mercredi 3 juin 2020

Zèbre.

Traiter quelqu'un de zèbre relèverait de la "métaphore mettant en avant sa singularité" me dit-on ici et là. Ce serait tout autre chose que de le traiter de zouave, expression qui ne renverrait qu'à son aspect dérisoirement comique ou un peu ballot (mais encore faudrait-il examiner ça de plus près!).
J'avoue avoir des réticences face à ces supposées dérives populaires savamment expliquées de mots ayant une longue histoire.
Le mot zèbre bien qu'on le retrouve actuellement en swahili sous la forme zébra viendrait d'un vieille appellation portugaise, issue elle-même du latin et désignant l'âne sauvage qu'on trouvait encore en péninsule ibérique au XVe siècle, mot qui aurait accompagné les premiers navigateurs et explorateurs du continent africain.
Or c'est plutôt sympathique un zèbre tout en rondeurs et illusions graphiques, quelle que soit l'aventure du mot qui le désigne, tout chargé de ses relents coloniaux exploités par tant de publicités exotiques.
C'est pourquoi (mais pas seulement que) j'ai tellement de peine à voir chez moi cette vieille et authentique et bien sèche peau de zèbre posée par terre, achetée en France par un lointain parent à un colporteur africain qui fut offerte à mes parents directs, précisément à un moment où je me trouvais en mission au Congo, alors Zaïre, cadeau que pour ma part je me serais bien gardé d'acquérir ou de faire, malgré les facilités que j'aurais eu sans doute à acheter là-bas en direct ce genre de dépouille d'une pauvre bête.
Mais voilà, maintenant que je l'ai en héritage.
Je me garde bien de ne pas le révérer et l'honorer, en parfaite mauvaise conscience, ce pauvre trophée qui me nargue.
 [Alors que dans ma famille je ne pense pas qu'il ait pu être le signal, à l'époque - maintenant bien sûr il en irait autrement - d'aucun trait critique à l'égard des chasseurs ou des coloniaux, ma parentelle étant pleine de chasseurs et comportant quelques lointains et légendaires militaires ou missionnaires]
Amoureux admiratif de cette Afrique fantôme et dépecée qui court dans ma mémoire, je le garde précieusement.
D'autant que ces jours-ci j'ai retrouvé un bout de sa peau, exactement la pointe de sa queue emballée dans (très précautionneusement, mais sans marque ou étiquette) du papier kraft et rangée dans le tiroir où elle fut oubliée par celui, celle ? qui l'a coupée, ce ne peut être qu'involontairement évidemment, en passant un aspirateur trop puissant peut-être . . . morceau qui n'a jamais jusqu'à ce jour été recollé.

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