dimanche 28 mars 2021

Possession.

 A force de chercher, je l'avais trouvé, presque. C'est vrai, depuis longtemps je suis obsédé, disons . . . . possédé par la recherche du mas idéal.

C'était le mas idéal, du moins j'ai pu le croire, un temps, occupé actuellement par des Norvégiens, des Suédois ou au moins des Scandinaves y vivant en intermittence, tantôt un drôle de couple de théâtreux reconvertis sur le tard dans l'animation de marionnettes à taille presque humaine derrière lesquelles, par un jeu de rideaux noirs et parfois en se glissant directement dans leur ombre, ils se cachaient, tantôt un peintre paysagiste essayant de ramener les panoramas qu'il choisissait, vues de villages sans mouvements, blottis dans les collines ou fermes presque abandonnées, à quelques aplats de couleur à la surface desquels on arrivait à distinguer avec beaucoup d'attention, la silhouette effacée, fantomatique, de minuscules souriceaux qui se tenaient debout en vacant à leurs occupations sur ce qui aurait pu être des tracteurs disparus, ou affairés à divers travaux champêtres dont ne subsistaient que les gestes et pas la matière, ni l'instrument, ni l'objet, enfin, surtout, le plus souvent copains de copains, figurants sans emploi, acteurs oubliés des metteurs en scène ou dessinateurs de caricatures déprimés qui défilaient là au fil des mois, touts frais payés par un mécène qui restait discret, et avaient fait, comme il y avait déjà eu deux morts suspectes qu'on appelait ce mas le mas "Derniers Mètres Jusqu'au Cimetière" ou en raccourci "derniers mètres".

Le mas lui-même avait le charme particulier d'un bâtiment de pierre assez vieux, une pierre placée en linteau au-dessus d'une porte mentionnait la date 1706 ou 1766 mais peut-être avait-elle été remployée et prise sur un autre édifice. L'intérieur avait été réaménagé avec une relative élégance en ouvrant discrètement à l'Est et à l'Ouest deux baies et en construisant à la place d'une partie du toit une grande terrasse donnant sur les Monts des Albères et au-delà sur le Pic du Canigou encore enneigé.

Ce qui aurait pu pour d'autres le gâcher et devenir un obstacle majeur à l'appropriation, était selon ma perception un charme de plus. Il tournait le dos à un cimetière assez grand, orné de multiples cyprès, bâti plus tard dans la vallée et longeait du côté d'une belle bibliothèque, le très grand parking qu'on avait jugé bon d'implanter au bout de la route pour accueillir les nombreux participants susceptibles d'accompagner à leur dernière demeure les notables du pays.

Il m'aurait spécialement convenu par sa taille relativement réduite, par son charme pittoresque dû aux pierres patinées, aux quelques éléments anciens incrustés spécialement dans les murs de la vieille cuisine et par la vue splendide et paisible qu'il offrait de sa terrasse. Je l'avais déjà nommé, venant du mas Dingue en garrigue nîmoise, si j'y avais déménagé tout mon barda et mes impedimenta, je l'aurais appelé le mas Zombie.

Curieusement, le sort peut-être mauvais de ces lieux s'est lié aux circonstances du moment contre moi, la propriétaire, après l'avoir mis en vente mais entre temps devenue veuvet dire, j souhaite le conserver pour continuer à en tirer des revenus et le louer épisodiquement à ces étrangers nordiques qui raffolent du lieu. 

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