mercredi 13 août 2025

Abeilles.

C'est un souvenir cuisant que j'ai déjà évoqué je crois, au moins ailleurs.

Nous visitions le campus d'une université agronomique. Les dirigeants qui nous accompagnaient avaient absolument voulu nous conduire aux ruches de la section apiculture, après que nous ayons parcouru pas mal de locaux fermés, salles de cours, réfectoire ou bibliothèque. Quand advint ce qui devait advenir, quelques unes d'entre elles, face à des inconnus, les abeilles sont évidemment physionomistes et avisées, nous piquèrent, moi deux fois au crâne, entre front et début de calvitie et mon chef de l'époque, au bras, une méchant avertissement.

Nos introducteurs accompagnateurs, par ailleurs charmants et accueillants autant qu'on pouvait l'être, eurent pour tort de sourire, ou du moins quelques uns d'entre eux, quand mon chef eut lui le mauvais goût de se plaindre assez amèrement de sa piqure et de la tournure de cette visite qui devenait punitive alors que nous venions pratiquer la coopération et l'aide.

Comme de mon côté malgré l'intensité des deux douleurs cuisantes à mon front, j'eus le stoïcisme discret de ne pas me plaindre et de sourire à mon tour, cela me valut la définitive hostilité de ce chef d'alors.

Moralité : rien ne sert de bien se tenir.

Conférence.


 Où étai-ce ?

J'étais convié à une de ces conférences-hommages comme il en existe. C'était en Amérique du Sud

La scène aurait pu être n'importe où. En Equateur, au Pérou, en Colombie ou même en Argentine ou au Brésil. Il s'agissait de rendre gloire à un poète qui était aussi un peintre et qui était bien que très connu localement resté modeste et caché. D'ailleurs on l'attendait tout au long de la conférence après l'avoir attendu longtemps avant de commencer. L'ambiance était très particulière. Assez ridicule pour tout dire. Les discours successifs qui ressemblaient à de pâles nécrologies, sauf un ou deux qui avaient eu la bonne idée de contenir des précisions et de meubler d'anecdotes les louanges banales, s'adressant à un homme absent de l'estrade - au fait, pourquoi l'intéressé était-il absent ? - qui aurait dû subir sans sourciller et sans rougir ces tresses et ces couronnes de lauriers, un peu comme s'il était déjà mort.

Avait-il eu l'intuition de ce désastre ? Se méfiait-il à ce point de ses amis ? Les connaissait-il suffisamment pour éviter le piège ? Etait-il absent pour une toute autre cause ? Pour raisons d'un réel empêchement ?

Pour le spectateur que j'étais c'était extrêmement gênant. Ces discours devant un grand absent comme s'il était déjà mort ou mécontent ou indifferent aux compliments. Il y avait là quelque chose de bizarre, d'inquiétant qui mettait en cause la notion même d'admirateur et de public. D'autant que la séance s'enfonçant dans l'absurde se poursuivait, allant à son terme : le départ du public totalement frustré et assailli d'interrogations sur l'intéressé principal, sur ses thuriféraires, su la notion même de lecteur-spectateur-admirateur.

On s'attendait ou a apprendre sa mort ou à le voir apparaître bien vivant et ricanant devant l'entrée de la salle où on avait tenu ces discours rendus creux par son absence.


Camus.

L'unique et grand Albert. L'ami proche de René Char. Un totem. Un fantôme des époques de gloire où il a vécu lui, Résistant. Sur fond de Guerre d'Algérie, drame et point de partage pour les Français. Lui, coupable seulement d'avoir écrit Misère de la Kabylie, mis au banc de la gauche par les marxistes purs et durs.

Difficile de lui échapper dans ma jeunesse tellement il éclairait ce monde encore obscur d'après-guerre dont nous sortions à peine. J'ai été longtemps abonné au journal Combat, résurgence de son esprit, en souvenir de lui. Bien sûr j'avais opté plutôt pour Héraclite, Epicure, Montaigne, Descartes, Spinoza, Husserl, Merleau-Ponty pour échapper à cette sienne vision, l'Eté, Noces, Retour à Tipasa, approche illuminée-illuminante mais aveuglément littéraire.

Son meilleur livre disait Sartre, d'après ce qu'en rapporte Jean Daniel, est La Chute. Bien d'accord, j'en ai fait l'expérience de plusieurs années d'études. Qui n'a pas lu La Chute à l'autre bout, envers et fin de l'Etranger ne peut percevoir le cycle et le procès du héros solaire dans cette oeuvre (c'est ainsi que j'essayais de la saisir et de la caractériser dans ce travail que j'avais envoyé à Roland Barthes). C'est à dire au travers d'une rhétorique embrassant la tragédie humaine comme un cycle naturel, appartenant essentiellement aux rivages de la Méditerranée et à son exclusive lumière productrice de lucidité depuis les Grecs.

Aujourd'hui encore ces lieux où il a vécu, ses formules, son regard, assaillent ma mémoire.

Il n'y a plus de déserts. Il n'y plus d'îles.

Capilotade.

Ce matin, dixième jour du, de la deuxième saucée de COVID, tête en capilotade, bouillie, charpie, compote,

après avoir toussé des jours et des jours et expurgé et fumigé ou dans le meilleur des cas expulsé, expectoré (presque) toute mon acrimonie me voilà vraiment presque remis mais tellement éreinté et spongieux/vaseux que je tombe, une fois séché, en poudre et en lamelles.

Maudits Chinois ! Maudit Wuhan laboratoire ou marché aux bêtes !

Maudit voisin qui est venu frapper à ma porte alors qu'il n'avait rien à me dire, juste porteur du truc immonde, je l'avais entendu tousser grave de l'autre côté de la terrasse quelques minutes avant cette visite inutile et criminelle, une toux irrépressible et chargée, covidée à fond de toute bienfaisance et bienséance, une toux agressive, insortable, quel salaud ! 

La capilotade est un plat d'origine espagnole cuit et recuit en morceaux disparates me dit-on et j'ai connu ce genre de pot-au-feu merveilleux et la charpie est un drôle de rassemblement et nœuds de fils extraits d'une toile usée qui servait à panser les blessures saignant abondamment du temps où Pasteur et l'industrie du coton n'avaient pas encore réformé tout ça . . . 

Tout ça, tout ça, la toux en prime, autant dire que je me sens un peu diminué bien qu'aimant toutes sortes de ragouts à condition qu'ils ne soient pas faits avec la chair et les humeurs de ma pomme.

dimanche 10 août 2025

Bataille de chats. Eduardo Mendoza.

 Riñas de gatos.

En effet, griffures, bluffs, beaucoup de cinéma comme chez les chats qui parfois s'agressent avant des combats plus durs, en mise en scène théâtralisée.

Cinéma ? Oui ce livre écrit en 2010 et qui a pour thème le passage à Madrid d'un expert anglais en peinture espagnole spécialiste de Velasquez en 1936 à la veille de la Guerre civile a été écrit on le sent bien pour qu'y apparaissent quelques scènes comiques, burlesques, saugrenues, caricaturales, donnant une vision bien grotesque et réjouissante de l'opposition du tempérament placide supposé aux Anglais face aux agitations et inconséquences fanatiques attribuées aux Espagnols. Manifestement l'auteur respecté et quelquefois mieux inspiré s'amuse et le contraste de cette visite impromptue d'un homme perdu au milieu des intrigues d'une société où ont déjà eu lieu des ravages et des massacres présageant d'un avenir déchirant, sanglant, aurait pu être "divertissant" et très puissant à la fois. Et certes quelques analyses de la situation sociale de l'époque sont claires et édifiantes.

Mais je ne sais pourquoi j'avais laissé ce livre de côté, malgré la traduction de François Maspero et les nombreux prix obtenus ainsi que son accueil très favorable en France, je crois comprendre maintenant ma déception.

Dommage d'avoir convoqué un tel thème et aussi le grand Velasquez (panneaux d'affichage alléchants) pour ce résultat si peu policier, mi instantané historique, finalement fait d'érudition et de longueurs étouffant un peu (mélange détonnant et difficile) humour dérisoire et tragique destin d'un peuple.

Blogs du Nouvel Obs.

 Je me souviens, ça remonte à quand ? Plus de vingt ans.

