mardi 27 avril 2021

Nouvelle.

 J'ai failli habiter la rue Nouvelle. Une très ancienne rue au coeur de ville.

C'eut été sans doute une autre vie mais non, j'ai renoncé au moins à celle-là et à ce moment-là.

Chaque fois que je vois une maison ou un appart qui me plaisent, j'aurais envie de changer, j'ai une appétence au changement de logis, à la tentation d'expérimenter un nouvau point de vue depuis ma minuscule et courte vie (en définitive, bien que déjà longue) sur le monde autour. Comme un chat qui monte sur le dessus des meubles et ne résiste pas à essayer un nouveau carton. Car, c'est sans doute un réflexe un peu choppé dans la lecture du balzacien, ou du simenonien, j'identifie les individus aux cages et lieux qu'ils occupent et seuls les chats y échappent bien qu'ils aient, eux aussi, habitudes et préférences mais au moins ont-ils au cours d'une courte vie, exploré, essayé, changé et souvent eu plusieurs maîtres de leur propre chef. 

Car nous sommes tous depuis toujours enfermés et définis par, bernards l'hermite (autant garder l'archaïque orthographe), les coquilles (étrange que ce mot veuille dire erreur en journalisme) que nous avons choisies et que nous choisissons soigneusement avec nos instincts et nos ambitions d'observateurs, de dormeurs, frimeurs ou enfouis dans l'anonyme, beaucoup plus que nos professions où le hasard, l'héritage, la transmission familiale ont beaucoup trop de place et que nos amis, pour lesquels, outre le hasard, joue une série de clins d'yeux et connivences incompréhensibles.

Peut-être cet amour du changement, fuite selon certains, est-il lié à mon obligation, en France d'abord, à l'extérieur ensuite, de gagner rapidement en ne réfléchissant qu'à peine les postes qu'on m'offrait. Et ensuite au goût que j'ai pris à ce qui pour d'autres aurait été incommodité, arrachement au bien-être du rester immobile, dans ses marques, stable, illusion d'immuable. Au contraire pour moi, c'était l'espoir, la jouissance, d'un nouveau travail, échappant toujours à la routine, impossible à préparer, même le plus souvent à imaginer, fait d'improvisations et d'adaptations en cascades . . . et en prime, en substrat, en arrière fond, en immersion constante, la surprise, le plaisir, l'excitation de devoir entrer dans ces mondes nouveaux, et d'apprendre au milieu d'interlocuteurs pas toujours faciles à saisir, opaques ou bizarres, au moins par quelques actes, à maîtriser des situations inconnues. 

C'est ainsi qu'à peine arrivé à Kinshasa, arrivé depuis trois jours, j'ai dû faire face au cas de ce grand linguiste français, déjà border line et tonitruant, s'emportant et insultant ses adversaires à touts propos, débat, dîner officiel ou conversations de couloir . . . (et contre mon gré peut-être, je m'en trouvais donc, puisqu'il était français, responsable), invité à un colloque sur les langues nationales et la francophonie qui, parce que, généreux avec ça, il avait commandé un grand repas pour remercier ses homologues et autorités invitantes et au bout . . . avait non seulement refusé de payer (il avait dû, débarquant en période d'inflation à plus de mille pour cent, le Zaïre à l'époque atteindrait des records mondiaux bien supérieurs sur l'année complète, ne rien comprendre et d'alleurs à vrai dire ne pouvoir le faire . . . aux prix des mets et vins prestigieux choisis) . . . et . . . mais surtout . . . de plus . . . avait dû, après cette déconvenue spectaculaire, être interné en psychiatrie d'urgence, étant devenu sur sa lancée gesticulante, délirant et dangereux pour les autres et pour lui-même. 

Epoque bénie et en marge d'une équipe immédiatement soudée par les tours de garde pour éviter qu'il se jette par la fenêtre d'une salle en étage où l'ayant récupéré nous l'avions enfermé dans un bureau du service, nous les cultureux défiant toute légalité et bienséance, et on peut facilement l'imaginer, contact immédiat, dans le feu de l'action avec toutes sortes de petits et grands chefs locaux bien goguenards et moqueurs mais reconnaissants du bon débarras.

Oui, adrénalyne et même addiction, vieille addiction.

Ce jour et ce temps d'ondées subites m'y inciteraient.

Je vous raconterai un autre jour un vol en coucou dans un orage et une mission sous la pluie diluvienne en Guinée-Bissau révolutionnaire où le propriétaire portugais du centre culturel franco-guinéen inondé et impratiquable était un vrai truand ayant survécu aux cataclysmes historiques et autres.

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