lundi 28 mai 2018

Catastrophisme.

Loin de moi l'idée que nous avons tort, mais . . .
Cette propension contemporaine à voir arriver à tout bout de champ la fin du monde . . . Les cadrans, les cadrans, tous les cadrans signalent que les limites sont largement dépassées.
Pas faux.
Alors peut-être si nous sommes encore là, presque calmes, un peu déboussolés même pas sauvés des erreurs passées, prêts à réussir d'autres tours plus ignobles, d'autres erreurs globales, plus irréversibles (mais qui ose/rait penser après les crimes passés qu'il y a encore de la marge ?),  avons-nous déjà muté, appris à crawler dans les eaux cataclysmiques, même pas assez inventifs pour produire d'autres mondes en vrai, habiles à continuer la course coûte que coûte
dans le monde vieux, déglingué qui ne fonctionne plus que par excroissances qu'on aurait du mal à nommer.
Oui, alors peut-être c'est que nous avons déjà muté.

samedi 26 mai 2018

Miroir ( jeu du).

C'est un thème difficile. Il ne suffit pas de regarder dedans. Encore faut-il comprendre et savoir de quel effet on se réclame et de quel miroir on va jouer. Enfant, malade j'ai quelquefois joué de deux petits miroirs ronds, c'était une pub de je ne sais plus quoi, pour approcher un peu l'idée, l'impression d'abîme, ou plutôt d'abyme (mise en). Plus tard rien ne m'a attiré à visiter la Galerie des Glaces ni celle de ces palais de foire à miroirs déformants qui faisaient tellement rire mes copains. En revanche, les mimes et imitateurs divers me semblent d'autant plus fascinants qu'ils soulignent ou font vraiment apparaître dans leur reflet-imitation-caricature une vérité cachée. A Paris, devenu adulte, j'ai passé souvent du temps, autour de Beaubourg ou ailleurs, un peu partout, à observer ces comédiens de rue qui suivent les passants et en relèvent à leur insu ou pas, les traits les plus risibles ou intéressants du point de vue de la typologie, de l'infinie variété des gens, ou surtout le type de démarche, croquant ainsi d'un corps habile tout un personnage rendu théâtral du coup et ceci malgré parfois l'absolue dissemblance de la morphologie.
Mais je ne m'attendais pas à ce fameux coup pendable d'Alain François qui a intitulé "Miroir de David" un feuilleton sur la revue numérique Marsam.graphics ou il m'à introduit comme feuilletoniste après avoir  fait l'expérience antérieurement de publier sur son portail ce blog par où j'ai commencé sur L'Obs et qui s'appelait . . . . . 1 place etc . . .  séquence après séquence, en parodiant mon style de conteur lourd et pléonastique, répétitif en variantes, riche de vers de mirliton et surtout ampoulé jusqu'à l'extrême acceptable si on a déjà accepté de se laisser embarquer dans ces phrases à tiroirs et rebondissements que j'essaie quelquefois de manigancer et qu'il relance mieux que moi mais pour une intrigue qui se déroule là où je n'ai jamais été et n'irai jamais, même en chaise à porteur : sur l’Himalaya.

Est-ce que ça l'amuse ?
Étant donnés sa courtoisie, sa bienveillance, son œil critique imparable et nos excellents rapports, je ne saurais lui reprocher cet amusement, . . . innocent . . . (voire) ?
Voyez le genre de relations (du verbe relater) qu'on peut imaginer sur le net. ÇA CHANGE UN PEU DES HISTOIRES POURRIES QU'ON NOUS RACONTE SUR LES DANGERS DU NUMÉRIQUE.
D'autant que . . . (A suivre . . .).

Liste.

Je ne sais pas si c'est bien de faire des listes. Beaucoup de gens en parlent et en ont parlé, nous sommes un paquet à lister on dirait, mais à chacun les siennes.
Ce n'est pas souvent que j'en fais, c'est plutôt un peu par crises ou par à coups. Oui pour les courses, surtout quand je vais à la file dans plusieurs magasins, vraie razzia en petits bouts et que je cherche un truc dur à trouver, ce genre de truc qu'on oublie toujours, comme le sucre roux ou le sel dont on sait qu'il vient de l'étang à côté, ou le fruit de saison qui tarde à mûrir et qu'on vent cher et bien avant inutilement en ersatz de bois venu en cale d'Afrique du Sud, qui ne sera jamais comme un fruit venu à terme et au soleil et qui n'apparaît toujours pas sur les étals en culture d'ici (pour vendre les stocks de ceux venus de trop loin ?), on va finir par le zapper. Aussi la nuit quand j'essaie d'attraper par les oreilles une idée qui passe et que je ne veux pas vraiment me réveiller en notant trop de détails pour essayer de me rendormir. Voilà pour les miennes.

Oui mais. Ça pourrait donner des remords pour tout ce qu'on ne fait pas ou qu'on oublie quand même et même à propos des gens auxquels il faudrait rendre visite, ce qu'on n'a toujours pas fait, mais ça je le sais et ne le note pas.

