dimanche 16 novembre 2025

Quitter Nîmes.

 Le faudra-t-il ? Impossible après toutes ces années de vie intermittente et de retour sur ma base arrière, tous ces liens, ces amitiés et épisodes quotidiens, ces logements, cet accueil (seule ville qui avait pris en compte mon projet de coopération culturelle Arc en Sud et qui aurait pu le faire vivre si je n'étais à l'époque reparti en poste lointain).

Sans doute, pourtant, quel que soit l'amour que j'ai pu contracter pour cette ville d'adoption, moi amoureux des villes rouges bâties de briques, Toulouse et Albi. Séduit que j'étais par la simplissime (en apparence) beauté crayeuse de ses monuments de blocs de calcaire tirés des carrières avoisinantes et de ses formes premières ! cercle des arènes, carré de la maison, verticalité de la tour dite magne (car bien sûr tout cela est faux, le cercle est elliptique, le carré n'est pas érigé en cube mais en parallélépipède rectangulaire au toit à double pente, la tour est tellement bâti sur bâti, dressée mais archaïquement dépenaillée au point de ne plus rien avoir de ses anciennes formes géométriques, heptagonale à la base et octogonale sur le pourtour du haut. Personnalité puissante qui n'a rien d'écrasant ouverte comme un forum entre plaine et colline. 



Quant à la fontaine sacrée elle a le grand tort pour ce qui est de mes besoins, alors qu'elle est avec son jardin noble et serein l'un des premiers et encore un des plus beaux jardins publics que je connaisse, d'être trop éloignée de la mer bien que les Etats Généraux du Languedoc aient prévu en 1696, projet largement oublié, d'y remédier en rendant, des remparts de Nîmes à Sète, ininterrompu et hautement utile, le Vistre navigable.


jeudi 13 novembre 2025

Quatre-mille livres.

Des quatre mille livres que j'aurai (réellement, sans doute, approximativement mais ce n'est qu'une évaluation probable) pu lire dans ma vie et des Cinq mille (et c'est sans doute un chiffre insuffisant) si j'y ajoute ce que j'ai pu feuilleter par curiosité, nécessité de travail ou / et recherche rapide, souvent fiévreuse (en dilettante boulimique), je n'en ai conservé actuellement guère plus de sept ou huit cents, dont une partie fluctuante selon mes trouvailles alimentées de-ci de-là, au grès d'une curiosité incessante, boîtes à livres, occasions, achat de neufs, et au fil mes dons à droite et à gauche, connaissances, amis, bibliothèques publiques 

(je me souviens par exemple d'une bibliothèque catalane remarquablement riche dont j'avais très modestement contribué, par quelques ouvrages complémentaires anciens trouvés par hasard, à enrichir le fonds après avoir cherché dans ses réserves à tout savoir sur les oliviers de la région et leur production d'olives et d'huile, en fonction des traditions et des recherches récentes en agronomie, afin de ne pas raconter d'âneries dans un chapitre où je racontais la mort probable, victime d'un attentat sous un olivier millénaire, de Dio Darko Brač

boîtes à livres géographiquement distantes (dont l'importance est pour moi, vénérateur du dieu des voyageurs et du hasard, d'une importance cruciale et nouvelle dans l'orientation parfois zigzagante de mes recherches).

La question est : lesquels emporter si, comme j'en ai l'intention fluctuante (arriverai-je à prendre cette décision ?) je me replie du Mas Dingue vers un appartement à taille relativement réduite dans lequel prendront place non seulement un choix drastique et crève cœur de toutes sortes de souvenirs, de vêtements, de tissus traditionnels, d'ustensiles, d'outils, de tableaux et d'objets pour la plupart, ces derniers, très anciens, collections archéologiques ou parfois préhistoriques ou au moins artefacts "primitifs". Et bien sûr bribes d'archives concernant mes ancêtres ou mes familiers vivants ou disparus.

