mardi 23 décembre 2025

Pays où jamais il ne pleut (Au).

Sauf en hivernage.

Quand on m'a nommé au Sénégal, je me souviens, c'était assez agréable et facile. Ce ciel toujours bleu, ces gens souvent grands, élancés, souvent beaux et souriants, longs boubous, turbans sur la tête pour les femmes,  bras levés pour tenir une charge, enfant dans le dos endormi, qui parlaient un français un peu haché mais remarquable jusque dans les couches sociales les moins favorisées mais qui avaient été partiellement scolarisées du temps de Senghor le poète grammairien. Et ils adoraient plaisanter sur leur négritude à partir d'un certain niveau de formation, et s'amusaient même à nous traiter en peuple inférieur qui ne savait pas vivre autrement qu'avec des soucis ridiculement mesquins.

Et donc cet océan poissonneux, baignable toute l'année, avec des plages immenses proches et désertes, un approvisionnement des marchés en produits de toutes sortes, aux senteurs appétissantes présentés  par des vendeuse et vendeurs parés en couleurs éclatantes en tissus noblement noués et portés.

Seul le dit "hivernage", terme militaire conservé avec une certaine ironie et désignant la saison des pluies, le cœur de l'été, où les pluies diluviennes faisaient tout à coup apparaître, la saleté, la boue, le manque d'hygiène, la pauvreté, les odeurs fétides des égouts ou de leur absence, les feuilles des baobabs et les cèpes géants poussant dessous. Les gamins réclamaient quatre sous après avoir poussé les voitures enlisées jusqu'en centre ville; c'est alors que l'ossature d'un pays pauvre voué aux cultures industrielles et  aux migrations des pays voisins encore plus déshérités apparaissaient. Le décalage avec l'Europe était si flagrant, dés qu'on sortait par quelque piste autour de Dakar qu'on pouvait facilement imaginer déjà les flots de pirogues transportant vers l'eldorado les assoiffés de liberté et d'égalité, faute de vraie fraternité.

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