mercredi 31 mars 2021

Corse(s). (L'île et les)

 La première fois que partant de Marseille vers le soir sur le Napoléon Bonaparte, un immense vaisseau, nous avons quitté la splendeur de Marseille pour passer une nuit en mer et arriver au matin à Ajaccio, c'était encor plus beau. Les îles sanguinaires, la baie, les montagnes au loin, c'était divin.

Ensuite un petit village dans le sud où on nous avait prêté une partie d'une grande maison de famille en indivision, avec terrasse et treille au plein sud, en octobre, c'était idyllique.

Plongée avec les cormorans sur une plage presque vide où quand on rencontrait quelqu'un on se disait bonjour, c'était introuvable, inoubliable comme l'impressionnante falaise bout du monde de Bonifacio, la langueur des criques de Porto Vecchio, l'extraordinaire beauté des calanques rouges mystique de Piana. C'était un lieu proche et hors du monde, rêvé en vraie vie impossible aurat-on pu croire avant d'y avoir goûté.

Ayant toujours eu une prédilection pour l'exotisme de la végétation tropicale, pour l'éloignement de la triste et froide Europe, nous étions enfin comblés là où nous n'attendions plus rien de tel. D'autant qu'on avait pour nous des prévenances oubliées dans d'autre lieux touristiques, même en arrière saison. Le voisin d'en face nous saluait avec discrétion sans curiosité, la factrice sonnait à la porte quand elle apportait du courrier et m'avait déconseillé de faire une excursion seul dans un chaos rocheux en altitude où un ministre s'était perdu et avait dû être secouru en hélicoptère, elle avait même lu une carte postale de ma mère plus tout à fait jeune et me disait très gentiment de songer à l'appeler.

Déjà on parlait de Mafia et des risques de contagion avec les nationalismes, déjà il y avait eu dans le quotidien des affaires, des attentats, des incendies volontaires, des rançons exorbitantes de nouveaux habitants parachutés et c'est vrai que sur les petites routes de montagne où les panneaux de signalisation étaient troués par les tirs des chasseurs, il était prudent de laisser doubler à leurs risques et périls quelques autochtones impatients qui se seraient autrement énervés.

Mais j'étais personnellement assez séduit, encore plus que ma compagne, par ce peuple fier et inflexible, ayant le courage de savoir et de manifester ce qu'il voulait.

Un matin, le voisin qui nous disait bonjour mais sans engager la conversation, nous annonça que dans la nuit deux hommes bien connus ici avaient été tués de sang froid par un visiteur encapuchonné et entré calmement dans le bistrot du village et que cet homme ensuite était parti à pied sans se presser du côté du chemin du cimetière.

Aujourd'hui encore je n'arrive pas à considérer ce territoire comme totalement gangréné et ces gens restés au pays, non engagés dans la marine, la douane, la fonction publique, somme toute enracinés et très divers, pour la plupart atterrés, ou seulement apeurés, quelquefois complices, solidaires ou silencieux, le plus souvent chaleureux, comme anormalement archaïques ou criminels.


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