Lors de mon occupation de postes lointains pour lesquels j'avais la faveur de pouvoir déménager quelques effets personnels dans un vrai container, mais avec l'obligation d'emporter d'énormes objets utiles tels machines et électroménagers introuvables dans certains pays auxquels j'étais voué, interdisant, sauf exceptionnellement à l'occasion précisément de ce premier transport d'arrivée, l'importation de tout autre article pour nous expatriés officiels, je m'étais limité arbitrairement à cent livres. 

Cent livres précieux que j'ai tous rangés en bibliothèques, en vitrines et étagères à portée de la main, sauf perte occasionnelle de deux ou trois.

Après toutes ces années de garrigue, de végétation séchée, de pierraille et de belle surface où j'ai retrouvé le goût d'être chez moi dans un espace grand, bien suffisant, dans des murs et des meubles non loués, j'ai donc accumulé et étalé jusque dans la cave et les couloirs, sans parler du grenier, enfermés parfois, jusqu'à il y a peu, dans des cantines métalliques, mes trésors. 

Lesquels vont m'accompagner, lesquels vont devoir être sacrifiés ?

Collectionneur et accumulateur, je vis enfoncé dans la terre et l'humus du passé.

Et je ne comprends pas qu'on puisse être attentif au surgissement toujours inattendu du présent sans ces bases, sans daigner les connaître, aussi éloigné en soit-on, par son âge juvénile et aussi imprévisible en ne faisant que des projections, ce présent d'autant plus surprenant que parfois il se révèle pur produit d'un passé oblitéré, oublié, dénié.


Que vous dire aujourd'hui ?

 Que j'ai enfin réussi à coller mon code envoyé par SMS (ça veut dire, mine de rien, message écrit sur téléphone portable et ça semble déjà invraisemblable pour un type comme moi, sortant à peine de la préhistoire du siècle précédent) sur un questionnaire, une vérification d'identité ou un truc machin d'inscription à n'importe quoi, sans pour autant (parce que je me croyais obligé de consulter séparément mes derniers messages et ensuite je ne pouvais évidemment et rapidement revenir sur la page où je devais reporter le code envoyé par écrit sur téléphone que sous sa forme réinitialisée pour l'occasion, et revenue aux questions préalables sur mon identité, mon âge, mon genre ((facultatif)), etc . . . et donc devais tout recommencer sans fin . . . à moins d'user de deux instruments, un portable et un ordi ou une tablette mais ça compliquait un peu, vous avouerez.

Et donc, en fin de compte, ce n'est pas la fin de l'histoire, après avoir scanné le truc ouvert sur mon portable à la caisse, opération amusante, simple et facile j'ai gagné sur ma note de yaourts bio achetés pour en refaire chez moi de meilleurs, de bananes du Costa Rica et plein d'autre truc dont le réconfortant par ces temps, Costière de Nîmes, 0,97 centimes ce qui n'est pas rien.

Je sais, vous allez me dire qu'avec mon esprit cartésien au carré et déformé au cube par de longues études littéraires et autres, superbement théoriques et spéculatives, j'ai fini par tout compliquer et rendre ma vie quotidienne impraticable. Ben non, rassurez-vous, à force de patience et même d'obstination de maladroit incapable d'utiliser les pouces pour taper sur un clavier, au seul doigté de mes index tendus j'ai réussi, oui, quelle victoire ! aujourd'hui pour charger le système de LIDEL des foules + (pas de pub, juste un fait concret) qui m'a permis ce gain, à comprendre qu'il fallait taper direct sur la petite languette me signalant en haut de l'écran l'arrivée du message et là, ignorant sans ambage la remarque de Gros Ventre Gros Yeux, qui intempestif alors que j'étais au bord du triomphe, me demandait si le site et donc le message étaient sérieux ou s'il s'agissait d'un spam . . . j'ai cliqué sur le petit rectangle fléché, inspiration subite, qui permet d'agrandir et de voir le message et donc de découvrir le code sans faire disparaître la case où je dois le copier.

Je crois, ceci dit, qu'ils vont nous rendre transparents comme des méduses avec ce magnifique instrument qui est en train de prendre la place de nos cellules une par une et qu'ils appellent Net qui tous les jours remplace déjà nos moelles et nos nerfs après les avoir mis en boule sans pour autant les parcourir de courants zygomatiques.

mercredi 12 novembre 2025

Dextérité.

