un moment, dix ans déjà, par la froide, vide, splendide et sèche Brasilia où avaient beaucoup traîné les parlementaires (exigeant de garder un domicile et une voiture avec chauffeur à Rio la tropicale et balnéaire) . . . à y siéger dans cette nouvelle capitale toute d'artifice, et où malgré l'injonction officielle, certaines ambassades, dont la nôtre, n'avaient qu'un siège encore à peine opérationnel, les nouvelles fraiches, le moindre changement intérieur, rumeur, mode, tendance, scandale médiatique, ainsi que les visiteurs extérieurs arrivant d'abord forcément par l'aéroport ou le port de Rio, prioritaire par sa masse urbaine et par sa position côtière stratégique,

des clubs, associations, lieux de rencontres, de réflexion, amicales d'entraides, alliances de forces politiques éparpillées à long ou court terme, cercles et cénacles en partie ou totalement informels.

C'est donc là, dans ce cercle qui n'était pas le mien, les junguiens m'ont toujours agacé et peut-être spécialement dans ce groupe qui me fut accueillant, qu'eut place ce récit initial que je tente de reproduire et que son auteur a résumé depuis, dans un article publié dans une obscure et éphémère revue de psychologie avant que l' imprime, encore raccourci et ronqué, sans présentation adéquate et donc passé inaperçu de tous, dans un coin de l'édition du dimanche le très diffusé Jornal do Brasil de ces années lointaines.

Voici :

Celui qui raconte, un jeune psychanalyste venu de Suisse romande qui parle un portugais impeccable et chantant, au regard d'autant plus étrange, insistant, qui parfois s'accroche à ses interlocuteurs, un regard tantôt lointain tantôt inquisiteur, que l'homme est totalement chauve, que son visage est pâle et glabre, commence par décrire sa patiente, une femme de quarante ans qu'il appelle Mme X,  mère de famille sans profession qui le consulte à propos de ses angoisses devant l'avenir de ses trois enfants d'âge bien échelonné, sept, neuf et onze ans, trois garçons remuants. 

L'analyse précise-t-il a lieu en français (langue dont la plupart des membres présents de la réunion semblent avoir quelques rudiments puisque aucun d'entre eux ne se fera expliquer la turlupinade), les deux protagonistes ayant cette langue en commun comme langue maternelle.

Elle se plaint de ne pouvoir compter sur rien. Elle ne sait plus qui croire ni à quel saint se vouer. Elle perçoit le monde, y compris son entourage, comme un milieu flou, instable, fantomatique et les jours les plus tristes comme un décor de carton auquel il est prudent de ne pas se raccrocher, qui, refermé en cercle autour d'elle n'ouvre aucune perspective et l'emprisonne dans un sentiment désagréable d'impuissance. 

Parfois elle rêve d'un monde en ruines d'où les gens ont fui ou été déportés et qui se résume à quelques bâtiments éventrés, à des places publiques et des rues vides écrasées de soleil. 

Le pire dit-elle aussi ce sont ses sensations d'un entourage, d'un environnement, d'objets, de personnes  qui se désagrègent, tombent en poussière ou plus souvent se liquéfient en une purée noirâtre. Le pire c'est, dit-elle qu'elle se sent responsable de ce phénomène désagréable, nauséabond.

Pourtant elle dit qu'elle sait que tout cela est faux, que le monde est consistant, vivant, rigide et dur, que ses proches sont prévenants et solides, mais elle doute, elle ne peut s'empêcher de ne pas y croire, tout lui apparaît comme une mise en scène de tromperie et de misérable cauchemar.

Elle dit aussi, elle a fait quelques études de philosophie, qu'elle se définit elle-même comme une fausse sceptique et malgré les perches tendues par son analyste, elle ne parvient jamais à saisir le sens double et caché, si l'on excepte la prononciation du O, de cette expression en français 

vendredi 6 octobre 2023

Le sentier des douaniers.

Il y a des années que j'y chemine.

J'y vois seulement avant le crépuscule, à mesure que les estivants à la peau dénudée et boucanée fuient, encore en tenue légère pour accomplir la route, pour regagner et remplir rageusement leur labeur et leur devoir social dans les cités grises, polluées et embouteillées, les pêcheurs infatigables, à contre jour sur le ciel, dans un grand bruit d'énormes diésels poussifs secouant la terre, qui partis tôt le matin aux premiers sifflements des étourneaux sortis à ce bruit en bande des arbres suffisamment éloignés du rivage, à l'abri de l'humidité, dans l'aube naissante, rentrent la barque à peine pleine ou, rarement encore, à moitié vide, après avoir étendu leur chalut sur des kilomètres au fond d'une mer autrefois surpeuplée, à l'heure calme où je sors avant le couchant de cet été qui brûle et n'en finit pas.

