mardi 21 novembre 2023

Portiques, Enfilades, Ouvertures, Passages, Tunnels irraisonnés, Couloirs de mémoire.

Souvenirs, illuminations, retrouvailles.

Comment vous faire part de cette réminiscence précise et vague à la fois qui comme d'autres, sans raison apparente, certains jours, traversent mon esprit, quand il se passe des choses tantôt ou à la fois terribles et réjouissantes dans ma tête, dans le monde, dans mon quotidien aussi bien sûr, les bons jours, quand je me sens encore, contre vents et marées, 

maître de mon destin, de mon corps amoché, tendu et un peu tordu, usé comme un vieux pneu sur une très vieille guimbarde, épaule douloureuse à droite, genou un peu raide à gauche, encore résistant, usé, mais vaillant - je viens de couper des arbrisseaux et de défricher au milieu des ronces, salses pareilles jaillissantes et lianes piquantes qui avaient envahi l'intérieur de ce maquis méditerranéen de presque trois mètres de haut, formant haie, fourré, rempart que je ne taillais que de l'extérieur, depuis quelques mois, masse interne à mon territoire, buisson arborescent un temps taillé en sphère géante, tiges dressées, serpents rigides, même coupés se redressant ou tombant des cimes encore fleuries et me venant dans les yeux, déchirant la surface de mes paupières de leurs petits piquants, troncs vivaces durs à scier et couper dans ce fouillis entrelacé, et vous le savez, bizarrement, cet effort ça me rend joyeux - des percées en retour, des éclairs de lumière, une force tellurique et végétale s'insinuent dans mes nerfs et mes muscles raidis, remontant du sol ? certainement pas . . . mais passant par mon fol imaginaire, ça oui ! et entrant par mes narines en effluves d'herbe et écorce coupée, ça c'est sûr . . . 

quand tout à coup, sans raison apparente, espace ouvert, après avoir ruminé ces désastres du monde actuel et à venir, ces déconvenues prévisibles des électeurs enthousiastes, ces vagues d'illusions qui montent sempiternellement à l'assaut du monde, ces . . . . je me souviens, sans raison apparente, d'avoir rencontré chez Gilles Deleuze, mais je ne sais plus où ? je n'ai pas le texte, ni sous les yeux, ni sous la main, ni dans mes vastes meubles et mes étagères secrètes, ces remarques à propos de l'histoire de L'Homme de Kief , un roman sur un pauvre Juif qui néchappera pas aux persécussions et qui pour l'instant ayant acheté, reléguée dans une brocante,  l'Ethique de Spinoza pour pas cher, un kopek, se met à lire, n'y connaissant rien, emporté par un vent qui le pousse d'un paragraphe à l'autre, sans résistance possible, . . . 

. . . quelle mise en parallèle peut-on espérer raccorder entre cette force, cette attirance mathématique, cosmique, le courant qui emporte à la lecture de ce livre, et cette nuit que Descartes a passée en Allemagne, entre deus campagnes militaires, la fameuse dite du "poêle" où, poussé par un vent violent dans son rêve alors qu'il venait de mettre en route la "Mathesis Universalis". . . . mère de tous les triomphes et tous les maux de notre industrieuse et implacable modernité, alors qu'

il est à la fois inquiet, se sentant presque coupable, emporté et marchant un peu de travers, songeant surtout aux interdits de l'orthodoxie et aux rigueurs de l'Inquisition que de fuite en fuite il réussira à déjouer, 

oui, retrouver ces découvertes, ces ouvertures plus souvent intellectuelles qu'effectives, dans un monde presque toujours obscur, ces joies qui m'ont porté depuis ma jeunesse.

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