dimanche 29 mars 2020

Nez.



Nous avons dans la maison entre elle et moi une grande collection de parfums, baumes, épices, senteurs en boîtes et en liquides et en grains,feuilles,multiples extraits, mais celles que je préfère : le pain en train de cuire et toutes ces fraîcheurs, senteurs, verdures des plantes du jardin, parfois le soir en faisant un tour ça fait presque chavirer la tête.
Les peaux aussi parfois, rarement.
Musc de certaines, incroyable.
Mais tous ces parfums ramenés de vies antérieures, ailleurs, d'expéditions lointaines, même et pourtant cueillis sur des plantes vivantes; au bord de l'eau, sur des plateaux inhabités, en forêt humide, graines ou fleurs ou écorces, se sont maintenant parfois volatilisés, ne reste que leur réceptacle vide, tiges séchées,fleurs éventées, graines déshydratées, flacons de souvenirs transparents et désaromatisés.

lundi 23 mars 2020

Mythologie du dessous de table, classé M.

. . .  fantastique univers qui n'apparaîtrait qu'une fois le monde retourné,
caché du soleil, abrité de la pluie, alvéolé
ou alors, exposé à la lumière à plein, surface blanche, raclée par le vent, éclaboussé de trombes liqides, sous les cieux immenses,
c'est ça
exactement :
elle y vit et prospère dessus / desssous, quatre yeux devant dont deux grands, quatre derrière, postés partout autour tels qu'ils ne laissent rien échapper de son univers concentré en rond,
sous la table et une fois la table retournée, bien malin qui verrait son logis, petit cocon rond planqué sous l'attache d'un pied carré
propre à la contenir toute, en deux millimètres et demi, à peine.

table ronde en plastique que nous déplaçons en hiver sans peine en fonction des intempéries
mais qui permet de manger au soleil ou d'y prendre un café, souventes fois.
Alors elle est là, c'est son univers, elle y vit et vient voir ce que nous faisons dessus, encore cette fois
sur cette table où, là comme ailleurs,
couvercle,
la terre est ronde et plate pour elle,
cercle de tropiques à elle, hémisphères aplatis soudés, cerclés et opposés
avec un dessous et un dessus.

Elle n'a peur de rien et à l'occasion monte sur notre manche ou nos doigts,
d'un saut immense, muscles tendus à fond,
mieux, elle lance son fil collant, comme un lasso sur nos vêtements et entre avec nous à la cuisine,
suspendue au bout, équilibriste, trapéziste assurée,
alpiniste tisserande, exploratrice en quête, curieuse des mondes nouveaux,
celle que nous avons appelée, c'est désormais son nom :
 Ariane Sal(va)trice.

Car voilà ce qu'elle a fait :
sortie du labyrinthe du dessous de table où elle a ses quartiers, entre les alvéoles multiples, rangées en carrés encerclés, bondissante et suspendue, audacieuse et hyperative,
la voilà reine de nos tables et de nos plan de travail à la cuisine
où ayant refusé les gros  et frais cousins (cousins du moustique mais inoffensifs) que nous lui fournissions à foison (cette année ils viennent de naître en légions tous à l'unisson), elle s'attaque aux moucherons minuscules qui s'amusaient impunément à nous piquer le tour des yeux (avec ces températures de printemps doux).

vendredi 20 mars 2020

amis cubains . . . A ou C . . .

