mardi 26 octobre 2021

Nouvelles des dessous du Mas Dingue.

 Combien de fois découragé bien qu'opiniâtre, 

par tant de soucis et de labeur, intérieur et extérieur, outre le comment va le monde et les amis qui tombent un par un dans la fosse commune du temps qui malmène et tue, car j'ai ici, de murs fragilisés, de tuiles, poutres et jardin, crépis, enduits, caves, de végétaux vivaces, constructions et mécaniques, empilé les contraintes, les pannes, les dégradations exposées, 

ou les inattendus, n'ai-je pas songé à me consacrer enfin au repos tant attendu ? 

ai-je songé à me retirer en pièces suspendues ? réduites à quelques mètres suffisants,

au tout haut d'une maison haute avec vue, sur la plaine, la forêt, la ville, la montagne ou la mer ? 

face à l'horizon où les nuages sont des pendrillons et des rideaux de théâtre.

Rêve utopique et vain sans doute; de repos aurai-je à coup sûr à satiété en éternel. 

Et si c'est pour retirer ma carcasse en cellule, capsule perdue dans l'espace, l'enfermer en bulle, face à l'écran-miroir découpant le monde en merveilleux et trompeur reflet biaisé, interposé, anamorphosé, voilé de tissus de fibules retenu, peut-être n'est-il pas encore temps pour moi. 

J'ai besoin de vigueur, rageur, travailleur fatigable, de pieds reposant à plein sur la terre et sa peau plate humide ou craquelée, de mouvements d'enfoncements, de frayage, de cheminements, dos courbé, de brouettes soulevées et simples instruments, dans la jungle de buissons odorants, lauriers, arbousiers, coupée de bambous en files et nappes dressées, vapeurs au sol dissipées, sous les arbres toujours plus grands, enlacement de fins et jeunes micocouliers aux petites feuilles vert tendre, parasols géants, pins sombres, verts chênes filtrant là-haut la lumière que je bois, et parqués en conifèrescontre le vent, de vignes, d'oliviers, amandiers, cerisiers, mûriers cultivés et des fruits pourvoyeurs.

Cependant, pendant que j'accumule les efforts pour amasser et ranger, classés ou presque, ou en vrac, les outils de mes travaux interminables, du râteau à l'échelle et aussi la scie et la lime, l'étau et la pelle, collection de marteaux, tant de métiers ont le leur, meules, encore hier ai-je utilisé sans courir et perdre mon temps pour aller les quérir en lieux appropriés, en longues files d'attente (je crois qu'avec la crise tout le monde plus que jamais est en train d'apprendre à bricoler, même les plus manches et empotés-patauds comme moi) de vieux raccords récupérés d'un robinet enlevé pour les remettre à alimenter un chauffe-eau tout neuf et mal monté par un spécialiste expéditif, oublieux et paresseux, pendant ce temps, le temps court et me ronge, stature, silhouette repliée.

. . . . . .                    . . . . .

Mais ce fut dans un tunnel obscur, sous la maison, la nuit tombée déjà, où l'urgence me saisit et là je songeais tout à coup en revissant et révisant filasse et pâte d'étanchéité avec une faible lumière aussi faible que les miennes sur cet univers où se termine bientôt ma course, à quel point ces travaux forcés auxquels je m'étais moi-même condamné, me rendaient heureux en somme . . . 

de tenir en main serré, dans un monde illusoire et biseauté, quelque tuyau d'alimentation arrimé à la clé . . . et en fin de trajectoire, de m'apercevoir, examinant à loisir bien qu'en situation de presse, le mécanisme . . . que ce foutu plombier pressé avait disposé, de telle sorte qu'on ne l'aperçoive que bien difficilement et que  conséquemment il avait carrément, négligemment, au dernier moment, oublié d'ouvrir une vanne.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire