vendredi 9 février 2018

P de Providence. Tout un film.

Toujours jouer le hasard selon Lucrèce et Épicure contre la providence d'un dieu ou d'un Dieu à la Bossuet, c'était peut-être un peu ambitieux, mais éventuellement tenter le coup de jouer des hasards d'une programmation contre celle des petits ou grands monarques qui se prennent pour Lui, c'était ma ligne à l'époque. Et c'est ce que j'ai cru faire ce jour où, dans la capitale encore ou déjà dévastée du Congo-Kinshasa, j'ai cru bon de programmer pour un festival officiel le film d'Alain Resnais qui porte ce nom de propriété campagnarde et qui est aussi celui de la ville de Lovecraft né au 194, Angell street à Providence et qui venait à peine de sortir, déjà honni et loué par des critiques prêts à s'étriper.
C'est ainsi que j'allais déjà anticiper et déclencher cette peine qui suit inévitablement les petites audaces risquées en milieu  ultra-conventionnel.
Il y eut d'abord à restaurer l'appareil de projection de la plus grande salle de projection de la ville et donc commander, en pénurie totale sur le continent, les pièces manquantes qui se firent attendre et arrivèrent la veille du gala. Par ailleurs et durant le temps écoulé, aucun mal à convaincre les hautes autorités omnipotentes vu les prix attribués au scénario, au réalisateur, à la musique, au cameraman, au preneur de son, au perchman, etc. Beaucoup de mal en revanche à obtenir l'envoi du film, au cœur du cœur du continent, film que d'autres auraient voulu et que certains ne voulaient pas envoyer ici.
Après avoir quasi menacé de démissionner de mon poste - j'ai toujours été inflexible dans mes choix et caprices malgré ou à cause d'une éducation stricte - gain de cause. 
Salle pleine à craquer, très beau monde, et film à peine visionné au petit matin, mais que faire ? copie dans un état de son exécrable, bien difficile à améliorer malgré les réglages.
Succès de la séance mitigé comme prévisible. Le lendemain convocation de mon suzerain -l'Ambassadeur est un mini-monarque local - en d'autres temps il m'aurait, au second coup, réexpédié sur le bateau gagnant la métropole, ce qui d'ailleurs arrivera peu après par UTA ou Air France déjà, j'ai oublié, et aussi qu'on me remette en poste au grand damne des vieux crabes. Oui, j'aurais bien d'autres histoires de cette mouture à vous dire, heureusement mon travail consistait aussi à m'occuper d'autres affaires. De gens, d'échanges de l'Afrique vers nous, pâles exsangues saturés de superficialités, d’œuvres ayant le poids des drames qui les avaient suscitées ou plus directement efficaces, je crois du moins . . . car qui peut se flatter de n'avoir jamais joué, vanité des vanités, à l'envoyé (se croyant) providentiel. 

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