J'ai plein de carnets où par périodes et successivement je note tout ce qui me paraît trop précis pour m'en souvenir en détail où je mélange totalement les choses les plus pratiques et les plus abstraites ou impossibles à retrouver dans un détour du labyrinthe ou seulement imagi-naires ou -natives, pages d'une revue, citation, manip du net aberrante mais pas impossible et pont de passage par homonymie par exemple d'un personnage à un autre ou plans d'un meuble à construire pour le jardin. Ainsi je crois que, en plus de ma mémoire de vieil éléphant, je n'oublie rien. Du moins pourrai-je le retrouver. Après coup je peux sans peine me consacrer aux corvées, passions, plaisirs, amitiés, quêtes, et si nécessaires obligations et impératifs du jour que là je n'ai pas besoin de noter pour ne pas les oublier et je pourrai parfois, aussi, des années après, reprendre des bribes, des fragments quelquefois devenus cryptographiques et impénétrables de tous ces tours et divagations. Ce qui m'attirerait dans tout ça si j'avais le temps d'y revenir ce seraient les dessins et schémas. Ainsi j'ai retrouvé que je n'avais pas oubliée mais perdue une vision de l'Amérique (Nord et Sud) qui se transformait en bonhomme géant face à l'Afrique surmontée de l'Europe emportée par elle comme sur un taureau. 

Aujourd'hui je noterai dans les articles à écrire (prochainement ou plus tard) :

vague

pouls

escorpion encuralado

et aussi :

la vieille dame que j'ai laissée allongée sous le citronnier de la villa L'Oasis

polar

miroir (comment établir un jeu de)

il va falloir que j'interrompe sinon d'autres idées me viennent
mais aussi quand même :

parler de quelques amis facebouquiens, le tri va être dur ?


vendredi 25 mai 2018

Meurtres ( croisés ) de polar romanesque.

Peut-on ignorer que pour qu'on s'intéresse à un meurtre il faut qu'il soit bien caché,  recouvert par un maquillage de vies apparemment honnêtes et même honorables,  oublié au loin dans le passé familial soigneusement dissimulé, enchevêtré à des circonstances réputées historiques, enfoui dans les couloirs labyrinthiques de motivations pathologiques ou aveuglant d'évidence mais situé dans une logique distordue par une analyse insuffisante ? C'est que le polar confronté a des lecteurs-spectateurs de plus en plus entrainés au jeu et exigeants quant au difficultés à résoudre  l'énigme, doit inventer tous les jours pour survivre de nouvelles variantes et complications. S'il est horriblement signalé  par la découverte fortuite d'un cadavre calciné et inidentifiable au début de l'enquête ce sera parfait.  Du moins c'est ce que semblent imaginer nombre de fabriquants de polars, spécialement au Royaume-Uni.
Imaginez maintenant que les meurtriers véritables dans le cas où on aura corsé l'affaire en y plaçant plusieurs, voire une hécatombe de maccabées et aussi une pléiade de brillants tueurs occasionnels ou patentés, aient eu l'idée de se refiler en échange amical ces futurs maccabées, vous arrivez au parfait puzzle recherché.

L'Odeur du pain.

J'ai toujours passionnément ressenti cette odeur comme force épanouie de la terre chaude, 
cuite au four du jour sans chercher plus, c'est déjà tant à recevoir dans le nez, dans la bouche et dans le corps chaque jour. 
C'est pourquoi j'aime faire notre pain et emplir la maison de lui, puissante odeur, rond, carré, pointu, en baguette, 
allemand, paysan, italien, en galette, marocain, tassé, croûtu, léger, brioché, 
empli de graines, de raisins, de figues, de noix, de pommes, d'olives noires et, pour n'en pas finir, de poussière de coco bien rappé
avec un filet d'huile pressée à froid.

Souvenir de ce boulanger d'Assilah, dans son terrier souterrain, lucarne ouverte auquel on pouvait encore donner en passant dans la rue des plats à cuire dans son four et qui changeait le matin frais, humide, à peine échappé de pluies diluviennes, en délice chaud.

Ou encore et plus loin, voir partir le matin, à Urca,
courant, ma fille si jeune, mais que risquions-nous à l'époque, les grands voleurs s'intéressaient seulement à vider les banques (il fallait attendre plusieurs jours qu'on y remette des cruzeiros et qu'on puisse de nouveau en retirer, ça arrivait assez souvent) et les petits aux roues de secours des voitures garées dans la rue, et revenir avec ce paozino frances ou ce pao de queijo du jour nouveau.

Bref, les mains d'un homme dans la farine et Pomponette et tout ce qu'on voudra.

jeudi 24 mai 2018

Inachevé . . .

. . . peut-être même inabouti, c'est le lot.