. . . à classer A ou C. . . .  je ne suis jamais allé à Cuba (voir le H de la Havane), pourtant j"ai souvent eu des amis cubains, si drôles et si malins, commençons par Miami, où nous avions un arrêt forcé, soit à l'aller soit au retour, que nous prolongions parfois, en vivant au Nord de la Sudamérique, quand ce n'était pas à Cayenne ou Caracas en pleine nuit dans un aéroport brûlant et là, en Floride, j'ai eu un temps pour copain un chauffeur de bus. 
Ayant oublié mon permis de conduire internationnal et ne pouvant louer une voiture, malgré les prix de location et du carburant très promo à cette époque avec les fluctuations du dollar, je prenais le bus, bus dans lequel les chauffeurs n'étaient pas trop sympa et même désagréables, quand on avait quelque chose à leur demander (à une époque ne l'oubliez pas sans téléphone et sans GPS, juste des plans sur papier pliés en accordéon) et donc un jour je tombe sur une ligne avec un chauffeur cubain, alors changement de monde et d'atmosphère, le mec tellement content que je lui parle castillan et que je lui dise que j"aimais bien sa façon de parler par rapport à l'epagnol d'Espagne, parfois si rapeux (et faut dire à l'époque les Américains parlaient assez peu l'espagnol et les Cubains ne parlent pas leur langue, ils la chantent et la psalmodient ou la vocalisent et l'apocopent à l'occasion). Nous sommes restés amis longtemps; après je lui envoyais des nouvelles de Lima ou de Quito qui étaient alors en totale déconfiture, Lima surtout, Enlèvements, attentats, magasins vides, coupures d'eau ou d'électricité monnaie courante qui pouvaient durer une journée ou plus dans les capitales andines ou côtières, et ça le faisait marrer de voir que le désastre n'était pas qu'à Cuba, et de penser que lui avait fait le bon choix de Maaahaaayami !

A Nice un jour nous avons eu à faire à une agente immobilière très communiquante qui nous a tellement fait rire en nous racontant dans sa voiture, le trajet était très embouteillé, que les telenovelas vénézueliennes, si rocambolesques et grossièrement sentimentales l'avaient aidée beaucoup à supporter l'ennui terrible de sa jeunesse à la Havane avec seulement les émissions officielles. Elle nous avait ensuite trouvé à louer dans "un très bon quartier" une maison croquigolette qui avait été celle d'un gardien de villa et qui était restée intacte de l'extérieur et cosy-refaite de l'intérieur, avec ornements aux fenêtres et barières en faux bois de ciment, sentinelle à l'entrée du grand bâtiment construit en place, dans son domaine, la villa. Une merveille accessible.

J'ai eu aussi un ami cubain photographe qui avait percé aux Etats Unis; il m'a aidé à organiser plein de trucs inouïs dont un mois de la photographie à "Lima-la-horrible" ainsi dénommée par ce superbement critique journaliste de la bourgeoisie liménienne que fut Salazar Bondy. Il était la personne la plus débrouillarde que j'aie jamais vue en matière d'entre-gens pour arriver à motiver et à trouver de l'aide auprès d'officiels qu'il voyait, comme étranger à peine débarqué, pour la première fois. Plus improvisateur qu'un joueur de foot carioca, plus astucieux qu'un vendeur à la sauvette à Cuzco.

Beaucoup plus tard mon médecin était cubain, ici, en France. Pur hasard. Recommandé par une copain de copain en débarquant dans cette petite métropole du languedoc. Il avait derrière son bureau une grande photo sinon inédite, du moins peu connue du Che. Une photo où il porte moins beau que sur les portraits les plus diffusés, il est de trois quart, légèrement empâté, très légèrement et se retourne en souriant de façon presque gauche dans son treillis un peu grand. On le reconnait avec un peu de peine sans ête vraiment sûr.
Peut-petre pas la première fois, mais sans doute la deuxième, je lui ai demandé si c'était lui sur cette photo. Il a ri bien sûr et comme je m'intéressais à son histoire, il m'a tout raconté. Depuis des années il allait en vacances mener une enquête sur les traces de son héros Ernesto Guevara, mort en Bolivie.

 Puis un jour j'ai rencontré, vous le savez, le fils de Dio qui avait fait ses études de cinéma à Cuba, une histoire incroyable que certains connaissent.

jeudi 19 mars 2020

H de Havane.

Projeté à plusieurs reprises, je n'ai jamais fait le voyage à la Havane.
Pourtant, maintenant, c'était facile d'y aller, du moins il y a encore quelques jours. Mais justement, je n'avais plus envie.

