mercredi 15 décembre 2021

Viande.

 Le mot viande vient de loin car tout peut faire et a fait viande, des racines de certains légumes au saumon, de l'eucaristie au bouillon ou à la crème en passant par les viandes noires (gibier), blanches (lapin, poulet) aux viandes grandes (boeuf ou mouton), sans omettre aucune nourriture source de vie ou de survie. Ce n'est qu'au XVIe siècle qu'apparait  en français le sens restraint d'aujourd'hui, celui que les Catalans appellent précisément et grossièrement carnica

Les meilleures viandes que j'ai eues à croquer et sucer, je les ai eues en charcuterie ou volailles dans mon enfance, puis en Limousin  où existait un élevage exemplaire, beaucoup plus tard - à Limoges on peut encore  parcourir, étroite dans le centre, une rue dite des bouchers - et bien évidemment surtout en Argentine ou en Uruguay, où consommées avec des frites coupées et cuites de telles façon que au lieu de frire en se racornissant elles gonflent délicieusement, du moins, la première fois où j'y ai été dans les années 70 du siècle dernier, avec des jours avec et des jours sans, règlementés par décret, veda, puisqu'à cause d'une grande crise économique il fallait la réserver, cette viande quotidienne pourtant si nécessaire et en abondance pour tout travailleur gagnant son pain dans une hacienda étendue sur des kilomètres dans la Pampa, à l'exportation pour y gagner les devises, dilapidées par les gouvernants, déjà.

Feux de sarments, grils en plein vent, le sud pour moi est plein de cette odeur de bêtes grillées les jours de fête.

Disons, raisonnablement, ce n'est pas tout à fait gagné, que me voilà peut-être moins carnivore et carnassier.

Parcimonieuse et restrictive modernité. Voilà qu'elle entrerait peu à peu dans mes veines, aussi hostiles sois-je, ai-je la chance de pouvoir être, aux régimes et aux prescriptions diététiques, par chance de complexion.

Quand je relisais récemment l'histoire de Robinson Crusoé dans toute son extension, avec son lot d'aventures extérieures au récit le plus connu, ce que je n'avais jamais fait que par bribes jusque là, c'est ce comportement du marin anglais perdu sur son île oubliée, bel échantillon de cette humanité conquérante qui a fait la richesse destructive de l'Occident, méprisant et châtiant durement les sauvages attachés au cannibalisme, 

et pour son compte ne considérant l'animal, même domestiqué, même apprivoisé, que comme outil ou viande à extraire et exploiter en disposant à volonté de cette réserve inépuisable où il est livré à l'humanité.

Comment ne pas faire le lien entre boucherie et massacre, élevage et camps d'extermination, plaisir à mordre dans la viande juteuse et cannibalisme, éducation des hommes à la cruauté et à la jouissance indifférente aux souffrances du vivant, guerre contre notre ou les espèces et abattoir, entraînement de la conscience au non respect de la vie ?

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