. . . se lancer dans le vide (toujours le cas non ?) dans le grand bleu gris aujourd'hui . . .
pas fameux, . . .  un peu fumeux, mouvement brumeux, reflux du vide, gouttes sur la peau, pas de soleil
rides et courants de surface, en apparence, sait-on jamais, l'eau n'est pas tout à fait claire, 
pourtant au contact, après celui de l'air, délice du jour, l'eau est fraîche et résiste au choc, 
se replie et enveloppe,  pas de roc, pas d'épine dans l'eau, chance, 
un banc de poisson fuit, 
je n'ai jamais navigué que sur le bateau d'autrui, 
l'eau m'a emporté sur une planche un jour
incapable avec le mat, la voile, le vent m'amena loin
je ne regrette rien mais aucun plaisir debout sur l'eau
beaucoup de copains navigateurs, les copains d'abord,  aviateurs aussi, 
amis d'alors, incapable de manœuvrer cordages, voiles, baume, pas senti le vent faute de savoir faire, formation et stage de matelot, zéro, ne parlons pas de déplacer un oiseau géant à dix mille mètres  là-haut avec des gens à bord, encore moins, 
le calcul du décollage et du vol oui, possible, mais l'assumer dans son corps . . . moi fait pour l'eau en direct, non, confiance totale au pilote en revanche
dans les pires tourmentes d'un pire coucou 
(j'ai remarqué : ceux qui aiment le bateau n'aiment pas l'eau 
et même en ont un peu peur de cette eau pas toujours dormante et dominée en surface,
pas tous peut-être, il y a ceux qui traverseraient le feu mais pas l'eau, 
c'est pour ça qu'ils ont mis des bateaux entre eux et l'eau, 
quant aux aviateurs, je ne sais pas, de quoi ont-ils peur ?
vaut-il mieux tomber dans l'eau ? 

de rien peut-être), 
. . . .au risque d'arrêter de nager au beau milieu de la mer, joie, course inachevée, fendre et épouser l'eau, retour au sel des origines, sans bouée
et de toute manière accoster en terre ou pourrir dans l'eau

mercredi 23 mai 2018

Antipodes exacts.

Pour éviter les approximations il faut prendre une carte antipodique et s'y promener, ainsi il apparaît que les points aux antipodes de l'Europe ne tombent pas en Nouvelle Zélande mais le plus souvent dans la mer. Pour tomber juste sans risque si je veux écrire un roman dont l'héroïne part aux antipodes, je pourrais choisir de la faire vivre à Manille dont l'aire urbaine assez étendue et peuplée compte plus de seize millions d'habitants (ce qui me donne le choix) et l'envoyer au Mato Grosso, région du Brésil qu'elle pourra gagner par l'aéroport de Campo Grande pour rejoindre ensuite un endroit vraiment perdu sur la carte, où elle se retrouvera seule et unique, vraiment perdue, dont la ville la plus proche se nomme Conquista do Oeste pouvant s'écrire aussi d'Oeste, après seize heures de voiture et 1239 kilomètres de champs de soja et de déforestation,  presque à la frontière de la Bolivie.

C de communiquer ou plutôt de qu'est-ce qui circule sur le rs de fb ?

RS pour réseaux sociaux, FB pour Facebook. Bien sûr deux choses : ce qu'on vous impose et ce que vous aurez choisi. Tout l'art est de susciter ou laisser se susciter assez de hasard pour être surpris et faire des découvertes. Dans le fatras de ce qui circule, fleurs et chats, couchers de soleils et verres pris pieds nus à la plage, dernières publications ultra-importantes postées par des insignifiants dont je suis, blagues crasses et trash ou subtilissimement détachées, faut aller vite à la rencontre et ne pas se laisser détourner de la quête par le bombardement.
Je vous jure, ça vaut la peine.
Ce qui se produit là est non seulement certes fallacieux mais quand même universel et mondial, ça communique au-delà des petits territoires protégés et ça c'est un bonheur de le partager.
Quelquefois un clin d’œil suffit comme celui de ce chat incroyablement et poétiquement synthétique qui hante la page de la fin de Tristes Tropiques. Chat dont la noblesse cachée et le savoir silencieux résisteront toujours, aux pitreries absurdes de ses congénères moins discrets, chats boxeurs ou dactylographes trop apprivoisés.
Quelquefois une connivence lointaine venue d'Asie ou de Colombie suffit à nous combler, même si, et c'est presque certain, elle est faite de tous ces abrégés que le prof mettait dans la marge de la copie en version latine ou autre : fs, faux sens, parfois même cs, contre-sens, ou jusqu'à ns, non-sens.

samedi 19 mai 2018

F de Festival du film brésilien (III).

Sur place et de plus belles, nous en avons vu des films, pour la plupart américain US, mais doublés en portugais paoliste, ce qui nous permettait d'ingurgiter les rudiments de la langue que pour ma part je pratiquais assez mal,  dans des salles remplies de sacs et de chutes de pipocas, ce maïs grillé , violemment caramélisé et collant aux dents et aux pieds qui tient lieu de peanuts en Sud-Amérique.  Je me souviens de beaucoup de fous rires et du joyeux chahut que c'était pour un des rares films français avec De Funès, ce ne pouvait être, car je me souviens spécialement  de la couleur bleue et rouge du chewing-gum dans les machines et sur l’écran, que Rabbi Jacob.

Je me souviens surtout d'un truc absolument terrible projeté dans une salle un peu confidentielle, type art et essai, peut-être plus petite que celle du Musée d'Art Moderne de Rio. Un court ou moyen métrage brésilien dont j'ai oublié le titre et l'auteur. La censure sous la dictature militaire l'avait-elle laissé passer par erreur, négligence ou volonté délibérée de montrer la bonne voie ? On y voyait une foule immense de"retirantes", ces immigrés de l'intérieur,  ces Nordestins qui fuyant l'exploitation,  la misère,  leur état de descendants d'esclaves et de paysans expropriés,  s'approcher des villas d'un quartier riche et en particulier de l'une d'entre elles ou sur le toit immense et plat se tenaient des tireurs qui après les avoir laissé s'approcher les massacraient un par un puis en masse.