La Havane que j'ai rêvée, que je n'ai pas connue, c'était celle de Fidel.
Celui qui échangeait par la valise diplomatique avec l'inénarrable, rond, brillant et si adaptable Edgard Faure qui fut tant de fois mnistre, des cigares contre des camemberts. Oui oui, . . . confirmé par Alejo Carpentier qui nous l'avait raconté un soir. Et cet échange de signaux d'amitié, d'odeurs, de fumée et de fumet en bouche, assez clandestin, effectué par voie officielle, a duré longtemps. La gloire de Fidel aussi, dans certains milieux, pas tous de gauche extrême, a duré aussi, longtemps.

Perso, avant d'être un fumeur de Havane repenti depuis longtemps, j'ai longtemps lu les discours fleuves de Fidel 
- que n'ai-je gardé les numéros devenus historiques de Granma, organo oficial del comite central del partido comunista de Cuba ? -
 que je recevais régulièrement à l'époque où j'écrivais un peu dans un quotidien socialiste (des critiques d'expositions plutôt que de la politique politicienne) et surtout des uchronies publiées dans un petit canard communiste (union de la gauche sacrée !), bien qu'inscrit nulle part, à aucun parti, de courtes nouvelles anhistoriques que je signais d'un nom de guerre : Karl Utops.
La Havane a gardé longtemps, on me l'avait écrit, je n'ai pas vérifié et pour cause, dans son musée annexé aux locaux du journal, une lettre que j'avais adressée à Fidel pour le louer et l'encourager (prétencieuse fougue de la jeunesse ! J'avais dû dérider par ma naïveté les anciens compagnons de la Sierra Madre, planqués là à la propagande), à propos de son action consistant à faire planter en arrière des côtes, des arbres en haies parallèles et échelonnées en taille, en vagues immobiles et successives destinées à se courber ou même à rompre en avant-garde, afin de protéger un peu l'île, ses cultures, ses habitants, des terribles cyclone caribéens.

Entre temps, vivant  en Afrique ou ailleurs, j'avais gardé un oeil sur Cuba mais sans plus.
Puis voilà qu'au milieu (j'espère qu'on va bientôt atteindre et passer le pic) de cette crise, juste avant le confinement, ma box d'Internet, déjà que je suis dans un quartier où ça ne va pas très fort en connection, où la fibre est installée mais non branchée, aucun opérateur ne voulant prendre à sa charge le changement des fils de cuivre aériens ou de nouvelles lignes enterrées, ma propre boîte de réception, donc, se met à marquer des somnolences et des moments de faiblesse extrême. 
Diable ! C'est bien le moment . . .
Dans cette Nième vie qui s'impose, cloîtrée et virtualisée.

Mais donc voilà, c'est peut-être vrai, il semble exister un dieu ou, va savoir, un Dieu (comme dans la chanson) pour les fumeurs de havane, ou lui-même fumeur peut-être, même pour les repentis.

Car, in extremis et contre toute attente, le mec de la technique en porte à porte du fournisseur d'accès est venu chez moi bidouiller quelques fils et avec sa voix de Stantor, ses éclats de rire, ses grandes pinces et ses miniaturisés instruments capteurs, juste avant de faire jouer son droit de retrait, il a décidé qu'il fallait changer ma box et la nouvelle "box", sur son ordre, est bien arrivée, tenez-vous bien, c'est incroyable en ces temps, 
à mon point relais,
à savoir un bureau de tabac,
je n'invente rien, les faits rien que les faits, juste avant que l'agence chronopost cesse brutalement de fonctionner, ce qui m'a permis ce matin, 
avec une autorisation dûment signée par moi 
(le fameux permis dérogatoire qu'on doit remplir maintenant sur l'honneur pour avoir le droit exceptionnel de circuler hors de chez soi), d'aller la chercher, 
cette boîte magique, avec pour motif officiel de déplacement
ce truc parfaitement reconnu et admis, 

ce mot de passe ( fictif pour moi, mais qui - à part moi - va le savoir ? ) : fumer