Au hasard de restreintes recherches toujours liées à des interrogations sur l'avenir qui se prépare, notre avenir aux horizons barrés, aux nuages si chargés et aux sols craquelés, questionnement forcément limité aux matériaux à ma courte portée et à ce que je crois savoir du monde (le peu qui s'en est déjà dévoilé à mes yeux), je trouve sur un blog recensant annuellement et pêlemêle, les morts fameux (drôle d'idée, mais pas si mauvaise, cet annuaire cimetière mémoriel), réunis sur la même page du fait qu'ils sont décédés en 2010, ces deux oubliés de la scène artistique :
Mahama Johnson Traoré que donc j'ai eu la chance de rencontrer à Dakar dès mon arrivée
et René Rougerie, éditeur de quelques uns de ces poèmes écrits à la volée sur ma petite Olivetti portative, il y a quelques cinq décades et plus, à Toulouse, à Rennes puis à Limoges où je vivais alors.
Ce lien fortuit pourrait n'avoir rien d'absurde, Rougerie avait eu lui aussi à travailler en Afrique (dans le domaine de l'action culturelle radiophonique) et si j'ai pu rencontrer immédiatement Traoré c'était en partie dans le cadre de mon travail mais aussi parce que, précisément, frais parachuté au Sénégal en venant du Brésil, je venais de publier ces poèmes qui pouvaient me faire passer pour "artiste" débutant et donc peut-être éventuellement comme un être fraternel bien que situé de l'autre côté de la barrière qui sépare, tout autant au pays du poète Senghor, ex-colonisateurs et ex-colonisés.
Le fait est que malgré tout ce qui pouvait nous séparer, Trahoré était un auteur affirmé, présent comme militant panafricain contestataire, comme pionnier et initiateur dans les instances du cinéma d'Afrique de l'Ouest naissant après les indépendances, alors que je n'étais qu'un assez timide, nouvel, officiel et inconnu attaché d'Ambassade, une ambassade encore un peu trop sûre de ses prérogatives dans un pays "ami" et tout acquis à notre stratégie, nous avons pu avoir d'emblée un dialogue direct et décontracté. Il est vrai nous avions le même âge et il avait - c'étai sensible dans les intonations de son français parlé à voix forte et rauque - fait des études de cinéma à Paris.
Refusant de tourner en français il avait eu déjà la force d'imposer des tournages en Wolof pour ses deux films mettant en cause la condition faite aux femme dans les sociétés traditionnelles intitulés : la Jeune-Fille et la Femme (Dinkha-Bi, Diegue-Bi en version originqle).
Le fait est que aussitôt fait connaissance, ça tombait plutôt bien après un festival du film africain organisé à Dakar, il m'invitait à sa tabaski familiale.
Etrange cérémonie de sacrifice du mouton.
Son père vêtu d'un grand boubou, je m'en souviens comme d'un baptême d'africanité pour moi, retour aux racines du sacré, tranchant rapidement la gorge du mouton criant très fort, et nous, autre génération, lui et ses amis, conteurs, écrivains, musiciens, photographes, alignés derrière, accroupis, saisis par ce spectacle rituel remémorant les origines communes des trois religions, juive, chrétienne et musulmane dominante ici pour l'occasion.
Puis tout aussitôt, parti le père, éclipsée la famille, grand renversement, rupture de contrat avec le passé chappe de plomb, très rapidement, symbole signal de l'appropriation d'autres mœurs, pas si futile ni légère, autre initiation, chaines archaïques sciées, cette ouverture des bouteilles de whisky cachées pas loin, sous la surface des coussins des canapés où nous étions affalés et début d'une beuverie entre jeunes émancipés profanateurs.
(A suivre . . . )
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