Je me souviens aussi du jeune privilégié venu a Rio de ce même  Nord-est qui propriétaire d'un territoire immense,  en tant qu'héritier principal, amateur d'art, mécène et créateur  d'une fondation, me fut présenté dans un cocktail, se flattant,  à peine éméché,  d'avoir participé sur une barricade à Mai 68, "pour voir" par jeu. On dirait aujourd'hui pour le fun. 

F de Festival du Film brésilien (II).

Cette fois je commence par les films pour éviter les divagations.
Ça devait être dans les années 70, au tout début, dans un centre laïque et quelque chose où nous avait conviés un copain détaché de ses fonctions pour ce service. Je me souviens, parmi tous ces films que nous avons vus matin et soir pendant deux jours, nous avions la tête un peu gondolée d'images et de sons mais restions ravis et lucides bien qu'hallucinés par cette langue chantante, surtout de deux :
Macunaima 
et
O Cangaceiro.

O Cangaceiro est et était un film aux images surexposées, déjà vieux à l'époque et mythique toujours, sur un bandit cruel, implacable et justicier, avec son chapeau en folklo cowboy de demi-lune, qui a réellement accompli ses exploits auprès des très très riches propriétaires (nous en rencontrerons plus tard au moins un) et des misérables populations faméliques et attaquées par la fièvre jaune du Nord-Est fameux . . . où aujourd'hui on fait du quad sur les immenses plages autrefois désertes qui se remplissent peu à peu d'hôtels.

La révélation, celle de toute une vie, je peux dire, dans ce cinema novo, ce fut l'incroyable et inclassable Macunaïma (1970, le film). (1928, le roman) des deux, l'écrivain ethnologue et militant, le physicien et cinéaste militant de Andrade.

Déjà le roman de Mario de Andrade est un livre hors-normes avec son travail sur les dialectes et les mythes populaires qu'il entre-croise, mais le film de Joaquim Pedro de Andrade, porté d'abord - la scène de sa naissance restera dans le surréalisme naturel au tropicalisme comme un point de non retour, fondue bien au-delà de la rencontre sur un plateau de cinéma de Lautréamont et Rabelais réunis ou télescopés - par cet acteur génial et fou à la vie dramatique qu'est éternellement et que fut Grande Otelo,

une bombe où le protagoniste blanc devient noir, non, l'inverse, et retournera aux fonts baptismaux dans une piscine géante remplie de feijoada.

jeudi 17 mai 2018

F de Festival du film brésilien.

Ça remonte à loin ça aussi et, parenthèse, c'était bien avant notre départ au Brésil avec armes et bagages (façon de parler), départ pour lequel nous n'avions emporté en transport maritime léger, mais quelques cantines quand même, dûment acquitté par notre département, qu'un  minimum de vêtements et de livres
et encore pour découvrir une fois arrivés sur place que notre statut bien qu'officiel avait changé dans les rapports de convention entre la France et le Brésil et ne  nous donnait droit à passer en douane aucun bagage autre que celui emporté précédemment, forcément très léger, dans notre voyage en avion; bravo les préposés au transport, les mêmes qui enverront de la centrale parisienne des réquisitions de chemin de fer pour aller depuis Dakar vers des îles (déjà) sans voie ferrée (de plus), mais cela vaudrait des articles sans fin.

Autre détail, bien avant de l'accepter et de passer par le Quai à Paris, on m'avait transmis l'offre de ce poste, de cet emploi fabuleux (qui paraissait fabuleux et inespéré pour nous en tout cas) par téléphone que je n'avais pas encore, je ne parle pas de portable, je n'avais à cette époque-là aucun téléphone (invraisemblable non pour les accro actuels) et cela me fut transmis à la poste à partir d'un avis (qui disait : "rappeler de telle heure à telle heure au numéro tant, poste tant") avis d'appel porté par le facteur; mon premier téléphone filaire, en bakélite noire et à cadran à risque dotatif, donc je l'ai eu au Brésil et me souviens encore de son numéro (mais rien qu'en brésilien, je ne suis pas capable de vous le dire transposé en français, le mécanisme automatique de ma mémoire ne fonctionnerait pas et d'ailleurs, vaut mieux pas (il me sert encore de code secret pour un tas de trucs). En effet, à l'époque ça marchait mal et quand on vous appelait, l'appelant au lieu de s'annoncer lui-même, vous demandait d'abord de décliner votre numéro à vous . . . pour être sûr que les télécoms n'avait pas fait de blague.

(Bon à suivre . . . parti comme ça, je devrais changer de titre, ça devrait s'appeler "T de Temps autres", je ne sais pas si on va arriver à parler des films brésiliens d'alors, pourtant, il le faut).

mercredi 16 mai 2018

(Il y a) procès et procès

L'équivoque de ce mot m'à toujours fasciné depuis ce temps où je l'avais utilisé dans un travail de recherche qui m'à fait lever et y baigner assidu à 5 heures du mat pendant un temps assez long, moi qui ne suis pas du matin du tout et qui aime si peu me tenir longtemps assis. Mais que ne ferait-on pour arriver à boucler à temps le cycle d'une étude en plongée dans le texte. D'autant que dans ces temps fervents et studieux, pas du toc, une lettre de la main de Roland Barthes, grand  et nouveau pape de la textualité d'alors, que j'avais consulté à propos de cet usage, envoyée et timbrée du Maroc et reçue quand je ne l'attendais plus, m'y avait encouragé fort.

