lundi 15 juin 2020

Douleur.

Parlons plutôt de douleur en rêve, en quelque sorte avec le filtre d'une réalité transposée, voilée, recomposée, projetée sur un écran comme au cinéma, ce sera moins violent, me disais-je, nous avons tous assez l'occasion de l'affronter dans un corps éveillé, forcés et attachés au supplice. Je n'avais pas imaginé depuis longtemps un rêve aussi violent. Un de ceux qu'habituellement on est heureux de quitter par le réveil. 
L'image première était celle d'un crabe et sans doute un vieux crabe, gros, grand, rougeoyant, aux pattes immenses (j'aurais dû me méfier de cette hyperbole), un crabe araignee comme on en trouve au large du Japon ou au Kamtchatka, que quelqu'un mangeait en croquant les pattes (quelle dents fallait-il !) et en faisant craquer et se disjoindre les articulations. puis il y en eut une deuxième : le crabe c'était moi et ce qui craquait c'était dans mon corps, dans mon dos, quelques ligaments des épaules, des bras, ces attaches puissantes mais fragiles que nous avons à partir de la nuque de l'épine dorsale, des omoplates.
La douleur extrêmement aiguë m'a réveillé, donc rien ne m'a servi de m'éveiller, j'était pris maintenant de la douleur réelle et non rêvée.
Ca m'apprendra me dis-je à croire que j'ai vingt ans et à couper des arbres même grêles et à scier aussi longtemps, savoir m'arrêter, c'est ça qu'il faut que j'apprenne. Je suis aussi ridicule que mon arrière grand-père qui à soixante-dix ans passés voulait aider un charretier à sortir du fossé sa charrette en se plaçant seul d'un côté et qui s'est vu moquer sauf que lui, un peu plus rude et aguerri, sans doute bien plus fort, c'était un autre temps, je ne suis pas digne de ce temps des héros quotidiens, modestes, moi homme de chaise et de bureau, avait tiré un "mauvais numéro" lors de la conscription et fait un service militaire de sept ans puis ensuite juste avant la guerre de soixante-dix, avait remplacé (à l'époque c'était assez courant et je crois que ce n'était pas cher rémunéré) un jeune privilégié ainsi dégagé de ses obligations militaires, de nouveau pendant sept ans.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire