vendredi 26 juin 2020

R 3.

Quand j'y songe c'est assez fou - mais peut-être pas = il y a toujours des raisons - mais c'est compliqué, comme on dit, la vie et ses apparentes incohérences.
C'est vrai, je n'aime pas les gens qui refusent de goûter un plat qu'ils ne connaissent pas, je m'efforce de ne pas détester et je suis même arrivé à avoir une sympathie pour beaucoup d'insectes dont les araignées, certains reptiles dont les lézards et geckos que je nourris, les fouines tueuses de poules et sanguinaires aussi; j'aime les loups beaucoup plus agressifs et dangereux pourtant qu'on ne le dit (voir l'histoire de ma grand-mère paternelle revenant de l'école à sept ou huit ans et qui était toute petite de taille pour son âge et qui en chassa un d'un coup de pèlerine roulée, dans un coin que je connais bien où ils font de nouveau des ravages, que je raconte quelque part dans cet abiocédaire, je ne sais plus où exactement), les ours terribles et beaux dressés comme nous ou courant des quatre pattes en dodelinant leurs rondeurs malgré leurs ravages, et pour en revenir aux gens, je les trouve  tous intéressants quels que soient leurs torts à mon égard parfois, même si je suis moi aussi animé, parfois aussi, d'instinct de défense pouvant aller, au moins en puissance d'affect, jusqu'au meurtre.
Les fauves provoquent ma très haute admiration et chez les humains ma fascination.

Mais on ne me fera pas avaler qu'il est beau de faire semblant de ne pas avoir peur de certains prédateurs et de les affronter sous l'eau dans un cotte de maille ou enfermé dans une cage à puissants barreaux face à eux en liberté ou en leur caressant le nez pour provoquer leur paralysie-réflexe ou en les gavant pour que les touristes puissent se donner des frayeurs sans danger face à leur ballet.
Quand j'y réfléchis, je crois que ce dont j'ai eu peur dans cette affaire de crique paradisiaque, ce n'était ni de l'innommée bestiole dont les attaques semblent assez rares ici, pas plus que de ces beaucoup plus fréquents courants qui emportent chaque année pas mal de baigneurs bons nageurs au long ou au large des côtes de ces îles perdues dans les profondeurs abyssales, c'est de ce turquoise cristallin passant sous la peau de la mer à l'incolore, au vide et à la pure transparence.

Plus fou d'eau que moi tu meurs, mais partout je crois m'être raccroché aux reliefs, rebords, récifs, rais de lumière ou moirures de cette substance pénétrable. Affronter un ennemi identifié est moins pire que cette absence de définition et de caractère qui est l'apanage de certains espaces, de certaines situations, de certains dangers à tort ou à raison pressentis par tous les pores; or je ne prétends pas être voyant mais cette plage se rendit dès le lendemain tristement célèbre, on y trouva le corps échoué et déchiqueté de deux naufragés tombés d'un bateau de pêche au gros et en ce qui concerne ma propre petite et bien mince vie elle allait provisoirement basculer des Seychelles à un petit village du sud de la France à la suite d'un remaniement dans les hautes sphères, descendu par décret dans ses conséquences administratives absurdes, incolores, informes, loin d'être symboliques et de façon totalement contradictoire à mes convictions et à l'espoir qu'avait fait naître pour d'autres et pour moi, combattants un peu isolés dans les rangs de nos influences extérieures, l'origine de ce changement.

Voilà comment le requin imaginaire, pas celui, grossier et mal embouché des dents de la mer (vous attendiez quoi ? une histoire bien saignante avec un crime sexuel sur plage solitaire ? ), ici il s'agit du "juste fantasmé" sous l'eau lustrale, amniotique et si photogénique, devenu signal d'un retournement de la vie paradisiaque qu'on nous fourgue et nous vend.

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