Car même si vous avez vu beaucoup de films américains, avec leur réelle obsession du destin qui bascule et du mode juridique du procès (comme théâtre nouveau de l'action après l'acte criminel), vous ne pourrez imaginer la réelle force, l'absurde équivoque, la contradiction inhérente sur laquelle repose toujours 
le vrai procès au sens de processus de destinée, la totalité de développement d'une vie qui se joue deux fois, en vrai puis dans sa représentation
lors du procès au sens juridique (sens devenu le plus courant dans notre langue au point d'en éclipser le processus qui y conduit).
Le nouvel acte qui en découle et en procède est un verdict.
D'autant plus effrayant qu'il fait apparaître à tout coup, pour y mener, l'inadéquation absolue des analyses et des discours auxquelles la plaidoirie aussi bien que l'accusation ont dû faire appel. Rien de la vérité de la vraie vie du sujet incriminé ne verra ici le jour s'il ne s'agit que de convaincre juges et jurés et d'argumenter en suivant la pente obligée de l'intelligibilité dont on les croit capables, le vraisemblable et lui seulement.

Même si vous avez adoré L'Etranger de Camus, en son temps, comme des millions de gens dans le monde - ce roman si singulier et si peu convainquant pour ce qui est de la logique et du positionnement du héros criminel -  roman maintes fois mis en accusation de préjugé colonial. Sur ce thème notons que Barthes est le plus pertinent des critiques. C'est lui qui en dévoila bien avant tous les autres, à la fois et sans contradiction, les ressorts et en particulier, en filigrane aveuglant, ceux du mythe solaire, structurant en cadran d'horloge antique la dramaturgie du penseur de midi et sa morale sinon entièrement éculée du moins marquée par l'époque encore coloniale.

Car si le procès au sens de mise en jugement, abandon aux instances du tribunal des hommes, n'est qu'un épisode, un précipité, un condensé qui rejoue et essaie de représenter le destin individuel publiquement, il est aussi un fragment décisif du développement, de l'ensemble du cours, du processus plus long qui l'a précédé et le suit, celui d'une existence entière qui de ce coup tranchant du glaive de la justice peut basculer à nouveau. Le procès purement juridique, en ce dernier sens, renvoie d'autant mieux au cycle complet d'une destinée qu'il la réhabilite ou la brise. Mais alors, avant lui, que dire du crime commis qui parfois se joua en quelques fractions de secondes et fut la cause véritable du basculement irréversible ?

C'est pourquoi - certains vont me reprocher ce raccourci et ce retournement - j'ai été sidéré de découvrir,  bien longtemps après ce travail qui occupa un long moment ma jeunesse, ce roman de Laurent Binet La septième forme du langage, où l'on voit le destin et l'oeuvre tronqués de Barthes ramenés à l'envers du long processus et des complexes figures qui le construisent à un polar où son accident final de la rue des Écoles à Paris, fauché par un véhicule . . .

/ rue que j'ai, par ailleurs et pour l'anecdote, périodiquement fréquentée et habitée par le pur hasard d'une amitié qui n'à absolument rien à voir avec l'auteur de l'Empire des Signes /,

. . . est assimilé à un assassinat.

La réponse était là à mes étonnements :
voilà comment annihiler par la dérision, rapetisser fictivement et ramener d'un coup de baguette magique et médiatique à rebours tout le procès du développement d'une pensée qui a agité si longtemps les sciences dites humaines.
Par-delà le procès qu'on a pu faire à la "french theory", aux vedettes du structuralisme made in France, réduire cette histoire humaine à la plus simple et première cause de tout procès, un crime dont la fausse évidence purement narrative, effaçait dans l'imagination du lecteur, toute épaisseur à une vie de recherche (je ne parle pas des miennes, assez courtes, mais de celles de ce groupe de chercheurs).

mardi 15 mai 2018

Voyage, exil volontaire.

Rien n'égalera jamais cette première impression qui assaille l'expatrié propulsé volontaire en terre étrangère; parfum, lumière, suffocation des sons, couleurs et harmonies jamais vues, arrachement et précipitation dans ce territoire-monde où objet étranger, rapporté, proie des regards, il est jeté et par là même enregistre tout définitivement, gravé, enfoncé, inchangé.
Quand j'accueillais quelqu'un à l'aéroport, revanche, curiosité, constat sur le semblable mon frère, je surveillais de près ce réveil du passager débarqué, tout à fait jeté-là, nouvelle naissance, descendu du tapis où il a mal ou rien dormi, parfois entrecoupé d'escale ou remontant du temps raccourci, allongé, à n'y rien comprendre, livré là, aux mains d'un inconnu.
Ainsi pourrai-je égrainer mes affects de nouveau débarqué :
Lima le gris poussière de volcan, lumière de crépuscule éteint, trajet interminable dans un véhicule flottant comme une barque au long d'un quartier mort, étendu en hangars abandonnés sans fin, arrivée enfin sur une avenue de Miraflores, avenue où je retrouvais quelque chose en plus triste des lanchonetes, bar, modestes du Brésil que j'avais connus avant, bien avant.
Kinshasa, cette impression d'avoir été expulsé du froid de l'avion dans un four humide, un ventre, un sexe de corps en sueur et de découvrir ces visages bien plus fermés, misère, guerre, après le, à l'époque, vivant et souriant, moqueur face au blanc, Sénégal.
Non, ne pas continuer.
C'est trop fort et je le garde en moi pour d'autres pays où je suis passé plus vite.
Si, encore, Bogota, quelque chose de magnifique, malgré la guerre absolue de la drogue, de l'armée et des gangs quand j'y étais, cette modernité, ces montagnes trouant la jungle, cet air d'une autre planète futuriste et ce fatalisme des gens bien décidés à vivre, à fêter la vie en dépit de tout.

