jeudi 19 mars 2020

H de Havane.

Projeté à plusieurs reprises, je n'ai jamais fait le voyage à la Havane.
Pourtant, maintenant, c'était facile d'y aller, du moins il y a encore quelques jours. Mais justement, je n'avais plus envie.

La Havane que j'ai rêvée, que je n'ai pas connue, c'était celle de Fidel.
Celui qui échangeait par la valise diplomatique avec l'inénarrable, rond, brillant et si adaptable Edgard Faure qui fut tant de fois mnistre, des cigares contre des camemberts. Oui oui, . . . confirmé par Alejo Carpentier qui nous l'avait raconté un soir. Et cet échange de signaux d'amitié, d'odeurs, de fumée et de fumet en bouche, assez clandestin, effectué par voie officielle, a duré longtemps. La gloire de Fidel aussi, dans certains milieux, pas tous de gauche extrême, a duré aussi, longtemps.

Perso, avant d'être un fumeur de Havane repenti depuis longtemps, j'ai longtemps lu les discours fleuves de Fidel 
- que n'ai-je gardé les numéros devenus historiques de Granma, organo oficial del comite central del partido comunista de Cuba ? -
 que je recevais régulièrement à l'époque où j'écrivais un peu dans un quotidien socialiste (des critiques d'expositions plutôt que de la politique politicienne) et surtout des uchronies publiées dans un petit canard communiste (union de la gauche sacrée !), bien qu'inscrit nulle part, à aucun parti, de courtes nouvelles anhistoriques que je signais d'un nom de guerre : Karl Utops.
La Havane a gardé longtemps, on me l'avait écrit, je n'ai pas vérifié et pour cause, dans son musée annexé aux locaux du journal, une lettre que j'avais adressée à Fidel pour le louer et l'encourager (prétencieuse fougue de la jeunesse ! J'avais dû dérider par ma naïveté les anciens compagnons de la Sierra Madre, planqués là à la propagande), à propos de son action consistant à faire planter en arrière des côtes, des arbres en haies parallèles et échelonnées en taille, en vagues immobiles et successives destinées à se courber ou même à rompre en avant-garde, afin de protéger un peu l'île, ses cultures, ses habitants, des terribles cyclone caribéens.

Entre temps, vivant  en Afrique ou ailleurs, j'avais gardé un oeil sur Cuba mais sans plus.
Puis voilà qu'au milieu (j'espère qu'on va bientôt atteindre et passer le pic) de cette crise, juste avant le confinement, ma box d'Internet, déjà que je suis dans un quartier où ça ne va pas très fort en connection, où la fibre est installée mais non branchée, aucun opérateur ne voulant prendre à sa charge le changement des fils de cuivre aériens ou de nouvelles lignes enterrées, ma propre boîte de réception, donc, se met à marquer des somnolences et des moments de faiblesse extrême. 
Diable ! C'est bien le moment . . .
Dans cette Nième vie qui s'impose, cloîtrée et virtualisée.

Mais donc voilà, c'est peut-être vrai, il semble exister un dieu ou, va savoir, un Dieu (comme dans la chanson) pour les fumeurs de havane, ou lui-même fumeur peut-être, même pour les repentis.

Car, in extremis et contre toute attente, le mec de la technique en porte à porte du fournisseur d'accès est venu chez moi bidouiller quelques fils et avec sa voix de Stantor, ses éclats de rire, ses grandes pinces et ses miniaturisés instruments capteurs, juste avant de faire jouer son droit de retrait, il a décidé qu'il fallait changer ma box et la nouvelle "box", sur son ordre, est bien arrivée, tenez-vous bien, c'est incroyable en ces temps, 
à mon point relais,
à savoir un bureau de tabac,
je n'invente rien, les faits rien que les faits, juste avant que l'agence chronopost cesse brutalement de fonctionner, ce qui m'a permis ce matin, 
avec une autorisation dûment signée par moi 
(le fameux permis dérogatoire qu'on doit remplir maintenant sur l'honneur pour avoir le droit exceptionnel de circuler hors de chez soi), d'aller la chercher, 
cette boîte magique, avec pour motif officiel de déplacement
ce truc parfaitement reconnu et admis, 

ce mot de passe ( fictif pour moi, mais qui - à part moi - va le savoir ? ) : fumer

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