lundi 26 février 2018

Violence, jamais armes n'ai eues

Pacifique/iste suis, jamais armes n'ai eues, ni frappé autrui.
Du moins de feu.
Cependant ai pu blesser du verbe aigu.
Armes blanches de colère. Me battre contre la guerre.
Acéré suis. Plein d'ire aussi.
Dur, acerbe, peu apitoyé. 
Horreur du larmoyant, du chapitre à clore en pleurs.

Ne cherchant ni pathos ni oiseau de malheur
ni bonheur du pardon des infâmes
horreur du condescendant, me fais plus dur que ne suis 
aurais pu écrire l'histoire d'un tueur, d'un tireur, d'un killer 
tellement de violences m'assaillirent, de révoltes, de peurs. 

Pourtant réfléchi et mesurant le risque, essayant 
protégé de bons réflexes je crois et trouillard au fond
une fois parti, pied avancé, inconsidéré, détendu et tétanisé 

pas vraiment peur d'aller à terre.
Et pourtant aussi remué qu'un autre suis au fond des entrailles
révulsé par cette charité qui broie les humbles et leur distribue le bout rance du gras.

Le pire n'est-il pas le pleutre, le traître, le roublard, l'injuste, le mielleux, le profiteur, le généreux d'offrandes volées, équarrisseur scrupuleux , le crapuleux vantard ?
Bref, ceux qui dominent la terre ?

Ecrit un jour de flocons, rage de neige.

dimanche 25 février 2018

Surdimensionné.

A une époque où l'espace se restreint, voire commence à manquer, pas seulement pour les tigres, qu'avons-nous tous à tout surdimensionner ?
Pas seulement notre ego unique et dérisoirement banal et répétitif, pas seulement nos "ouvrages d'art" lancés dans un espace qui n'est pas ici-bas infini, nos édifices brutalement posés sur des sols ravagés, nos tours érigées en insulte au vol et aux ombres des oiseaux, nos "sculptures"  plantées en fleurs d'artifice dans nos jardins géométriques et nos si stupides horreurs de rond-points, nos ornements et motifs repris et agrandis du passé à la loupe et au carreau, nos cauchemars ravalés et vomis dessinés à l'encre de chine et brodés au petit point,  nos sons gigantesques, nos rythmes lourds, nos goûts trop sucrés, nos idées reproduites, édulcorées, rabâchées . . .  
(ce n'est qu'un début . . . attendez un peu !

samedi 24 février 2018

Rébarbatif.

La Fontaine osa le rébarbaratif.
Rébarbatif est aussi le nom (déposé) du coiffeur qui se dit berbère devant lequel je passe, boulevard de la République, quand je vais au marché en plein air, en plus d'être un adjectif finalement assez peu usité et encore moins l'est-il en tant que verbe non pas rébarbaratifer, mais rebarber, comme on disait encore au XVIIe.
Rebarber, donc, c'est s'opposer barbe à barbe en joute ou en combat. Mais cela n'a rien de, on ne voit pas pourquoi ce serait, rébarbatif au sens actuel de : rasant ou barbant. Au contraire, un combat même verbal et de salon serait plutôt fait pour plaire au spectateur de théâtre, et serait ainsi sinon exaltant du moins poignant ou poilant dans une comédie opposant d'honorables barbons ou de vieilles barbes.

Le fait est que, perso, ça me rase de plus en plus de me couper moi-même ou même, assis dans un fauteuil, faire couper la barbe que j'ai de plus en plus blanche et dure au menton, compensation sans doute de lentes et sûres pertes de tifs là-haut au front déboisé, même en allant prendre des nouvelles du quartier, des vedettes et du foot (moi je suis rugby) et aussi, incidemment, du Nord de l'Afrique chez l'autoproclamé Rébarbatif, le coiffeur berbère.
Peut-être vais-je me rebarber comme j'étais, fort barbu et chevelu comme j'étais à vingt ans, partisan des barbudos, qui s'en souvient ? triomphant dans une île où seuls les dirigeants, plus forts que le grand Sam, avaient droit de l'être, pour le boucler et remonter ce temps qui nous déglingue.

Mais c'est peut-être là, plutôt et encore, au fond, au fond du barbant rébarbatif ressurgissant dans les faciès prêts à l'affrontement, au combat, une affaire de virilité, de castration, d'abélardisation, d'héloïsation ? de châtrage des mots et symboliquement des gens, ces modes d'avancée et de recul des barbes, ici et ailleurs.




















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mercredi 14 février 2018

C de Cinéma. Et Stalker alors ?

