mercredi 27 décembre 2023

Peñiscola.

 Cette très petite cité avec une tilde sur le ñ = gn, est un lieu tout à fait exceptionnel sur la côte valencienne. Ce fut le refuge du pape Pierre de Lune dit el papa Luna, noble natif du royaume d'Aragon  qui fut un temps "antipape" d'Avignon. ( Parenthèse : au passage Avignon, vous le savez, a bien profité de cette présence pour devenir éternellement magnifique et aujourd'hui plus que jamais). Le papa Luna, septième pape à résider en Avignon, sous le nom de Benoit XIII, astre passager de la chrétienté durant le Schisme d'Occident à ce moment fameux où il y eut deux papes, a marqué ce roc fortifié de son sceau prestigieux de dissident hérétique. 

Peñiscola est toujours une superbe ville forteresse, presqu'île ayant traversé victorieusement tant d'époques de gloire jusqu'à devenir, entourée de plages, une petite capitale culturelle et touristique porteuse de festivals, colloques, prétexte à plaisirs sun and sea.

Voilà donc comment je m'y retrouvais un jour, poursuivant ma future fiancée dans ses studieux approfondissements intello-touristiques de la culture hispanique. Il est vrai qu'aussi éloigné des grands centres que soit ce lieu, y régnait en ce bel été-là tout un climat d'incroyable effervescence.

Il y avait tout d'abord cette palette de profs prestigieux qui expliquaient pour l'un d'entre eux l'éclatante architecture péninsulaire l'opposant à la lourdeur répétitive et peu inventive du gothique anglais, tel autre introduisant aux courants les plus vifs de la littérature picaresque, où ce troisième jouant sur le somptueux velours de la peinture hispano-hollandaise. L'un d'entre eux, le plus jeune m'avait fait lire le manuscrit de sa dernière nouvelle longue, une trentaine de pages,, plutôt subversive dans l'Espagne d'alors pendant que le maître de séant du festival de théâtre souhaitait me faire connaître son cercle de chercheurs historiens à Madrid.

Bref comme j'étais avec ma bientôt mie, très amoureux, c'était presque le paradis.

Sauf pour le logement. Le premier qu'on nous avait procuré était un studio sombre établi dans une sorte d'immense couloir plein d'une enfilade de semblables vis-à-vis où à l'heure des fritures débordant et giclant d'huile d'olive et des conversations de fourneaux, toutes fenêtres ouvertes, vu la chaleur suffoquante régnant sur les terrasses, le soir en particulier, il était impossible de respirer et d'avoir le moindre calme jusqu'aux heures les plus avancées de la nuit. Nous avions ensuite galéré pour trouver, en pleine saison, une autre crèche. Puis il avait bien fallu se résoudre au pire du pire pour échapper au vacarme et à la promiscuité.

Nous avons fini par nous établir en haut, au vingtième étage d'une tour qui existe encore quoique aujourd'hui enchâssée dans des bâtiments presque tout aussi hauts tout au long de la côte, qui dominait de loin la forteresse antique, dans un studio sentant la peinture fraîche, ce qui nous avait donné l'occasion de dormir fenêtre ouverte et de nous réveiller, du peu que nous avions dormi, boursoufflé/e/s de piqûres de ces petites bêtes qui règnent sur le monde entier, spécialement dans les pays du sud.

J'ai gardé un temps en souvenir le morceau déchiré involontairement et détaché d'une page de l'un des exemplaires du manuscrit que m'avait fait lire le jeune écrivain pamphlétaire où il est question d'une nuit d'insomnie, celle d'un étudiant espagnol qui fait penser au jeune Sartre et qui s'interroge pour savoir s'il doit continuer ses études et continuer à vivre avec sa chère mère malade ou prendre le large et aller terminer sa formation en France ou peut-être en Amérique.

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