. . . . constamment, affluent, le matin surtout, des souvenirs anciens, brins d'herbe desséchés ou encore verts quoique venus de loin.
Ainsi, pourquoi revois-je clairement maintenant en songe ce matin d'aujourd'hui, me racontant cela, au sortir du sommeil, et m'en souvenant en toute clarté alors que j l'avais totalement oubliée, cette scène ? mon cousin malin et observateur qui était dans la même classe que moi et qui du fait de sa position avait une bien meilleure vue de l'ensemble alors que personnellement je lui tournai le dos à cette perspective, dans cette classe qui se terminait par l'entrée en sixième au Lycée (dit "classique") ou faute de mieux, au Collège (dit "moderne"), distinction terriblement élitiste ! pour certains élus de la prétendue méritocratie sélective et hiérarchisante, après un examen ressemblant déjà à un mini primo-concours de recrutement dans cette époque lointaine mais pas tellement, celle aussi où parallèlement ( pas d'échelle sociale sans violence) le maître nous convoquait sur l'estrade pour nous gratifier d'une gifle géante, assourdissante et déstabilisante, au point d'en faire tomber par terre ou contre le tuyau brûlant du poêle, les petiots que nous étions, parfois audacieusement insupportables et dignes des pires châtiments d'ailleurs conestés par les parents mais tout à fait acceptés par nous autres, rejetons adhérant au système, . . . me raconter ce qui se passait de totalement crapuleux, malgré cette sévérité implacable et affichée en acte, dans les coulisses de la classe, processus que j'avais pour ma part en partie oublié.
Car les bons élèves étaient au premier rang, évidemment
pour qu'ils profitent au maximum des leçons et exercices, récitations, calcul, dictée, commentaire de compréhension du texte ou grammatical, etc . . .
Au fond de la classe une tradition assez laxiste avait laissé s'installer les cancres ou réputés tels, souvent je l'ai noté dans la vie réelle et courante qui a suivi, les plus astucieux et adaptés aux situations pénibles ou contraignantes, qui de toutes façons n'auraient guère profité des cours dont ils saisissaient peu l'intérêt et avaient ainsi, au moins, un peu de liberté pour moins s'ennuyer, bavarder, rire sous cape, déclencher parfois de grosses blagues, tout au fond de cette salle, sur les bancs et devant les tables les plus artistiquement ornés de graffiti à l'encre violette et sculptés à la pointe du compas nécessaire à la géométrie élémentaire ou même au couteau de poche spécialement recommandé parmi les plus émancipés d'une instruction il est vrai assez primaire dans le sens péjoratif.
Dans cette configuration spatiale hautement différenciée du terrain scolaire, bons, mauvais, moyens situés dans la masse intermédiaire, au milieu peu vivant de la pièce, circulaient les nouvelles.
Blagues écrites maladroitement ou dessins à la plume sur tout petit papier plié plusieurs fois arrivant du fond et . . . dans l'autre sens, énoncés et conçus en première ligne du front et parcourant les rangs séparés par une allée de circulation au milieu, jusqu'à la place la plus éloignée du maître, la ou parfois les solutions du problème où circulaient des trains roulant à diverses vitesses et parfois divers sens, ou aussi, plus immobiles en apparence, des bassins d'eau qui se remplissaient ou se vidaient par fractions insupportables (beaucoup trop complexes pour être vraisemblables) avec une toujours introuvable mais calculable précision mathématique.
Cerise sur le gateau mon cousin m'avouait que lui au fond attendait avec impatience pour voir de quel côté de l'allée du milieu de la classe, la solution arriverait le plus vite, de la gauche ou dd la droite, élaborée par les condamnés au banc de première ligne, souvent des fils d'enseignants dont j'étais à gauche) privilège non de caste mais de corporation et transmission inégalitaire, quant à lui, gentil soutien de la tribu, il était fier quand la réponse arrivait du côté gauche de la classe où je siégeais en roitelet.
Pépite dans le noyau [parenthèse : vous savez ce qu'il y a dans le noyau de cerise qu'il vaut mieux ne pas croquer ? . . . si vous cherchez vous verrez que ça rend ma comparaison, ma métaphore boiteuse ou inappropriée, à moins que là ne soit déjà le poison du népotisme républicain] c'est là que tout se joue, beaucoup plus tard, pour moi . . . c'est grâce au frère de ce rival du primaire, lui aussi habile calculateur et devenu en tant que VSN (volontaire du service national dispensé de service militaire par une mise à disposition de ses talents pour une mission lointaine) devenu ingénieur nucléaire au Brésil, que j'ai pu faire rentrer mes affaires importées à Rio par erreur et par méconnaissance de la part des instances maître d'oeuvres et supposées tenues au courant des nouvelles directives de coopération locales . . . Le rapport ? aucun ! le hasard, le hasard je vous dis.
* [ ici le lecteur lisant au hasard sans suivre le cours de cette histoire absolument invraisemblable et décousue mais vraie, devra se reporter à un autre chapitre antérieur / cependant le lecteur le plus agile, non déconcerté par ces détours, aura déjà saisi le fonctionnement du truc en tant que récit . . . tout à fait fondé en réalité, donc, en arrière plan et support, l'immense machinerie du monde lui-même faite de ces "coïncidences", rencontres, hasards].
De fait, c'est là, loin de l'école primaire, à Rio, que j'ai pris goût aux arcanes, aux détours, et aux étranges affaires du ministère du même nom, un vrai résumé du miroir du monde et de son absurde fonctionnement que certains voudraient voir et expliquer comme s'il était rationnel.
Rocambolesques erreurs, savantes tactiques et stratégies fondées sur des renseignements dépassés, lenteur des réactions, ambiance totalement "décalée" rendant parfaitement compte de l'univers qui est le notre, croyant coller au réel et toujours à côté, en porte à faux de nos désirs et croyances.