L'étrange rapport que nous avons et eûmes tous au cinéma depuis l'âge d'amours naissantes de ces rendez-vous où nous occupions le premier rang de salles d'art et d'essai (dites), collés puis entrés dans l'image, identifiés et assourdis de sons essayant de remonter le courant jusqu'aux lunes de Méliès au moins, jusqu'à ces séquences, même intergalactiques que nous pouvons maintenant lorgner d'un œil sur des petites boîtes en zappant, minuscules morceaux d’œuvres que nous verrons ou pas en entier, passés que nous sommes par ces lieux immenses où se réunissaient en masse, western géant, épopée biblique, saga, des gens, pour vivre plus fort et croquer des trucs enrobés de papier. Le cinéma est notre peau, notre sang, nos organes, nous sommes faits de gestes de héros, il a incubé en nous l'homme imaginaire dont parlaient si bien Edgar Morin et (rien à voir) les Cahiers du Cinéma au point de nous apprendre à vivre.
Maintenant, je ne sais.
Mon rapport est nettement plus distant, infidèle, voire indifférent au risque de passer, retiré des éclats brûlants, pour déjà enterré. . . . mais suis-je le seul ?
Tellement d'avalanches sont passées, détruisant, en nous et sur l'écran, la poétique, triturant dans nos arcades les racines profondes du nerf optique, massacrant en vrille, de part et d'autre du crâne de millions de gens, les capteurs délicats du labyrinthe, éclatant nos viscères éreintées, que nous sommes tous un peu anesthésiés et zombies de salles obscures.

Maintenant, au bout du rang, quant à moi, prêt à démarrer et à sortir à la première attaque de fureur insipide artificiellement pimentée, je sais que je vais très vite être au bout de mes peines.

En revanche il m'arrive d'être accro un moment au moins, porté à nouveau naïvement, aux séries (certaines).
Et puis il y a de temps en temps, là justement, glanées dans les "saisons" ou ailleurs, survenant inopinément de belles surprises, de surprenantes trouvailles nous faisant oublier ce que nous avons déjà subi de chefs d’œuvres ou de courts métrages méritoires depuis nos plus jeunes années; il suffit parfois même de personnages délicieusement poétiques et explosifs comme sut en faire éclore Bruno Dumont en 2014 avec son P'tit Quinquin.

Et Stalker alors ?
Bien, un autre jour peut-être. Non pas que le mysticime pré-tchernobylien ne me touche pas . . . . mais . . . à mes yeux, je vais me faire des ennemis parmi mes meilleurs amis, les images mouillées et ruisselantes de "l'âme russe" (me dit-on ?) ne tiennent pas le choc (toute comparaison est absurde et folle, peut-être même imbécile je sais bien) face à la beauté tragique des images immobiles - souvent aussi - d'un Michelangelo Antonioni.

mardi 13 février 2018

R de Rattrapages. Tant de choses restent à happer.

Inutile de vouloir
- - - lire ce qu'on n'a pas pu lire, ou du moins tout, tellement d'étagères, d'étages et d'ailes et de sections  de l'immense bibliothèque ne seront par nous jamais parcourus . . . 
-  -  - visiter ce qui n'a pas d'emblée attiré ou que le hasard a retiré un moment de la carte des possibles, pays, continents à peine survolés parfois, escales où il était impossible de sortir de l'aéroport, du port, de la ville en quarantaine ou assiégée . . . 
-   -   -  vouloir vivre où on a déjà vécu et où l'on retournerait bien, mais à quoi bon s"infliger une déception presque inévitable à comparer l'incomparable ?

Du moins à mon âge avancé.

Ne rien regretter serait idéal et pour ce, repartir toujours à la conquête d'autres territoires inconnus.

A vrai dire, je me suis aventuré tellement hors de mon champ que je ne saurais même pas les nommer ces territoires inconnus de moi. Et pourtant, c'est aussi, surtout, par pure frustration que je  m'y engage, parce que jamais je n'épuiserai ce que j'aurais pu être avec ce pouvoir qui me fut remis. 

O d'Oiseau. Mon frère commensal.

On dit oiseau comme Afrique sans précision.
On dit Venezuela ou Surinam, rarement Sud-Amérique/s (perso ça m'arrive de les globaliser les ayant un peu parcourues), plus rarement encore Amérique tout court pour dire Amérique du Sud. On dit fourmi ou grillon, rarement insecte.
Mais on dit souvent oiseau pour la bête quelle qu'elle soit, volante, et à plus forte raison pour le cri du bestiau. Peu de gens reconnaissent un oiseau à son chant.

