mercredi 25 octobre 2023

A à Z, comme Animal de Zoo.

Quand je sors de mon espace clos, reclus dans ce jardin entouré de hauts murs, oui c'est un des privilèges de Nîmes ces hauts murs de pierres, ou revêtus de pierres qui participent avec les masets, chênes verts, pins et cyprès, chemins étroits, multiples vallons, au charme des garrigues urbanisées à l'esprit de privacité et d'anti-ostentation qu'on y observe traditionnellement, j'ai de plus en plus l'impression qu'on me traite comme un animal de zoo.

On a commencé par me réduire et m'encombrer (c'est une obsession) l'espace où je roule, coupé de parcours en baïonnette et accidenté de coussins viennois et gendarmes couchés, entouré maintenant de voies hautement risquées et rétrécissantes ou passent d'un côté quelques énormes bus à rallonge souvent absolument vides, de l'autre quelques très rares deux roues à électricité sur pile lithium ou à force du mollet pedibus, préférant souvent la voie centrale y compris à contre sens ou carrément surgissant aussi, par intermittence et sans aucun droit statutaire sur les passages piétons;

ensuite on m'a conditionné en particulier sur mon téléphone et sur tout ce que je lis sur mon ordi aux nouvelles tendances que je ne peux qu'adopter : je dois absolument m'abonner à toutes sortes de lettres d'information sur nouveaux produits, baisses de prix, lieux que je dois visiter, amis que je dois accepter sur Facebook, mystères que je dois éclairer et bien sûr pompe à chaleur nouvelle génération mixte ou hybride, au gaz ou même au mazout (faut croire que la simple pompe à chaleur si prônée jusque là ne fonctionnait pas).

ensuite, quand j'arrive après la banque et la pharmacie (avez vous remarqué il n'y a plus le long des belles avenues que des banques, des sociétés d'assurances et des pharmacies ?) au supermarché où je fais mes courses de vivres, après légumes et fruits bien mis en gondole, classés,  et de moins en moins low-coast (faut de bons yeux pour le prix au kg), surgissent des rayons ou tout s'entasse, à profusion et en toute confusion de bazar, dernières opportunités de vêtements de sport en général XXL, chaussures de travail à semelles renforcées, lampes de poches aptes aux signaux en morse et nécessitant 4 piles, ornements de jardin sortis de bandes dessinées et alimentés de capteurs solaires tellement miniaturisés qu'on n'imagine pas éclairer grands parages, étagères à bouteilles démontable et remontable, rouleaux de scotch rose ou bleu pastel, chaussettes archi-courtes rasant le haut des chaussures running ou montantes aux motifs tyroliens, etc . . . au milieu desquels je dois trouver, comme un enfant à Pâques, éberlué mais persévèrent,  un œuf dans un jardin, les œufs par cartons autres que de 18, la farine non de soja ou sans gluten, le lait entier bio introuvable, les bons fromages aux nombres de mois d'affinage pas forcément décomptés sur le couvercle de la boîte, les conserves de sardines et de thon qui ne soient pas miettes méconnaissables ou en sauces immangeables.

Bien, mais ce n'est pas l'essentiel.

L'impression que j'ai c'est que si mon parcours est à la fois si guidé, balisé et si difficile dans le détail des modalités, c'est qu'on a peur que dans cette société ou tant de choses plus graves me révoltent . .  je m'ennuie, comme un ours en cage . . . c'est qu'on fait comme si rien d'autre ne m'intéressait que ma survie au jour le jour, au milieu de cette profusion de richesses qui nous emprisonnent (peut-être faut-il avoir vécu un peu dans des sociétés de sous-développement, pour comprendre ce que je veux dire) et on s'y emploie à me focaliser sur le quotidien des dépenses, sur la mode, sur la supposée "bonne vie" du bon citoyen moyen qui ne pose guère de questions au-delà du prix de l'essence, en multipliant mes difficultés quotidiennes à m'adapter à un contexte, un environnement technique, pourris d'obstacles bénins, comme ces gardiens de zoo qui cachent et suspendent les fruits et les friandises dont doit se nourrir le chimpanzé. 

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