dimanche 14 novembre 2021

Vrac.

 Rien de sûr et certain mais j'ai peut-être enfin trouvé en quatre lettres, un bout, un tout simple titre, ou un morceau de . . . au moins; faudra-t-il encore chercher d'autres fragments, pierres aiguisées, racloir, pointe de flèche ou propulseur gravé, à cette autobiographie interminable, inutile ? déchargement d'un vieux navire / autres souvenirs multiples radoubés / dans cette odeur si particulière et parente des ports, goudron, rouille, humidité, sel dégradé, battements, grincements, raclements, carburants sales, drôles de désirs de partance, échapper à cette violence des ports, rencontres polyglottes, cris, tentations de renouveau, fréquentation d'aventures, ( . . . virées interlopes  . . .) marées répétées, contacts violents du sol maculé de tant de pas, huiles, luttes, raclements, reprises, grues agitées par le vent qui grince, gémit, bat, grèves, combats, blocages, contenu, palette de couleurs d'innombrables containers, chaînes qui grincent, cargaison aussi peu ordonnée qu'un tas de graines grasses de colza ou de harengs, mais qu'il serait ici même, à quai, enfin amarré, toujours possible de remettre dans un ordre alphabétique sans intérêt, ou beaucoup plus difficile, voire impossible de reclasser dans l'ordre chronologique des faits individuels ou collectifs auxquels renvoie chaque bribe d'ancienne vie jeté là avant d'être engloutie, effacée, frappes et reprises dans l'illusoire dans l'interminable urgence.

Ce titre ce serait, j'y suis presque . . . avant de passer à la trappe. Simple plaque sur le caveau , pierre, ciment brut, ou cendre perdue. 

Et bien justement c'est ce que j'ai tenté au milieu des criailleries, sirènes de départs et grincements de chaînes, au lancinant appel de machines lourdes qui reculent lentement, et tenterai encore , vainement, inutilement, sans illusion, de faire : transcrire dans l'immédiat aussi bien les resurgissements et entassement syncopés, traces à relire, décrypter, écriture sympathique au jus vert de cerise, révélée à la poudre blanche de suc de figues, éviter l'industrie, la chimie, rechercher le végétal, le fruit, sauver le jus qui fut délicieux au milieu de l'encrassement industriel, donc concomitamment dans la cale ou l'arrière cale de ma mémoire, placard abrité des machines, et y remuent encore, par effets de secousses ou de vitalité non éteinte, ou dans ce tonneau invisible, portatif et virtuel que je roule avec moi, matelot des ponts lessivés, apprenti marin maladroit, assommé par la bôme, rejeté sur les bords d'étendues maritimes, naufragé, exténué et revivant, poumons salés, un temps guetteur de haubans, tête agencée en feuillets, lamellée en carnet pour y consigner à vif, dans la pulpe et la chair, ces impressions gravées, en écriture analphabétique.

Il y a là un truc prodigieux et mégalo que j'ai rêvé un jour il y a au moins trente ans, assis et confronté à ces feuillets sur la même table de travail, déjà installée dans la même ville mais dans un autre logement, tout en haut d'un très vieil immeuble avec petite vue sur le clocher non abattu (l'autre à jamais disparu, guerres et religions) de la cathédrale Saint Castor, édifiée sur les bases souterraines du temple de Jupiter tonnant, lors d'une halte entre deux postes avant de repartir, sur un bureau laqué noir mat fabriqué à Milan, le même qu'aujourd'hui, mais aujourd'hui placé sur écran face aux oliviers, aux chênes et au murier, dans ma retraite si éloignée de tous ces longs déplacements. Cette accumulation de feuilles au format réduit derrière lesquelles je communique, aujourd'hui comme hier, qui forment un écran qui me cache et me révèle. 

. . . . / . . . . . . / . . . . .

Et voilà que maintenant, ayant vécu, je peux me consacrer à ce rêve qui n'aurait pu se réaliser avant : mettre ma vraie vie en vrac vivant, . . . . . / . . . . cosmonaute éloigné, communiquant, ne bougeant que bien peu, flottant, emporté en orbite  au loin, survolant . . . avec vous par ces machines complexes, . . .  suspendu et soumis à quelque chose comme un vieux telex (sait-on même s'il communique ?) qui continuerait à fonctionner indéfiniment, aveugle machine, battant le vide (qui le capterait encore) sur un cargo fantôme ne pouvant décharger sa cargaison d'abord fragile, tendre, pâteuse puis mobile, agile et vive, ou tendue et je ne dirai pas musculeuse mais nerveuse et forte, devenue sèche et feuilletée, que par ondes interposées, intermittentes, en vain et en vrac.



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