dimanche 26 novembre 2023

Perspective et profondeur.

Jeux et calculs des peintres renaissants, architectes, mathématiciens, ingénieurs.

Où l'art géométrisé fait apparaître les arrière plans dramatiques de la surface.

Opposer 

aux planches peintes de tradition médiévale où l'espace plat comme la terre joue la hiérarchie en grandeur de la représentation du sujet, d'autant plus puissant ou royal que agrandi dans l'image, met en aplats bien codés, vie paradisiaque, infernale ou quotidienne, 

la fuite en arrière, le trou profond, la boîte sans fond, la fenêtre du tableau sur toile où se nouera bientôt le mouvement pris sur le vif et désormais amené à sortir de l'atelier pour gagner le plein air, préfigurateur de photos saisies en gestes encore figés et plus tard, sorti de cette même camera oscura, schématisation de notre oeil,  l'image agressive, agitée, devenue celle du cinéma.

Ce qui se joue après le tragique historié de nos vies mises en images juxtaposées, closes, suffisantes, ordonnées, arrêtées, bornées, iconifiées, c'est l'ouverture d'un espace mouvant, troué d'échappées, espace à chaque instant romantique déjà avant la lettre, menaçant, fuyant, insaisissable, ouvert sur la décomposition, la ruine, la mort. Précipice de nos existences. Volcan du surgissement. Fragilité. Inachevé. Chute infinie. Vertige de la Sixtine menant au Caravage ou à Courbet.

Chaque fois que je visite le Petit Palais d'Avignon, ses incroyables collections d'oeuvres de peintres italiens, depuis les primitifs médiévaux jusqu' à la lente apparition de cette vision de la profondeur, je suis bouleversé.

Non que la peinture religieuse archaïque soit dénuée de sens du tragique, d'émotion, de drame, de compassion, au contraire elle les exalte et les fige, les codifie, les énumère, cela peut nous convenir et nous rassurer, nous re-stabiliser, nous ré-ancrer dans les attitudes et sentiments humains fondamentaux, mais elle ne connait pas encore cette folie dont le monde va s'emparer qui nous a porté au paroxysme de ce que nous vivons aujourd'hui. 

Salutaire impression, en visitant cette grande exposition rétrospective de Claude Viallat 

 - oui la ville de Nîmes se décide à glorifier son glorieux enfant longtemps après Beaubourg - 

re-visite de cette oeuvre que je connais par cœur, depuis ces traces de main pleines de peinture sur des cordages aux déclinaisons sur tout support de l'éponge, du haricot, de cette empreinte si banale et caractéristique de son travail, maniée en coloriste d'arcs en ciels infinis et sans arrêt renouvelés, parcourant de ses recherches instinctives, vécues en peignant sur toile ou surface quelconque au sol, une histoire de la peinture qui - "Support-Surface" l'a toujours dit clairement et Viallat est le seul à s'y être tenu aveuglément - 

re-trouve, dans ce parcours, ces pas, cette course quotidienne, ce travail incessant, rituel, contemporain, rigoureux, modeste, continué à 87 ans,  progression patiente, obstinée, inspirée, un espace de sérénité anti-romantique, de déploiement neuf à l'infini, anti-illusoire, illimité, illuminé.


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