Vert.

J'aime le vert pourtant je ne suis les prescriptions ou les goûts d'aucun prophète qui, selon les traditions rapportées, aurait aimé le vert d'habit, de turban, de nature, de verdure.
Expansion et renouvellement perpétuel capable de recouvrir un moment le désert.
Le vert s'obtient d'une alchimie de l'eau et du soleil.
Régénération infinie de la vie.
Persistance, éclosion du bourgeon au bout du rameau qu'on aurait cru mort.
Virulence du vert aux mille apparences.
Le vert de la feuillée nous soustrait aux étendues surexposées au bombardement qui le produit.
Le vert est premier aliment, herbe dressée, rumination de nos forces.
Le vert des palmes ouvertes, tendues, bruit au vent.
Il nous rattrapera sur nos ruines envahies.
Mêler l'or et l'azur produit du vert.
Rien d'un enfer.


lundi 14 mai 2018

Chanson pour l'Insomnie.

Le dernier I d'insomnie est aigu et crie foutraque, rit, cruel
et plie et scie et fait mal au profond des yeux, des os, du ventre, au cortex aussi.
Ne pas dormir est une plaie ouverte dans l'être habituel

de beaucoup d'amis ou d'ennemis
là . . .  tant mieux plutôt que tant pis
et d'êtres aimés aussi, bizarrerie.

Le corps flotte sans eau, l'esprit ne vagabonde plus et plie, 
tête lourde, mal de nuque, réflexe de courir, patraque, 
les pieds palpitent, s'agitent, raclent, vibrent sans repos et sans répit.

L'ange des cauchemars bienheureux comparés à ce vide ne veille plus sur la scène en dents de scie 
où s'agitent en creux les vaines peurs creusées et raclant encore le corps épuisé, ébouriffé.
Je ne l'ignore pas et parfois ma vie aussi éreintée, s'y livre, le subit.

Oserai-je vous dire cependant que, âme sereine, je dors à volonté ?
Sans honte, face à ce peuple qui sans trêve, cherche le sommeil.
Impudent bien qu'aussi vaillant et peu innocent que lui.

Et si je ne dors pas c'est quelquefois par jouissance 
de rester éveillé, de chercher encore et encore une goulée de vie. 
Alors je pense et me joins à vous, peuple torturé des amis et amours insomniaques

samedi 12 mai 2018

C de cerise du jour.

Dans un ou plusieurs jours, la fête, souvenirs lointains en retour, nouvelle quête, je suis déjà sur un arbre, dans une époque sans insecticides, pluies de printemps terre un peu lourde, sans fongicides, mains gourdes, un très gros arbre entouré d'autres arbres et moi-même pas seul, dans une sorte de rêve de gosse un peu opaque et flou mais demeuré comme une estampe dans laquelle j'évolue et joue, canopée, très vieux gosse, très vieux singe frugivore, aimant encore et toujours grimper aux arbres, mélopée, surtout chargés de fruit, en compagnie si possible de petites ou plus grandes filles, Francine, je me souviens surtout de Francine qui avait mon âge mais aussi de Christiane qui était plus âgée et nous goinfrer en riant de ces petites sphères imparfaites qu'on dévore, juteuses, luisantes, rouges comme des joues au grand air, bientôt poisseuses sur nos doigts, peut-être un peu rouges aussi du jus sur nos joues et voilà pourquoi sans doute je plante une autre fois, encore et encore, des cerisiers sur un terrain où ils auront beaucoup de mal et sont pour l'instant des maquettes, des miniatures de ce devenir en retour où j'aurais tant aimé voir grimper aussi à leur tour d'autres amours.

vendredi 11 mai 2018

O comme oublié.

J'ai tant oublié, forcément, et je ne parlerai pas de ces visages qui s'effacent alors qu'ils étaient ancrés dans l’œil en ronde-bosse, sculptés dans la pulpe du fond de l'orbite et présents même dans l'espace en regardant ailleurs, mais seulement d'un mot aujourd'hui, un mot aujourd'hui perdu, un mot inapproprié totalement, détourné et même je crois inversé que j'avais choisi pour désigner, je ne sais même pas trop comment le dire, une image, un flash, une construction hâtive qui s'imprime et nous échoit dans le meilleur des cas quand nous avons l'audace de chercher au-delà de l'approximatif, une forme non pas de perfection mais de trace du . . . ne pas dire sublime, c'est tout au contraire, une forme d'ici bas, très enfoncée en terre, bien qu'outrepassant la beauté, une donnée totalement fugitive,  incluse et inaperçue, improbable comme on dit parfois en ayant tellement raison de le dire cette fois, une sorte d'intuition immédiate et lentement révélée comme celle de ces jeux enfantins repris un temps par Max Ernst, où avec un crayon gras on fait peu à peu et avec certitude apparaître en frottant la mine sur le relief du papier appliqué à une lame de parquet aux très modestes reliefs découpés par l'usage, le passage, le lessivage, révélés sur l'épaisseur mince du papier, courants et agitation d'un fleuve, les nœuds du bois.

jeudi 10 mai 2018

"Huachafo" un mot emprunté.

