mercredi 31 mai 2023

S de Stations du plan B (balnéaires et balladuriennes).

 Ni plages (c'était le Plan A . . . mais peut-être avec, plus modestement et confidentiellement un coin inconnu d'Equateur, j'aimais bien l'Equateur, ce pays où on passait si vite de la côte Pacifique aux Andes . . . avant qu'il soit dévoré et pourri par la drogue) immenses du Brésil, sable blanc à l'infini, ni îlots de rêve des Maldives, ni rocs sous cocotiers des Seychelles, ni criques et caps des Caraïbes ou plus spécialement de Jamaïque, . . .  lieux au ciel d'azur instable, vaporeux et brûlant, chargé d'humidité, aux mers violines d'orages déchainés, aux végétations exsudant, exubérantes, la virginité de la jungle jouxtée à l'océan.

Auto-privés d'avions, ponts de transbordements et passerelles, nous ne sauterons plus vers le bleu des chaleurs tropicales de notre sphère remplie d'escales encore, il y a peu, vibrantes pour nous, voyageurs impénitents, hier à portée, aujourd'hui lointaines destinées inaccessibles faute de patience, faute de supporter maintenant d'attendre dressés sur nos corps usés des heures debout, de voyager serré en sardines, nuages de sauterelles, nous qui avons connu une époque d'avions presque vides parfois, impossible de vouloir et pouvoir accepter les contrôles interminables jusqu'aux fin fond de nos slips et de nos entrailles et ces immanquables reports de départ, décollage jamais imminent, et de fait devenus écolos par force, par renoncement, ces gaspillages de kérozènes là-haut dans nos couches protectrices d'atmosphère, . . . 

. . . projet d'avenirs sans report de peine, alors nous roulerons tranquilles en petite voiture électrique vers les plages à marmaille, familiales et bondées, si connues de nous, si proches de nous, si peu exotiques pour nous ! mais qui nous plaindra ? privilégiés, nomenclatura de la République, nous avons connu l'avantage des grands départs, des tout quitter, des sentiments de nous refaire ailleurs avec cette impression à chaque fois d'avoir le cadeau, l'exaltation de repartir, de renaître, 

nous voilà ramenés volontairement à cet espace, qui n'est plus celui de Courbet, Bonjour Monsieur, frange ici tout du long à peine coupée de petits accidents (fini aussi la Costa Brava si mouvementée en criques et caps) ici seulement à nous mette sous la dent la si petite "montagne-baleine" de Sète, le mini rocher noir d'Agde ville de l'éphèbe sur un volcan,  la courte falaise de Leucate, grecque presqu'île d'aventuriers . . . qui fut, côte partout plate à en pleurer jusqu'aux retombées des Pyrénées (du moins pour qui aime les reliefs, les plis et replis et rondeurs et mamelons de la terre), chapelet des monotones cités balnéaires de notre  Languedoc.



C'est donc ça aujourd'hui, ici, proches de nous, pas une pour sauver l'autre, presque, de ces stations balnéaires tardivement rejointes.

Ici débute notre choix du Plan B. Confort, familiarité des lieux, proximité des amis et gens connus, facilité, bains et bâton de vieillesse.

Il va falloir encaisser ça, sauf à aller revoir les Albères de la belle promenade d'Argelès ou a fréquenter le marché aux poissons et fruits de mer de Sète et ses canaux si peu vénitiens, ou nous contenter des pistes cyclables, au front de mer spacieux, aéré, parfois gazonné et encore planté de pins, du Grau du Roi.

Sinon . . . c'est . . .

. . . concours de remplissage de l'horizon déjà pas mal bouché en front de mer. Peu d'arbres, palmiers secs menacés de parasites, bande étroite peu végétalisée, jaunie, bordée de bistrots, mini-golfs et jeux aquatiques, parkings, voitures étalées en horizon de parkings, baraques de restaurants installés sur la bande littorale, à même le sable et  la zone inaliénable du domaine maritime. J'en ai même vu une de ces plages, championne toutes catégories, configurée sans front de mer, dont l'avenue principale (portant encore le nom des spéculateurs qui ayant acheté au temps où ça ne valait rien d'immenses étendues, les ont loties et revendues), passe derrière villas et buildings, agrémentée et justifiée d'un port de plaisance, certes, mais bouché par de géants immeubles, fortifications démesurées qui en interdiraient presque l'accès, au par ailleurs très long, interminable, décourageant, sans arbres, sans terrasses accueillantes, canal de sortie des bateaux, rigole aux bords carrossables et piétons si impraticables qu'à les parcourir on pouvait se demander si on n'aurait pas mieux fait, au lieu de vouloir accéder aux mythiques flots bleus, de continuer à siroter une bière à l'ombre de pins dont les racines gondolent le sol recouvert de briques, bien en arrière, bien à l'abri de la mer et loin de sa vue. 

Certes, certes, il y eut la mission Racine et l'implication de l'architecte Balladur.

Parfois, sur une portion du territoire proche, l'urbanisme a déchaîné ses courbes, ses chenilles, ses pyramides, ses passerelles en dos d'âne, ses voies d'accès cohérents, ses surfaces géométrisées, ses figures, ses enfilades, ses amusements d'architecte, ses cercles et carrés, ses schémas vus du ciel, tout en laissant ou même plantant des bois, semant de l'herbe verte, prévoyant de grands parkings (pas forcément établis en front de mer), le règne du tout accessible en auto ne faisant que commencer et  c'était une conquête sur ces étendues de sables et de dunes désolées, parsemées d'étangs puants, de sel, de vent, de prolifération de moustiques tuant les chevaux, ne recueillant que des proscrits du développement, ceux vivant de ces marécages, de maigres pêches et de salines, encore logés de leur propre industrie, en cabanes couvertes de joncs.

Certes, il fallait bien que chaque pékin en congé, en week end, en jours fériés, puisse faire accéder ses orteils à la mer et au roulement des vagues. Mais aujourd'hui pour quel résultat ? ce désastreux entassements de tours ? barres et amoncellements de béton ferraillé et banché où sont empilées kitchenettes et cabines minuscules, souvent sans fenêtres, où un peuple exploité et traité en cheptel lucratif croissant, qui du fait des restrictions de l'espace convoité de ces lieux et à l'inverse de sa propre prolifération, doit payer le mètre carré au prix des premières lignes sur mer, au au prix des côtes les plus azurées ou dorées, pour avoir quelques instants courts de quoi superposer ses sommeils de promiscuité.

Donc n'allez pas croire que je suis un fanatique de plages, bien trop sensible à l'environnement, agoraphobe total en certains cas (je me souviens des 30 secondes qui m'ont suffi pour visiter ailleurs et fuir il y a longtemps les plages de Benidorm), j'arrive en général déjà revêtu de mon maillot apte à sécher rapidement, serviette sur la nuque, je me jette à l'eau surtout si elle est froide et encore peu fréquentée, à partir de 16 ou 17 degrés c'est bon, nage un peu, et sans m'arrêter que pour remettre mes sandales, ressors et sèche en repartant. 

Heureux homme direz-vous, il nage librement à à peine quelques kilomètres de son mas dingue et se plaint. Il a bien fait de revenir chez lui, c'est un bon râleur, aussi bon qu'un Français de France malgré ses airs de voyageur émancipé.

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