Les pensées ailleurs, les images dans ma tête défilent comme les vagues à petits plis, j'examine au bord du rivage ces rochers granitiques en amas et chaos qui dessinent sous l'eau cristalline ou à fleur, des pages d'un géant livre ouvert en blocs épaissis, éparpillés et pétrifiés, sous la couverture pesante, déchirée, gravée en caractères archaïques devenus incompréhensibles, ou ces rocs dominant le flot, en crânes immenses, yeux caves, trous rongés en chaudrons, d'oiseaux géants éteints depuis des millénaires.

mercredi 30 août 2023

Tout est parti de là (troisième fournée).

Bon, donc il faut bien que j'y vienne.

Outre les traumatismes de bonheur et d'orgueil, être reçu premier à un concours par exemple, alors qu'on n'en a même pas rêvé, et qu'on ne s'y est préparé que très indirectement, il y a eu ces moments de chute.

A Rio dans l'histoire que j'ai racontée, ce parcours dans une énorme ville après l'apocalypse, tout se terminait par le refus d'honorer une promesse. Mon thème de recherche d'abord reçu avec un certain enthousiasme comme matière qui pouvait donner lieu à un cours et à un travail d'approfondissement durant au moins un trimestre, un peu hardi, téméraire même, mais intellectuellement recevable, qui consistait à suggérer une comparaison de l'architecture de Brasilía avec celle de divers régimes "autoritaires", communistes ou fascistes en particulier, m'avait grillé auprès d'une partie des membres du jury implantés dans cette institution, évidemment, par nécessité vitale, trop prudents pour ouvrir la porte à une ouverture critique. A la suite de cette déconvenue, faisant elle-même suite au parcours de la ville vidée de sa substance humaine, j'ai vu le Brésil tout entier autrement. Ce pays époustouflant, géant gonflé de vie, bien que courbé sous un régime dictatorial, devenait  en ouvrant bien les yeux, surtout un lieu affligeant de misère, prisonnier de traditions coloniales qui le saignaient à blanc.

De même que plus tard, après une nuit de chaleur et d'insomnie, ouvrant la fenêtre de ma chambre d'hôtel donnant sur une rue gorgée de piétons et de mototaxis, voyant cette foule misérable rongée de la tête aux pieds par les pluies diluviennes et leur cortège de calamités, je m'interrogeais sur l'urgence qu'il pouvait y avoir, malgré la bénédiction des autorités locales, à ouvrir une nouvelle Alliance française dans l'ancienne maison Eiffel importée pièces à pièces de France du temps de la prospérité fondée sur le caoutchouc à Iquitos. en Amazonie péruvienne alors que je me battais depuis des mois pour y arriver et trouver localement un directeur qui pourrait mettre en route les cours et activités culturelles.

Tout est parti de là (deuxième approche).

Ce sentiment d'irréalité je l'avais déjà éprouvé plus jeune.

Il avait un père et une mère, ce sentiment, une ascendance bien précise et ça je l'avais oublié mais d'en parler ça me revient. A plusieurs reprises j'ai été plongé dans le néant des interstices, émotion forte, surprise, chute, décalage, choc, accident, désillusion terrible, déstabilisation, traumatismes divers et parfois fracassants, même si parfois ça ne dure qu'un instant, comme tout un chacun a pu et dû, forcément en faire l'expérience. Un de ces instants mémorables que nous nous hâtons d'oublier quand la pente est remontée, à moins qu'il ne s'agisse d'une de ces illuminations de joie, surprises de bonheur ou invraisemblable bien qu'attendue, réussite, événements qui peuvent aussi fendre la coquille, percer le plafond, ouvrir un gouffre dans le plancher, aussi bien.

Par exemple, 

plusieurs moments totalement dissemblables me viennent à l'esprit. mais parlons de celui-là :

je suis assis dans un cercle, à quel âge ? comment appelle-t-on ça ? le jeu consiste à placer un objet quelconque sans que le geste soit remarqué en courant derrière le dos des joueurs assis, derrière l'un d'eux pour désigner ainsi celui qui prendra le relai, va saisir l'objet placé derrière lui, courir et à son tour l'attribuer à un joueur tournant le dos, assis et immobile. Tout à coup, je m'ennuyais comme souvent, ce n'est pas le genre d'amusement qui suscite mon enthousiasme, j'ai toujours été, même avant l'âge de raison" , sans doute un peu ailleurs et un peu méprisant . . . si le mot n'est pas trop fort pour les choses enfantines et faciles . . . j'aurais trouvé beaucoup de choses "débiles" si le mot avait été employé en ce sens quand 'avais six ans. Puis plaf, je reçois une bonne gifle, c'est l'instit qui me rappelle à la vie communautaire pendant que j'étais en train de rêver à Dieu sait quoi. Je sais que depuis cette brêche faite dans ma méditation supérieure je vois le monde autrement et suis, plus je m'évade et refuse l'ennui des routines, sur le qui-vive !