Un mot bizarre même au Pérou où il est très utilisé et où je l'ai capté, rapté et mis dans mes bagages en partant pour revenir ici.

D'abord, personne ne sait réellement d'où il vient ce mot.
Plusieurs hypothèses contradictoires, du colombien, il renverrait dans ce cas à des fêtes et des chahuts excessifs, de l'aymara où il peut désigner une sorte de déclassé ou, enfin, d'un quartier ouvrier de Londres. Il faudrait se souvenir dans ce dernier cas du fait que les chemins de fer du Pérou ont été pris en charge, au moment de la construction, comme dans d'autres pays de Sudamérique et d'ailleurs, en partie au moins, par des ingénieurs et travailleurs anglais.
Moi je veux bien . . . car ce qui m'intéresse c'est plutôt son usage dérivé, transposé hors dénigrement de la classe populaire, de ses goûts - supposés mauvais, grossiers, risibles - . . . ; je lui voudrais un sens fantasmatiquement utilisé, retourné contre les riches qui de par leurs moyens la surpassent de loin en ridicules excès.

En effet, avec Rafo Leon (il faut un accent sur le O de Leon que je n'ai pas sur cet actuel clavier), l'homme de Monos y Monadas . . . . . . . . dans le temps, nous avions envisagé l'existence possible ou l'éventuelle création bien incertaine d'un Musée du Huachafo, que j'avais finalement, unilatéralement, virtuellement et totalement absurdement créé, lors de mon retour ici, dans un blog aujourd'hui (peut-être heureusement, vu l'ampleur infinie, exponentielle de la tâche et des installations nécessaires aux fonctionnements de sa machinerie théâtrale) disparu qui s'appelait MVAHUA, Musée Virtuel de l'Authentique Huachafo.

Mais au fait, c'est quoi le huachafo en castillan du Pérou ?
Difficile, mais je vais essayer.
Mais attention, peut-être ne vais-je faire-là que projeter mes propres délires et fantasmes, n'ayant nulle vocation de lexicographe en langue de Vallejo, Arguedas, Alegria y otros.

Le huachafo serait, selon moi, et ceci vaudrait peut-être comme exemple de ce qu'il fustige, le qualificatif à réserver au ridicule snob, celui qui prétentieusement et involontairement - même si c'est précisément par bravade et provocation qui se voudrait consciente, à jour des dernières modes et tics du système et du  marché - confine au lourd comique émanant d'une insertion fautive dans l'harmonie du monde tel qu'il va, tant à vau l'eau qu'il aille.

Note en bas de page : la prononciation de ce mot doit absolument se faire en aspirant un peu le H et comme s'il y avait un T fort devant -chafo. Une sorte de What ? chafo? qui renverrait bien à White chapel, le quartier de Londres incriminé !

Iles et illusions.

Ce devrait être le plus long de ces articles.
Dresser la liste, en une vie, des désastres parcourus en temps de paix d'après guerre.
Les enfiler comme des perles. A trop aimer les îles on devient coureur de lieux communs.
Peur irraisonnée ou pas des requins dans une eau si transparente et si belle d'un jardin sous marin des Seychelles.
Gagner souvent en pirogue l’île de N'Gor entourée de poissons en nuages, à l'époque, encore.
Ces îles du Rosaire, en Colombie où proche d'un îlot passait cette si grande raie manta, polluées en fin de semaine, à présent, alcool dans le sang, hydrocarbures dans l'eau.
Mais surtout le premier choc :
Ilha Grande au Brésil, plage à l'infini et grands timbos colorados sous lesquels on imagine encore, passant, de sauvages Tupinamba poursuivis par de funestes conquérants, face à Angra dos Reis vide et sans un chat, pas si loin de la centrale nucléaire, qui fut comme un paradis retrouvé après l'île de Paqueta, enlisée de puanteurs au fond de la baie saccagée de Rio, bien avant sa tentative actuelle de renaissance.

samedi 5 mai 2018

plusieurs mots en R

Rachalan c'est un mot de garrigue, le rachalan était l'ouvrier agricole mais le mot n'est pas exact, le mazetier pauvre, vivant dans une petite maison, en général bâtie en pierre, qu'il avait lui-même construite, le mazet donc, et surtout y vivant en permanence, hors ville, en périphérie des faubourgs, en marge des artisans, bourgeois, ouvriers parfois, tisserands souvent, qui eux ne passaient que leur dimanche ou congés au mazet. Aujourd'hui tout le monde ici s'en réclame, surtout ceux-là même qui ont pris sa place dans la garrigue de plus en plus mitée par les bobos éloignés de la densité urbaine qui se plaindront sans vergogne des embouteillages et de la difficulté de stationner au centre-ville.
Reboussier est un mot qui a eu ses lettres de noblesse bien que très local par la reprise qu'en fait l'illustre Nîmois Jean Paulhan, lui-même souvent à rebours et contre-courant d'un monde littéraire parisianisé et même boulevardisé bien qu'y totalement immergé et en édictant les canons.
Rossignol nul, oui ça existe, c'est déplorable. Cette année, mon territoire qui vibrait l'an passé des trilles d'un brillant chanteur (est-il mort entre temps durant le voyage ?) n'a plus droit qu' à un apprenti maladroit qui ne s'épuise pas et gazouille à grand peine et ferait mieux de prendre au moins des leçons du merle bien meilleur bien qu'un peu criard mais au moins enthousiaste.
Rapide, beaucoup de choses le sont trop mais n'est-ce pas une vertu dont nous nous réclamerons et  ne pourrons nous passer plus le temps coule ? 
Rivages (je n'aime que les, mais dans ce cas on dit orée) ((même si ce sont ceux des étendues boisées, des forêts agitées comme l'eau de la mer)). Un bain de vent, un bombardement d'ions négatifs, voilà de quoi ne pas se noyer dans un verre de mélancolie. 