C'est donc l'histoire d'un oiseau identifiable que voilà. Un oiseau des hauteurs, un chasseur de moustiques attrapés au vol. Pattes grêles, queue tremblante, pompes entre deux coups de bec, un oiseau solitaire qui ne dit rien, ne pousse pas son cri et ne chante pas encore, ce n'est pas de saison et il faut être merle d'ici, roi des espaces jardinés pour chanter déjà. Celle d'un rouge-queue à front blanc, c'est à dire un hivernant venu d'Afrique, et vraisemblablement d'Afrique du Nord ou d'un peu plus loin venu pour l'été, mais un oiseau qui malin ou blessé n'est pas reparti passer l'hiver là-bas car ici il fait doux, heureusement. Mais voilà, même ici, sur la Côte Sud, sauf quelques moucherons ou guêpes ou vermine de quinoa cultivée dans les réserves de la section bio des épiceries de quartier, il ne trouve rien à se mettre dans le bec qu'il a menu et incapable de décortiquer des graines, n'étant pas resté assez longtemps ici, de générations en progéniture pour s'épanouir en diverses formes (treize) comme ce fut le cas pour celui, d'autant de formes que d'aliments, du pinson de Darwin aux Galapagos . 

Alors, à part quelques minuscules miettes de pain fait de ma main, comme beaucoup d'autres volatiles et faute de mieux, il a découvert comme moi, lui derrière le rideau qui le cache su la terrasse, cet emmental acheté en solde et devenu un peu jaune-brun ( ah ! les gens n'y connaissent rien . . .)  parce qu'un vieux fromage comme ça (de dix-huit mois, c'est écrit dessus, c'est juste le meilleur moment de le déguster), il est passé d'insipide, voire un peu savonneux, à bien goûteux et mangeable dans son entièreté, croûte comprise. Autant de morceaux que les pies n'auront pas.

lundi 12 février 2018

D de Dystopie. Oh que je n'aime pas !

Outre le fait que cet anglicisme (formé à partir de racines grecques . . .  certes, mais utilisé d'abord par les critiques de langue anglaise avant d'être introduit en français) ne s'entend pas immédiatement, il est clair que sous la forme dystopia (en anglais) il était déjà transposé du carnet du chirurgien et eut d'abord un usage purement médical. Il était inventé et bâti pour désigner scientifiquement des anomalies anatomiques relevant de l'emplacement des organes ou appendices, visibles ou pas de l'extérieur, telles qu'un œil plus bas que l'autre ou disons-le vulgairement un corps de guingois de l'intérieur ou de l'extérieur ou, par exemple, une gueule de travers. Déjà contestable sur son propre terrain, faut-il aveuglément adopter cette dichotomie physiologique pour désigner sur le plan social l'utopie négative, la "mauvaise" utopie, celle qui décrit une déviance évidemment imaginaire et négative de nos comportements collectifs, une en quelque sorte méchante et " malutopie " . . . ?
De plus et avant tout, toute utopie, scène sociale située dans un ailleurs imaginaire qui n'a lieu nulle part vraiment, même apparemment positive, n'a-t-elle pas et avant tout pour fonction de mettre en cause l'interprétation que nous faisons, et le penchant que prend peut-être malgré nous, notre réalité vécue et historique, en faisant apparaître son "côté (apparemment) négatif", son "vice" fondamental ou les dangers de sa "déviance" ? et tout aussitôt, parfois, la beauté étonnante de ces possibles insoupçonnés ?  les chemins non explorés d'une sensibilité autre ? même "maladive" ou terriblement excentrique ? bref, inventive.
Swift ou Rabelais et tous la déferlante des auteurs de SF depuis l'épopée de Gilgamesh . . . . en passant par le merveilleux chrétien et Aristophane et aussi Asimov, font-ils de l'utopie, de l'utopie négative, de la néguentropie arrêtant imaginairement la dégradation et l'usure du temps ou créent-ils du moralisme binaire ?
Bref, est-i indispensable et éclairant de couper le monde en deux, axe du bien et du mal sur-ajouté au scénario, manichéisme du pire politique, violence critique de censeur peu éclairé, même là où il pourrait ou aurait pu, fictivement, mais il ne l'a pas fait, aller et se développer autrement ?

vendredi 9 février 2018

P de Providence. Tout un film.