Tout est parti de là.

Je ne sais plus quand, je sais seulement où . . . 
Je suis tellement nul en foot et en connaissance des événements de l'histoire du foot que je n'arrive pas à me souvenir ou à arriver à savoir si c'était pour un très grand match au Maracana, le stade mythique de Rio ou bien pendant la finale du mondial de Mexico qui opposait Brésil et Italie à l'époque du Brésil le plus mythique en foot, celui du Roi Pelé vainqueur magnifique lors du match historique. Je ne sais pas si c'était pendant que 200.000 personnes étaient enfermés dans la carapace de béton du Maracana, tous les autres habitants de l'ex-capitale, sept millions de personnes, étant suspendus à leur poste de retransmission. 
Était-ce pour un événement national ou pluri-national et régional du genre Argentine/Uruguay ou
plus massivement, par retransmission télé, en communion avec une grande partie des peuples de la planète, pour un championnat effectivement mondial dans lequel le Brésil avait toutes ses chances ?

Ce que je sais c'est que je roulais, moment inoubliable, absolument seul dans ma vieille coccinelle rouge groseille sur les avenues incroyablement vides, me rendant au centre ville où j'avais un rendez-vous avec un autre fou totalement indifférent au foot. Je me souviens de façon très personnelle que devait se négocier ce jour-là mon statut de prof.
Un pied au lycée franco-brésilien, un pied à l'université catholique et pontificale, la seule avec laquelle le France avait des accords de coopération, celle qui avait eu l'audace de faire venir, en invité pour une semaine, Michel Foucault à l'époque où il concoctait sa bombe : Surveiller et Punir.
Ce que je sais c'est que j'ai d'abord absurdement pensé que j'étais, par mégarde, il m'arrive d'être à ce point distrait . . . , entré dans le périmètre de tournage d'un film qui avait fait libérer avenues et boulevards, la moindre ruelle, pour tourner un film sur la fin du monde.
En effet, le ciel était gris, bas, l'heure incertaine. Il aurait pu être très tôt le matin. J'éprouvais un sentiment profond d'irréalité.
Mon rendez-vous allait se solder par un fiasco, un désaccord et un malentendu, je ne le avais pas encore. 
(A suivre . . . )

lundi 28 août 2023

Mais qui était cette Eva Inovnalina Daliravidelura.

Elle apparait au détour d'un roman.

Elle aima les poètes et les peintres et sut choisir les plus grands.

Elle n'hésita pas à passer de l'un à l'autre, franchissant les langues, les disciplines, les obsessions, les bornes de l'amitié, ne se trompant en rien sur ses choix.

Quelques égéries l'ont fait, la liste est longue.

Mais elle s'attacha finalement pour la vie auprès du plus génial, du plus réellement manche, à la fois maladroit et très adroit, dans le réel il manquait parfois une marche, par exemple un jour il ne su pas prendre correctement, voyant un plan, des places de théâtre ou mettre son si précisément génial dessin aux bonnes dimensions du concours, du plus obsessif, insectes, objets mous, décomposition, du plus habile et malin et

féroce (a)mante le man(a)gea.

Elle obtint, en échange de quoi, un statut de sainte et d'immortalité.

Elle avait sur lui un pouvoir surérotique tel que pour se libérer elle dut fuir dans un palais qu'il avait pourtant cherché et trouvé pour elle et décoré de ses éternelles obsessions.

Le mot sur la main.


 Hier j'étais à Donostia ou, autrement dit, San Sebastian au pays basque et capitale du Guipuscoa où je me promenais virtuellement pour voir ce que cette superbe ville devenait. En effet, après avoir essayé les plages de Biarritz où chaque jour se repêchaient, assez tôt ou trop tard, un certain nombre de nageurs surpris par la force des vagues, mes parents avaient décidé de passer la frontière pour me faire bénéficier des plages protégées de cette ville proche de la France au nord-ouest de l'Espagne, en forme de conque cachée par une île et deux promontoires.

