dimanche 24 décembre 2023

Psychanalyste parallèle (jouer le). . . .

 . . . . ça m'est arrivé non pas trente-six fois mais assez souvent.

Comme vous mais pire encore je suis capable de quasi fermer les esgourdes comme de les ouvrir intensément, c'en est même énervant quand on me donne des conseils pratiques que, en général, je n'ai pas envie de suivre, mais inversement, en proportion inverse, je crois être capable par une étrange faculté de m'intéresser à des gens, à des situations, à des cas, à des manifestations d'humanité un peu hors normes qui semblent inquiéter, repousser ou simplement laisser prudemment indifférents beaucoup de gens que je connais.

Ainsi quand j'étais en terminale il y avait un gars, un condisciple, les cheveux gras et gominés rabattus en avant - j'imaginais et imagine encore qu'il avait un début de calvitie - qui filait du mauvais coton. Un jour pendant le cours de Sciences-Nat (on ne disait pas encore Biologie ou Sciences de la Vie et de la Terre soit SVT comme en ce jour où on étale de mieux en mieux en tartines précisément ce qu'on ne sait pas faire, la vie ? la vie ? en sciences, n'importe quoi) un cours d'ailleurs très "pittoresque" donné par un super-prof intouchable. Docteur en biologie animale, il avait deux fortes particularités ou même trois ou quatre dont deux qui auraient pu le faire virer de l'enseignement public : il était fixiste et résolument anti darwinien, soutenant que le faciès prognathes et le type australopithèque n'avaient pas disparu de la surface de la Terre, il était très doué en dessin faits rapidement à la craie au tableau noir, il dessinait en quelques secondes de beaux escargots toutes tentacules dehors ou des singes en train de franchir une rivière et formant pour ce faire une chaine, se tenant les uns aux autres par quelque partie du corps et formant ainsi un balancier au-dessus du vide, scène qu'il avait, disait-il, lui-même observée. Il était par ailleurs lui-même gros et lourd bien planté sur ses pieds, comme un hippopotame, placide et immobile au fond d'un fleuve pendant la sieste, si on me permet ce raccourci. Alors, silencieux et comme inerte, il laissait de temps à autres s'installer un brouhaha dans sa classe, négligeant d'intervenir pour faire taire les conversations, les rires, parfois les cris.

Un jour notre condisciple aux cheveux gominés eut l'audace de placer . . .  pendant que notre maître en sciences de la vie dessinait tranquille et rapide une girafe courant à l'amble et nous expliquait, tournant le dos, cette singularité de l'espèce, . . . de placer et réussir à faire se maintenir à l'horizontale son stylo-bille rouge ouvert, pointe vers l'extérieur, corps coincé dans le cavité subabdominale du squelette de l'homme écorché grandeur nature qui trônait à côté de l'estrade.

L'intéressant ce n'était pas cette facétie qui vous l'imaginez mit la classe en parfaite révolution pendant que notre maître, toujours le dos tourné continuait son dessin de girafe; le surprenant pour nous potaches d'époques reculées et peu évoluées ce fut ensuite d'apprendre que notre condisciple en études anatomiques, l'élève totalement irrévérencieux, suivait une psychanalyse approfondie depuis quelques mois ce dont il s'ouvrit d'abord à l'un de mes amis d'alors avant de m'inclure dans son cercle de confidences. Ce qui s'ensuivit fut notre plongée à trois dans un approfondissement des mystères freudiens, exemples et récits concrets à l'appui. 

Cette façon de lire d'abord ce qui avait encore pour titre en traduction "La Science des Rêves"  soit Die Traumdentung, qu'on préfère traduire aujourd'hui par "L'Interprétation du Rêve", d'en saisir et d'en voir à l'examen les ravages, les douleurs, les impasses, les drames que recouvrent ces analyses m'a personnellement marqué au point de ne pouvoir ensuite saisir cette discipline d'analyse, comme un simple jeu de déchiffrage intellectuel des méandres de l'esprit humain.

Et aussi passionné que je sois par cette étude en marge de nos disciplines officielles, y compris ensuite à l'université où en philosophie on ne l'évoquait guère, je veux dire en rien, comme si elle n'existait pas, comme si elle était absolument tabou, je me souviens que d'emblée j'ai pensé que d'une certaine façon, elle n'était pas faite pour moi. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas été tout au long de ma vie en rapport avec elle.

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