dimanche 22 mai 2022

Hugo Orellana Bonilla.

 Ma surprise de voir enfin apparaître son nom sur Wiki dans un article en anglais. Auparavant il était bien difficile, pendant des années, de trouver une référence le concernant.

Né en 1932, disparu en 2007, Hugo Orellana était un artiste-chercheur  cosmopolite, enraciné . . . et bien digne de ne pas être oublié. 

La chance que j'ai eu de rencontrer cet elfe andin tient au fait que l'Alliance où je travaillais dans ces années-là, est à sa manière une discrète caisse de résonnance. Touchant d'abord exclusivement les cercles bourgeois ou petit bourgeois mais devenue au fil du temps de plus en plus populaire, cette grande toile mise en place avant la mondialisation que nous connaissons et bien avant la création du Grand Net, est et ce presque dans tous les pays du monde, prête à vibrer à l'écoute de ce qui échappe encore aux feux de la très éphémère actualité, jusque dans certaines portions de la planète un peu retirées ou carrément oubliées. C'est que depuis sa création elle joint et parfois unit de ses fils, la singularité des cultures, des langues, de la  vaste et si multifocale géographie humaine. 

On m'avait parlé de lui tout au bord du Pacifique, dans une soirée à Trujillo puis à l'Alliance même de Lima, mais  aussi dans les milieux de la critique qui fréquente Miraflores et Barranco, les quartiers privilégiés,  en bord de mer, de la capitale, on m'avait dit "il est là-haut, loin, perdu dans sa montagne", car c'était pour lui une période de recherche, de méditation, d'isolement. De fait il habitait là-haut où il était né, à  plus de 3.000 m d'altitude, à moins de 200 km de Lima mais à 6 ou 7 heures de routes tortueuses, escarpées, souvent difficiles, "là haut", derrière les sommets où son père avait travaillé dans la mine de cuivre de Morococha exploitée aujourd'hui par une société chinoise dont les agissements font scandale, à 4500 mètres de haut.

Il lui arrivait m'avait-on dit de chanter, de raviver des musiques folkloriques du valle del Mantaro, de les enregistrer, de les collectionner, de faire des recherches sur ce peuple de légendes qui avait été le sien avant ses grandes échappées, loin, Mexico, Paris, Florence . . .

Nous avions parlé un peu de tout ça, beaucoup de son séjour actuel, de sa maison, de sa vision de la nature, de son besoin de solitude, quand, appelé par un ami qui l'avait déjà rencontré, il avait accepté de venir exposer dans le cadre de l'Alliance française avec pas mal de ses toiles anciennes et nouvelles. Oeuvre  étendue, difficile à saisir tellement elle explore  les sensations et tourbillonne dans des voies différentes souvent ramenées à des formes et couleurs simples, schématiques, posées en aplat. Oeuvre marquée de retour aux sources et sans contradictions d'influences européennes ou américaines. Mais je ne savais rien de lui.

Je savais qu'il avait fait à un Français qui l'interrogeait sur je ne sais quoi cette saillie à la Zazie :

- De quoi qu'on cause ?

Il lui arrivait d'être un peu inattendu. Petit, modeste, il revenait sans prévenir, rêveur, avec humour ou sérieux didactique de ces lointains qu'il avait choisis. Plusieurs lointains.

Je ne savais pas  que sa vie avait été aussi riche, qu'en France cet exilé avait épousé  et eu des enfants d'une artiste française, sculptrice, graveuse, je ne savais pas qu'il avait bien connu Botero, qu'il avait travaillé au côté des muralistes mexicains, Rivera, Siqueiros, Tamayo, ni qu'il s'était lié d'amitié avant qu'il ne reviennent au Pérou tous les deux, à Guillermo Lobaton, l'un des fondateurs du MIR, mouvement de la gauche révolutionnaire et plus tard du Mouvement Tupac Amaru, en 1963, qui avait été jeté d'un hélicoptère, en 1965, corps jamais retrouvé,  exécuté  avec huit de ses compagnons, par les forces armées officielles.

Au dernier moment, avant le vernissage,  moment  un peu angoissant, difficile à atteindre, on ne pouvait savoir s'il allait venir, il a accroché à l'entrée de la galerie, blason, bannière de sa maison sur les hauteurs, cette toile qu'il m'a volontiers cédée, qui domine maintenant le mur intérieur sud de ma maison, toile juste faite de ses initiales flottant sur le bleu à peine voilé d'un ciel d'altitude : 

                                                                    H O B.

Et . . . or  . . . ou car . . .j'ai voulu que ma maison de plateau, de presque plaine, soit, sans doute un peu, de très loin, à l'image de la sienne, lieu de solitude et d'accueil, d'amitié, un modeste temple où je rends un culte à ce que j'aime ou ai tant aimé au hasard de multiples rencontres.



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