Eux mêmes ne nageaient pas. Moi pas encore. Je devais avoir sept ans et demi  et à l'époque c'était dans la norme, je n'irais en piscine régulièrement qu'un peu plus tard. Ils avaient dû passer quelques sales moments en me voyant foncer dans les vagues même si ce n'était pas sur la plage dénommée "Chambre d'Amour" où sans aller se faire enfermer dans la grotte par la mer montante selon la légende et de bien réels faits divers répétés, on devait savoir qu'on risquait sa peau dans ces parages où avaient disparu aussi quelques navires. Plus tard j'aurais l'occasion de vérifier le courage des nageurs sauveteurs de ces rivages en me retrouvant emporté par un courant au Sénégal, isolé et perdu sur un récif au large du Cap Skirring et "sauvé" ou du moins "accompagné" par l'un d'eux, en villégiature dans les mêmes lieux.

C'est donc à San Sebastian, autre ville à hauts risques pendant le franquisme et longtemps après, que en vacances dans une pension du centre ville, j'avais pu, peut-être ne le sachant pas mais sur cette plage même aux pieds du palais où avaient été enfermés dans les caves les plus humides des prisonniers voués à la pneumonie puis à la phtisie en guise de condamnation irrémédiable, après avoir appris les mouvements sous l'eau, sans respirer mais en avançant à grandes brasses, j'avais réussi, ô joie ! à émerger, à sortir à moitié la tête et à respirer, donc à nager enfin.

Aujourd'hui j'examine, toujours les hommes ont voulu avoir main sur le hasard, vieille de plus de 2000 ans,  cette petite main de bronze gravée trouvée en Navarre dans des fouilles amorcées en 2008, qui porte entre autres mots celui bien lisible de sorioneku

Amulette, objet porte bonheur sans doute, puisque c'est presque le même mot qu'en langue basque actuelle qui veut dire chance.

samedi 26 août 2023

Simples et bonnes Pâtes.

J'aime faire des pâtes comme j'aime faire du pain. Sauf que le pain même avec une machine à pain, c'est devenu compliqué pour au moins trois raisons :

Un . . . . les fabricants de machines, sans doute (ou peut-être ?) pour éviter les débordements du pain trop levé qui ont pu surprendre quelques utilisateurs néophytes, et il est vrai qu'une pâte à pain qui déborde et cuit sur le couvercle de la machine et hors du moule sur les résistances de chauffage sous le moule c'est embêtant à racler et nettoyer ensuite, ont donc ajouté quelques tours au battement et pétrissage qui intervient en dernier après le premier. donc vers la fin du processus, coupant ainsi tout levage de la pâte et du coup produisant par ce surcroit de battement trop tardif, castrateur d'élévations et développements aériens, un pain à tendance massive, sans trop de bulles, voire carrément un pain dur, massif et lourd, carrément cale porte.

Deux . . . . qu'est-il advenu des nouvelles farines qu'on nous vend, en gros, on dirait depuis la guerre en Ukraine, ceci n'excusant en rien cela et peut-être d'ailleurs n'ayant aucun rapport que de tempo et de prétexte ou d'occasion pour nos fabricants meuniers en gros et en stock . . . d'innover . . . de quoi sont-elles coupées, mélangées, de quel traitements de conservation sont-elles victimes ? faut-il incriminer les céréales ? mais le fait est là, elles ont tendance à s'agglutiner plus qu'à lever . . .

Trois : quant aux levures, n'en parlons pas elles ne sont plus ce qu'elles étaient !

Foi de boulanger hardi de boulange j'ai trouvé la parade, n'utilisant aucun programme de pain ceci ou cela à ceci ou à cela ajouté, je fais a - une simple pâte à pizza et . . . b- une cuisson directe ce qui m'évite de passer par les moutures et remoulages-pétrissages superfétatoires en programme ajouté.  

Mais bon, J'y perds de la variété, de la subtilité, de la fabrication variée et sans arrêt renouvelée.

Avec les pâtes c'est autre chose malgré les aléas là aussi de la farine, des dimensions des modèles et des diverses maisons plus ou moins regardantes sur la qualité du spaghetto ou de la farfalle.

Mais au moins là on peut goûter à mesure de la cuisson sans arrêter le processus.

J'adore donc, n'ayant plus guère ni le courage ni l'intestin de mitonner cassoulet, choucroute, bœuf bourguignon, lentilles au lard, pois chiches, chou farci, navarin d'agneau, osso buco, tagine, pastilla aux pigeons et pruneaux . . . ni surtout suquet, ce délicieux ragout de poissons mon plat préféré avec le lapin au chocolat et aux gambas, inventions de la Costa Brava, pays de pêcheurs et d'expatriés en Sud-Amérique, faire de simples spaghetti à la tomate bien mûre et au fromage que vous voudrez. D'ailleurs je suis en train d'enfiler mon tablier pour m'y mettre bientôt.


vendredi 25 août 2023

Quand je mourrai.