Toujours jouer le hasard selon Lucrèce et Épicure contre la providence d'un dieu ou d'un Dieu à la Bossuet, c'était peut-être un peu ambitieux, mais éventuellement tenter le coup de jouer des hasards d'une programmation contre celle des petits ou grands monarques qui se prennent pour Lui, c'était ma ligne à l'époque. Et c'est ce que j'ai cru faire ce jour où, dans la capitale encore ou déjà dévastée du Congo-Kinshasa, j'ai cru bon de programmer pour un festival officiel le film d'Alain Resnais qui porte ce nom de propriété campagnarde et qui est aussi celui de la ville de Lovecraft né au 194, Angell street à Providence et qui venait à peine de sortir, déjà honni et loué par des critiques prêts à s'étriper.
C'est ainsi que j'allais déjà anticiper et déclencher cette peine qui suit inévitablement les petites audaces risquées en milieu  ultra-conventionnel.
Il y eut d'abord à restaurer l'appareil de projection de la plus grande salle de projection de la ville et donc commander, en pénurie totale sur le continent, les pièces manquantes qui se firent attendre et arrivèrent la veille du gala. Par ailleurs et durant le temps écoulé, aucun mal à convaincre les hautes autorités omnipotentes vu les prix attribués au scénario, au réalisateur, à la musique, au cameraman, au preneur de son, au perchman, etc. Beaucoup de mal en revanche à obtenir l'envoi du film, au cœur du cœur du continent, film que d'autres auraient voulu et que certains ne voulaient pas envoyer ici.
Après avoir quasi menacé de démissionner de mon poste - j'ai toujours été inflexible dans mes choix et caprices malgré ou à cause d'une éducation stricte - gain de cause. 
Salle pleine à craquer, très beau monde, et film à peine visionné au petit matin, mais que faire ? copie dans un état de son exécrable, bien difficile à améliorer malgré les réglages.
Succès de la séance mitigé comme prévisible. Le lendemain convocation de mon suzerain -l'Ambassadeur est un mini-monarque local - en d'autres temps il m'aurait, au second coup, réexpédié sur le bateau gagnant la métropole, ce qui d'ailleurs arrivera peu après par UTA ou Air France déjà, j'ai oublié, et aussi qu'on me remette en poste au grand damne des vieux crabes. Oui, j'aurais bien d'autres histoires de cette mouture à vous dire, heureusement mon travail consistait aussi à m'occuper d'autres affaires. De gens, d'échanges de l'Afrique vers nous, pâles exsangues saturés de superficialités, d’œuvres ayant le poids des drames qui les avaient suscitées ou plus directement efficaces, je crois du moins . . . car qui peut se flatter de n'avoir jamais joué, vanité des vanités, à l'envoyé (se croyant) providentiel. 

lundi 5 février 2018

T de tombolo encore. Retour et j'y reviendrai.

C'est un mot de géographe italien auquel je tiens. Tombolo, un drôle de mot. Peut-être en raison de sa parenté avec le mot tombe et tumulus, enterrement et monument. Peut-être aussi parce que l'un de ces tombolo d'ici est double. Ici l'histoire se double de la trajectoire d'un disparu que je n'ai pas connu mais dont je peux voir la trace, les centaines de toiles jamais exposées en public, numérotées, quelquefois datées, déposées dans cet atelier dominant le paysage, aux fenêtres en meurtrières horizontales, ne captant la lumière que pour la centrer sur le labeur du dessinateur coloriste, ne permettant pas de voir l'extérieur.
Peut-être enfin parce que j'aime parcourir, au ras des flots ces étendues de sable et de gravier qui seraient un peu ingrates sans leurs liens, lien entre la berge la plus ferme, sur le continent, et l'île parfois lointaine, lien entre les hommes et leurs travaux, liens avec leur histoire et leurs exploitations hasardeuses, leurs constructions risquées, consolidation des langues de sable, digues, polders, chaussées, salines, érection de monuments, phares, lieux de culte et de glorification des éléments. Et c'est un fait, j'y reviens chaque fois que je le peux. Parcourir le tombolo ou le voir d'en haut, le surplomber, ça donne déjà une idée des plans, des photos satellitaires, et avant planification, modification, intervention, du travail de l'arpenteur qui précède la triangulation du cartographe.
D'autant qu'ici, au-dessus de ce tombolo-là, j'entre dans une vie disparue, oubliée, une vie entrée, enfouie dans l'histoire déjà, celle de la France d'Outre-mer, des colonies, des souvenirs d'époques révolues où l'administrateur, à cheval ou en chaise à porteur parcourait la brousse, donnait des ordres, traçait des routes, édifiait, rendait la justice, roi imposé sur ces territoires éloignés, avant de construire après la fin des colonie, sa villa sur la colline et d'y devenir, après formation sérieuse dans les ateliers parisiens, œil dominant la plaine marine et au grès de parcours en terre intérieure, à l'approche des villages perdus, à-demi en ruines, réduits en jeux géométriques, peintre de sécheresse aiguë, de rocs, de paysages cubistes.

Géométrie brutale des hommes, torture de la terre, asservissement des peuples, tombes des conquérants, parcours dont la marque reste tracée dans le trait du peintre amateur averti et formé tardivement par-dessus les couches de sa vie au service métropolitain.

Ensablement des côtes, douceur des courbes, tempêtes naturelles, effacement des œuvres humaines.