samedi 20 juillet 2024

Cri du tigre (le).


Mon voisin quant à lui, l'hommes des Ardillas (entendez, celui des écureuils, s'il vous est arrivé de déjà le rencontrer en lisant un petit bout de son histoire ici même, une histoire qu'il m'a racontée sur la plage entre deux bains) un parfait conteur que je retrouve - comme j'y retrouve Gonzalo le maître baigneur ou mieux salva vidas qui vient chaque année de son extrême sud en Patagonie, surveiller sur cette calanque catalane son trop-plein de touristes baigneurs arrivés des quatre coins de l'Europe - m'a intronisé au cri de tigre.

Car il se trouve que l'homme aux ardillas, conteur et nageur émérite malgré ses maux et handicaps, les opérations qu'il a subies, les soucis multiples, son âge très avancé, etc . . . . a gardé son visage souriant, son humeur communicative ( hasard : son âge de plomb, le même que le mien ) . . .  passe quelques congés avec ses fils, en voisin, dans l'immeuble juste à côté, de telle sorte que de temps à autre, outre les rencontres à la plage, voisins de parasols,  nous pouvons aussi nous saluer joyeusement, joyeux d'être encore en vie, noirs déjà de tant d'ensoleillement, aptes à nouveau pour le bain matinal avant l'arrivée des hordes nordiques et blanchâtres, d'un balcon à l'autre. . . .

. . . . Or cet homme là, l'homme qui dans son enfance fut contraint de capturer des écureuils et de les relâcher plus loin pour sauver la forêt par l'entremise de ces petits, si agités et si agiles thésauriseurs de pignes et noisettes,  jardiniers malgré eux, sur ordre de son visionnaire et précurseur écologiste directeur de collège, 

cet homme à la vie longue et variée,

cet homme-là, a un chat qui suit les itinérances de la famille, un gros chat roux de dix-neuf ans sonnés, aux canines rongées, autant dire un vieillard au bout du rouleau pour son espèce féline.

Or il se trouve que cet antique gros matou chasseur de gros gibier

vient d'échapper, malgré ses rages, grâce à un maître patient, accommodant, pour raison supérieure de santé et de survie, à un détartrage et replâtrage de ses ratounes aigues et déchiquetées, supposé calmer ses douleurs et envisagé par un trop vétilleux vétérinaire, 

pousse c'est vrai de vrais cris de tigre. Foi d'animal, j' ai pu de mes oreilles les ouïr.

Il émet, mi bébé hurleur, mi vieux monstre puissant, 

pour qu'on lui ouvre la porte le matin, 

pour qu'on le laisse aussitôt rentrer, 

quand il a faim,

quand il est triste parce que la famille qui le mignote n'est pas au complet et que quelques genoux lui manquent 

et même quand il y a trop de bruit et qu'il veut dormir, 

ce cri roque inquiétant depuis qu'une opération du crâne lui a changé la voix, 

assure son maître.

Pour ne pas être en reste, moi qui n'ai jamais eu, nomade moi-même que les chats des voisins, je lui raconte le peu que je crois savoir ou avoir compris (rien en fait) des tigres de Borges qui apparaissent, ombres dans la nuit ou dans les miroirs, au coin de ses vers, de ses contes et aux détours inattendus de quelques livres.

L'homme aux ardillas me dit alors :

-   Rien d'étonnant, les chats et les tigres n'ont rien d'humain ou de raisonnable, ils sont imprévisibles et incompréhensibles.

Et je dois dire en aparté que je suis bien d'accord. 

Qui ne sait que depuis toujours tigres et chats sont au rang des dieux que nous vénérons (exégètes des textes obscurs ou aveuglants, critiques et photographes compris), répétant leur culte, l'incomprehensible. 

Or je n'ai jamais vu sur le Net, depuis le début de mes vaines recherches, faute de mieux et faute d'explications à ce qui échappe aux détours infinis du labyrinthe, au temps, à l'ordre de la Bibliothèque, autant de photos crues perdues et retrouvées 

de ces vrais chats saisissables en images vieillies, de Bippo et d'Audin, derniers chats d'un culte voué à Borges, leur maître.


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