Quand je mourrai je veux me souvenir, sans doute sans doute, de tant de visages mais de toi d'abord que j'ai cueillie dans l'extrême jeunesse, si grande fleur rouge, la plus grande, toi qui m'as toujours, même de loin, de très loin accompagné, de ton dos bronzé comme un peu tahitien, d'elle peut-être, maintenant si lointaine et si proche aussi qui a du temps encore à vivre, plus pâle comme moi, issue de toi, et de tous ces moments d'extrême plénitude que nous avons vécus par hasard, par destin, par affinité des contraires, par choix délibéré contre les contraintes et les barrières. Par goût d'y aller voir plus loin en suivant nos rêves.

Il y a eu tant de villes et de paysages et surtout toutes ces mers, ces golfes, ces côtes en toute saison, ces sables, ces baies, ces marées, ces coraux, ces caps, ces rochers rouges, ces bains en eau de songe, ces poissons aux yeux curieux de nous voir, de formes et de couleurs inimaginables, inventés par des designers fous, ces oiseaux colonisant les à pic planant sur nos têtes sans bouger leurs ailes, les dénivelés effrayants des volcans noirs sur quelques îles et au bord du Pacifique ou si verts au cœur de l'Afrique.

Mais rien n'égalera peut-être ce jour où tu es venue me rejoindre dans ma chambre d'étudiant. Rien non plus d'avoir pu te serrer encore dans mes bras quand tu aurais pu au cours d'une nuit d'ambulance et d'hôpital avoir disparu.

jeudi 24 août 2023

Abus.

Parfois, je me rends compte à relecture tardive, il y a abus.

Abus de la confiance du lecteur.

Non pas que je mente, tout est presque vrai dans ces récits échantillonnés, dans ces mini-réflexions décousues dans ces témoignages partiels. Je n'enjolive pas. Je ne déforme ni ne détourne de leur teneur réellement vécue ces aventures ponctuelles. Tout au plus ai-je parfois été obligé de changer le contexte pour éviter de mettre en cause, tenants ou aboutissants, des personnes liées à telle action. Tout au plus, ai-je pu avoir tendance à me laisser fasciner par des situations, des personnages, des objets sur lesquels je projetais mes propres fantasmes obsessifs.

Ainsi je me souviens d'avoir peut-être, bien que modérément, et en faisant la part des choses "déliré" aux yeux d'un mien ami à propos d'un village de bord de mer, pour lequel il avait eu la curiosité de quitter l'autoroute pour aller voir ses merveilles de près - alors que je ne lui avais donné aucun conseil en ce sens, seulement apparemment l'envie d'aller y voir - village à l'époque et encore à l'écart, plein de grandes maisons vigneronnes oubliées, endormi sur sa lagune ensablée à côté d'une carrière dominant  l'étang et au loin la mer d'où l'on apercevait un cap fameux, bien réveillé et bourré d' "artistes" en tous genres, vrais ou faux aujourd'hui. Très déçu il avait résumé sa propre impression après visite par :

- Oui, tu ne m'avais pas dit que bof . . . , c'était pas la septième merveille et plein, avec ça, de pavés autobloquants (un truc absolument rédhibitoire si j'ai bien compris, à ses yeux d'esthète informé).

Dans le même ordre d'idée, c'est fou le nombre de gens que j'ai pu influencer à une certaine époque de prosélytisme et qui ont acheté une maison ou un appartement à Perpignan alors qu'ils n'avaient aucune affinité avec ce haut lieu d'hispanité enclavé dans une assez morne plaine, relevée seulement par ses lointains montagneux et se sont parfois plaints ensuite de ne pas trop aimer la ville populeuse et fière, n'y ayant pas comme moi fait ne fixation sur le restreint et incroyable charme de son centre ville (places étroites, briques, marbre, patios, balcons, ruelles, grilles, bornes, arcades, détails baroques des façades, portails cloutés, pleins de ferrures, odeurs d'anchois et d'orchata de chufa mêlées aux senteurs du laurier, statues de Maillol, fraicheur des quais de la Basse, le presque fleuve minuscule et canalisé enserré dans ses plates-bandes fréquentées par les mouettes rieuses, cathédrale Saint Jean, inoubliable Dévot Christ enfermé dans une chapelle adjacente, maisons Art Déco, pénitents, Loge de Mer à girouettes, etc . . .).