jeudi 23 juillet 2020

Changement.

Et même, grand Changement, Chamboulement total, grand Chambardement et grand Charroi.
L'initiale est donc CH et non simple C.
Ce matin, comme tous les matins ou presque, envie de grand changement, non pas que ma vie ne soit pas en grande partie heureuse, comblée déjà et multiple plus que triste ou monotone, mais si je vis ma vie si miraculeuse et 'improbable' (mot à prendre avec des pincettes) comme disent un peu facilement certains qui croiraient peut-être échapper aux statistiques et aux aléas de la variable aléatoire, c'est que mis en route et déterminé par une permission (terme militaire) de mon père en temps de guerre, c'était difficile de faire mieux dans le réel . . . improbable, assez inattendu et de tomber dans un plus grand trou des courbes démographiques (d'ailleurs dans le village nous n'avons jamais été que deux de cette classe d'âge dont le maire honoraire que j'ai été revoir il y a quelques années en souvenir de nos vaches gardées ensemble et de nos cerisiers géants escaladés), et hop, me voilà mis en route et puis là, mouflet déjà, enfant de la guerre qui allait durer encore, emmitouflé de gants et de bas de laine tricotés par la mère qui m'avait enfanté, en galoche et content, courant sur ce plateau venté, un peu ingrat et nu, ne produisant que des vaches et du blé, et mêlé à ces gosses rudes qui m'ont entraîné tôt à ne craindre ni le froid ni le chaud - ça m'a pas mal servi mais maintenant ce n'est plus le cas, quoique, encore . . . - et donc encore aujourd'hui c'est avec enthousiasme ou rien, espérant tous les matins découvrir quelque chose qui vaudra la peine, en cherchant volontairement ça arrive parfois qu'on trouve des choses incroyables, y compris qu'on trouve ce qu'on ne cherchait pas mais qui l'était encore plus, étonnant, renversant, inoui, ou bien que le hasard se joue de nous et qu'on obtienne après des plombes, des lustres, des siècles, ce qu'on ne cherchait plus, bref, je suis au moins autant que vous une machine désirante comme l'avait bien formulé ce sacré Deleuze Gilles, allié à Guattari, Félix de son prénom, dans les années 70, j'avais alors à peine 30 ans, c'est-à dire, c'était hier pour moi . . . mais en fait ça fait un demi-siècle !
Donc, bien que si bien ici dans ce mas dingue où j'ai fini par me fixer des tâches bien terre à terre, scier, sarcler, tondre, tailler, arracher, cueillir, semer, planter, regarder pousser, depuis des années je rêve et je cherche parfois un autre point de chute. Mais ce n'est là qu'une partie du deal.
Partir à deux avec celle, compagne de toujours, habituée à mes lubies, et seulement une partie des impedimenta, ustensiles, outils, robots, peu de machines, collections, livres, souvenirs, bribes et bibelots pas encore abolis, vers une avant-dernière demeure (la dernière étant de granit, de marbre ou de simple glèbe et gravier sableux pour le cercueil en carton).
Non, je n'imagine pas qu'on va brûler mon corps ni celui de ma bienaimée.
Ni par notre ou sa ou ma volonté, ni contre, sans doute suis-je athée marqué de formation chrétienne,  de fresques édifiantes et troublantes, trop impressionné par ces flammes soufflées au chalumeau géant du brûleur d'incinération, si puissantes, si bruyantes, convoquant l'enfer ou de plus effrayantes pratiques terrestres, évocations lugubres sur fond, en sourdine douce, de musique lénifiante,  néant violent des horribles crématoires . . . . visions et auditions, crissements et souffles des avancées, poussée sur rouleau de ce cercueil de sapin ou de chêne qui renferme quelque compagnon tombé en route et que j'ai pu accompagner dans cet au-delà où pourtant . . . il semblerait qu'on ne peut ni souffler, ni penser, ni rêver (oh ! diable . . .que tous les dieux du ciel ou de la terre nous en préservent, passer toute sa mort à rêver comme le croyaient les Anciens, quand on voit ce que les rêves ont d'absurde, de purement insignifiant et parfois de bêtement pénible et obstiné, de pur hasard, comme le dessin des roches ou des pierres, rarement assez intéressant pour être collectionnés - et là à propos des rêves quotidiens je rejoindrai plutôt Caillois, collectionneur d'écritures de pierres que Freud exégète prophétique du moindre récit de rêve - ce serait un bien triste et mesquin cauchemar, car je souhaite comme l'ont fait les plus sages, que tout s'arrête là d'un coup, repos, si la mort n'est rien . . .  (hors l'angoisse et la souffrance qu'il nous faut tant se peut éviter) et ne puis envisager ni l'errance des fantômes ni les morts qui nous parlent fût-ce par les coups d'une table qui frappe, ni la promesse fallacieuse d'une vie éternelle, euh, dites-moi . . , race mortelle et imparfaite, . . . en quoi mériterions-nous l'éternité ?),
donc reprenons, je voulais encore après cette longue halte et regroupement de mes affaires, je trie, je trie, changer de maison.

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