samedi 13 juin 2020

Zouave 2.

Donc, voilà, autant tronçonner la chose si notre petite vie à chacun de nous est bien comme ça : moulinée et charcutée en boudin farci de gras, de sang, d'eau, de sel, d'épices, cartilages coupés, tronçons de viande maigre filandreuse, infimes bouts hachurés, assemblés puis serrés tassés, enfilés qui prennent forme effectivement plus ou moins boudinée, enfermés en peau transparente et qu'on peut ensuite effectivement couper en rondelles comme de la mortadelle.
Il était venu Sembène, le militant communiste, pas du tout pour parler de boudin ni encore moins de zèbre ou encore-encore moins pour demander une aide sous forme de subvention de la France, il était venu pour me demander si je saurais où trouver une cloche.
Car voyez-vous être attaché d'ambassade après avoir été fonctionnaire détaché à l'extérieur, c'est ça essentiellement, accueillir des gens à l'avion de Paris, les loger, les cornaquer (en jargon diplomatique, les trimbaler leur servir de guide, d'assistant, de fournisseur de ce qu'ils demandent), établir de très invraisemblables rapports entre des gens qui n'auraient jamais dû se rencontrer, trouver des trucs assez, sauf à savoir ou trouver où trouver, introuvables. L'ambassadeur vous dit : " - Vous qui avez des idées, je suis actuellement ou je vais bientôt l'être, vous le savez, doyen du corps diplomatique, ça va tomber sur moi, Senghor va avoir bientôt 70 ans, qu'est-ce qu'on pourrait bien lui offrir ?" - "Il faut y penser suffisamment tôt"  ajouta-t-il et je le sentais vraiment préoccupé. Ou le directeur du centre d'études linguistiques appliqué de Dakar vient vous voir et vous dit : "Nous allons commencer à faire une étude du parler wolof dans la brousse près de Saint Louis et pour nous établir auprès des villageois et des nomades qui passent par là, il nous faudrait des tentes. Nous allons monter un camp, tu pourras venir nous voir, si ça te dit. Le cuisinier (c'est notre meilleur chercheur) est antillais et fait des préparations extras . . . ". Impossible de résister donc il faut que vous contactiez tout de suite l'attaché de la communication aux armées que vous connaissez et trouviez des tentes militaires qu'il pourrait prêter gracieusement pour l'avancée des études linguistiques et éventuellement la mise en place improvisée entre deux prises de son, de bonnes bouffes multiculturelles. pendant ce temps ça vous aidera à trouver le cadeau à Senghor . . . peut-être.
Une cloche . . . une cloche.
Il m'explique un peu :
" - Dans mon prochain film (c'était le fameux Ceddo, justement sur lequel il y eut cette opposition de Senghor, le grammairien, sous prétexte de formalisme linguistique et d'orthographe à attribuer aux langues nationales du Sénégal) il y a une scène dans un clocher et une cloche qui est jetée à bas."

Donc me voilà téléphonant au curé que je connaissais à peine et que j'avais dérangé la dernière fois alors qu'il était en semaine de retraite religieuse, pour lui demander d'urgence la location d'une salle paroissiale en remplacement du grand théâtre Daniel Sorano qui venait de brûler, juste avant le passage prévu de longue date de Piéplu jouant les Diablogues de Dubillard.
Mais alors j'évitais pour l'instant de parler de la cloche qui allait "être jetée à bas".
(A suivre . . .)

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