jeudi 3 mai 2018

Vent debout.

Beaucoup de souvenirs de vent, de grand vent. Les pays sans vent sont couverts de poussière. Il faut les balayer sans arrêt. Au Pérou et au Nord du Chili où sur la côte il ne pleut jamais, il y a peu de vent et on a pris l'habitude de cirer les carrelages intérieurs et extérieurs pour mieux chasser la poussière.

En Catalogne j'ai toujours aimé me promener ces jours de grand vent où les gens que ça rend malades hésitent à sortir. La dernière fois que j'ai vu au milieu du chaos découpé au chalumeau des intempéries le Grand Masturbateur qui a d'abord été un simple rocher de la crique de Tudela sur le Cabo de Creus, c'était pendant la démolition de l'archaïque Club Med qui occupait une partie du lieu.  Un camp très primitif de plongée bâti à l'époque où Trigano était encore synonyme d'association populaire. Il y avait une  Très Grande Tramontane et le gardien affecté à la surveillance des bâtiments en démolition qui devait m'avoir pisté depuis longtemps, me voyant crapahuter sur le terrain plus ou moins accidenté et barricadé à ce moment là, m'a ramassé avec sa Jeep et m'a finalement ramené à la route devant la pancarte "interdit au public, danger d'éboulement", nous avons eu le temps de parler un peu et sa conclusion était qu'il y avait trois types d'hommes, ceux qui de toutes façons sont déjà fous, ceux que le vent rend fous et ceux que la folie du vent rend joyeux.

mercredi 2 mai 2018

Tondre.

Entre deux averses si le soleil a séché un peu est un plaisir éphémère. Ecrire sur la tonte entre deux tontes est une revanche, un rattrapage de l'herbe couchée, rasée, décapitée. Faire pousser des brins de peu de force, à peine verdoyants quand les insectes se sont sauvés là-bas et que se sont découverts oubliés dans le lacis blanc des racines et tiges coupées, les bouts de bois noircis, cailloux mis de côté, enfouis, ou même outils et pièces démontées oubliés;

Hypercritique et dithyrambe.

Louer, encenser, démolir, outrancièrement aimer, détester tel est mon lot ou je m'endors. Ne pouvoir être qu'un animal excessif. Sorte de rhinocéros volant.

mardi 1 mai 2018

Maison.

Laquelle ? J'ai dû déménager si souvent.
Né au premier étage d'une école, je me souviens assez bien des ombres qui hantaient plus tard ma chambre et me poussaient au cauchemar, ces ombres projetées sur le mur en face de mon lit et aussi de ce tas de détritus végétaux à l'odeur âcre, accumulés dans le jardin autour duquel venaient tournoyer les guêpes et se promener des lézards et une salamandre. J'ai revu récemment cette pièce à l'étage, ancienne chambre devenue annexe d'une salle de réunion des administrés du troisième âge (ils y jouent au cartes de temps à autres) dans la mairie, agrandie aujourd'hui, de ce tout petit village où je n'étais jamais revenu et dont le maire actuel était un copain d'alors, même classe d'âge d'une année de guerre où il y avait eu seulement lui et moi comme nouveaux nés.
Ensuite je me souviens avec force détails de tous ces logis que j'ai occupés, j'ai une bonne mémoire des lieux et je m'ancre assez vite dans les nouveaux.
Je me souviens de cette maison habitée par un metteur en scène avant que je l'occupe où j'ai vu trembler les vitres au passage d'un tank, un vrai char à chenilles, beaucoup beaucoup plus tard, pendant le couvre-feu et avec des tirs tout proches.

C'est loin tout ça.

Je me souviens de celle que j'ai préférée dans ma jeunesse. C'était une maison entièrement entourée de grands arbres et d'une belle terrasse au premier niveau en légère surélévation par rapport au jardin, dans un autre tout petit village encore, mon père l'avait achetée pour un prix modique mais nous avons dû la quitter de peur que les voûtes de la cave qui supportaient le tout s'écroulent.

Curieusement, dans les capitales que j'ai habitées, je me souviens surtout de l'extérieur, de la lumière, des bruits, un peu des façades et surtout du quartier où se situaient ces appartements que je n'ai occupés que quelques mois ou quelques années, mais j'ai eu un appartement incroyable au Brésil dont il faudra que je vous parle,  j'avais trente ans, je m'en souviens comme si j'y étais, intérieur et extérieur. (A suivre . . .)