Voilà un mot qui personnellement ne me convient guère.

Magagne comme je suis, vous le savez. Droitier maladroit me conviendrait mieux sauf, bizarrement quand il s'agir d'attraper une balle et qu'alors tous mes instincts animaux (mes esprits aussi) se concentrent sur un but qu'il ne s'agit pas de rater, ou encore mieux un objet que j'ai moi-même fait tomber. Un jour dans un grand magasin de vente d'appareils électroménagers, essayant de comprendre comment fonctionnait une de ces machines à café d'antan, avant que je me précipite comme tout un chacun sur celle de Monsieur Clooney, ayant fait tomber de son réceptacle je ne sais quel élément soutenant le filtre qui vraisemblablement aurait dû être mieux fixé à l'ensemble de la structure, je l'ai frappé de ma main ouverte, de ma paume, ou de mes doigts mal orientés, au moins six ou sept fois, incapable de l'attraper, de le saisir vraiment à chaque fois, sauf la dernière et évitant ainsi, après ce jeu de frappes et rebonds qu'il aille au sol. Donc les réflexes fonctionnent mais pas forcément avec de petits projectiles, faute d'entrainement ? où se niche la dextérité.

C'est pourquoi j'admire celle du très fameux et habile dessinateur gaucher qu'est ELRIC.

Un trait d'une sûreté et d'une vélocité hallucinantes. L'œil, le doigt, l'entraînement, ça donne une certaine grâce.

C'est comme sa voix, posée claire, experte en clarté dans les explications simples et directes qu'il donne de son travail. Il aurait pu être journaliste ou comédien à une époque où ceux-ci savaient articuler et ne pas forcer inutilement leurs voix excitées et essoufflées ou inaudibles et chuchotées.

jeudi 6 novembre 2025

Lune du Castor éblouissante.

On me raconte que c'est une affaire inventée par les Amérindiens.

C'est vrai qu'au Nord d'un certain parallèle avant qu'ils en soient dépossédés, les peuples de ces immensités glacées étaient de sacrés observateurs de leur territoire, territoire où les castors pouvaient tout à loisir mais aussi en urgence et en travaux forcenés avant l'hiver, construire leurs demeures aquatiques à double ou triple entrée, devenues en cette période chantiers éclairés de jour comme de nuit.

Ici, par dessus le toit, je l'observe très haut, aveuglé, cette lune énorme projecteur scénique, phare et non plus balise, ni poétique, ni rengaine mystique, pâle et rebattue hostie;

demain matin elle sera surprise en train de plonger par dessus la colline, ouvrant aux étourneaux, roulant en nuage bruissant et rapide, les portes de l'hiver.


Tours d'étourneaux .

 Ce n'est ni un ballet, ni un rituel, ni une quelconque mise en scène aérienne, c'est une très habile et concentrée manœuvre collective pour écarter tout danger, épervier ou autre, pour renforcer la solidarité et la discipline en vol, et pour chercher méthodiquement le meilleur point d'attaque d'un champ récemment ensemencé où un lieu assez confortable et spacieux pour abriter, si possible loin des courants d'air, un campement pour la nuit. Il n'en reste pas moins que c'est assez beau et extraordinaire, au point d'ailleurs que leur implantation totalement artificielle en Amérique où ils n'existaient pas semble avoir été réalisée par un riche passionné de Shakespeare.en 1890 prétendant selon la légende ou la plaisanterie sophistiquée introduire à New York les oiseaux de son théâtre.

A moins qu'en examinant les choses sous un autre angle on ne puisse parler à contre pied qu'en poème noir ou négatif.

Car enfin ces riches désœuvrés qui ont joué avec les espèces et leur implantation avaient peut-être avant tout le souci d'introduire en Asie et Australie aussi bien qu'en Amérique, un oiseau commettant des ravages sur les insectes prédateurs des cultures 

qui finalement, fil à retorde de l'expérimentateur intéressé s'est révélé terrible prédateur des cultures . . . et accessoirement envahisseur saccageur de villes par la multitude de ses excréments