vendredi 5 juin 2020

Zouave.

Il m'avait dit "tu penses que je fais le zouave" et dans sa bouche ça avait pris un sens que je n'en finirais pas de percer, creuser et décanter des années durant. Oui, il savait bien de quoi il parlait.
Lui c'était Sembène Ousmane comme il s'appelait lui-même, inversant nom et prénom comme dans les registres de l'état civil. Je l'ai rencontré assez vite quand je suis arrivé au Sénégal tout de suite après ces festivités anniversaires des vingt ans du cinéma national en comptant depuis "Afrique sur Seine" de Paulin Soumanou Vieyra en 1955, premier film tourné par un "colonisé" malgré l'interdiction en période coloniale, lui, Sembène, tirailleur sénégalais dans sa jeunesse puis trimardeur immigré clandestin sur le Port de Marseille, militant communiste avant d'être embarqué dans l'école nationale cinématographique de Moscou, qui avait porté à bout de bras et réussi à monter "Le  Mandat", premier film en Wolof dès 1968. C'était l'époque où Mahama Johnson Trahoré le rebelle, cinéaste agitateur fort actif (un des fondateurs des festivals de Ouagadougou et de celui de Carthage si importants pour la reconnaissance du cinéma africain) avec lequel je ne pouvais me targuer encore que d'avoir bu une bonne dose de whisky après que son père fut parti et après qu'il eut, ce patriarche respecté, égorgé dans la pratique du rituel le plus pur de la Tabaski (c'est ainsi qu'on nomme l'Aïd au Sénégal et à l'Ouest de l'Afrique), venait juste de tourner "N'Jangaan" (1974), film qui dénonçait déjà l'intégrisme musulman, époque fructueuse où Safi Faye qui venait de tourner avec Rouch et venait, elle, militante moulinée à la rude intégration parisienne après avoir joué au cinéma justement "boutique mon cul", de sortir de ses archives familiales la trame de "Lettre paysanne" (1974 aussi) dénonçant l'imposition des monocultures coloniales avec l'omniprésente arachide dans son pays, au détriment des cultures vivrières traditionnelles.
[Note : il faudrait que je continue tout de suite cette affaire avec Sembène qui nous mènerait à Tieddo ou Cieddo ou Ciedo . .  mais il faut aussi que je vous parle d'autre chose].

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