A ce moment-là l'hebdo de ma jeunesse (les années 60) paraissait pour ma retraite ou pré-retraite en numérique. Il avait bien changé. De grandes voix qui y avaient publié occasionnellement ou non s'étaient tues, où y publiaient encore, Cournot, Barthes, Foucault, Martinet, Karol,  . . . Jean Daniel y restait encore présent et éditorialiste.

Pour nous, piétaille, il y avait un recoin à la fin du journal, il fallait bien chercher, où pouvaient publier librement les lecteurs. Il n'y avait pas foule, malgré cette liberté, les gens préféraient peut-être en général commenter directement les articles des journalistes plutôt que de se lancer dans leurs propres mini-publications. Le fait est que nous étions un très petit groupe à nous connaître, à nous répondre, à dialoguer, à nous quereller ou à nous ignorer.

Très vite, bien qu'intervenant dans les commentaires des articles de journalistes patentés, de préférence les articles politiques, j'avais choisi dans les blogs de lecteurs de raconter des histoires en une sorte d'auto-fiction composée de récits courts et baroques. Très vite cette auto-fiction recouvrant parfois des expériences réelles transposées en récits plus ou moins oniriques avait eu l'heur de capter quelques lecteurs qui devaient, blogueurs eux-mêmes dans les mêmes colones, devenir des amis, parmi eux le juif Abou à l'humour horriblement triste et délicieusement juif, à la plume si drôle, qui devient vite et reste un extraordinaire et vénéré ami, ou l'étrange, aujourd'hui disparue, Aquatinte, qui racontait tantôt son quotidien, tantôt ses souvenirs de Constantine en Algérie, entre appartenance aux colonisés intégrés et petits blancs colonisateurs. 

Quant à moi, avec mon style répétitif, accumulatif, visionnaire et quasi ampoulé mes lecteurs ne sachant si je jouais les lourds archaïsants emportés dans le délire d'une langue illisible ou presque ou si j'étais un vrai poète antillais s'autoparodiant dans les excès lyriques du verbe.

En tout cas c'est de cet atelier qu'est partie ma recherche improvisée, une sorte de café-théâtre de l'écriture (déjà expérimentée dans d'autres textes beaucoup plus écrits) d'une mise en place de textes arrachés au quotidien et au banal de la vie : de nos tribulations avec un ami parisien pendant cette féria de Nîmes ou nous avions volé la plaque en cuivre d'un médecin psychanalyste trop surréaliste pour être vraie ou bien vu tomber comme dans une légende romaine, narration de mosaïque, un héros inattendu, jusqu'aux aventures d'un ami boxeur marocain dans les canaux et des ruelles de Sète jusqu'aux angoisses et aux ridicules de la salle de consultation d'une maison de santé cardiaque fameuse. 

C'est là aussi que quelques amis et moi avions été, dans une discussion homérique, traités, déjà, par des sionistes forcenés, d' "idiots utiles" après une passe d'arme à propos de Palestiniens déjà  plus que mal traités et humiliés par le gouvernement officiel d'Israël.


vendredi 8 août 2025

U comme soleil couchant des Utopies.

 . . . . bien sûr il y avait de la . . , ou quelque . . .  naïveté,  sans doute, de fait, une HéNAURME dose,  à croire qu'on pourrait sinon créer un homme nouveau, du moins créer les conditions de nouveaux rapports de développement égalitaires dans tous ces socialismes du XIXe siècle qui ont propulsé le désir de révolution de l'anarcho-syndicalisme au matérialisme historique en bifurquant vers la panoplie des terrorismes existentiels, quasi métaphysiques ou érigés en doctrine d'embryon d'Etat. . . .

. . . .cependant,  . .  ne plus voir là ou à leur suite . . . . que dystopie, l'horrible dystopie qui s'en prend comme un virus à tous les plans de progrès et de changements, ce n'est pas sombrer dans un sommeil de cauchemar, c'est hélas s'en prendre au fonctionnement bien réel du monde humain, peu avare d'hécatombes, de catastrophes prévisibles, de plans quinquennaux provoquant la morbidité, l'aliénation, la déshumanisation. . . . . est-ce pour autant le fin mot de l'histoire ?

Avons-nous seulement gagné en lucidité, en praticité, en pragmatisme, en utilitarisme . . . .

ou seulement en court cynisme dévastateur ?

[Voici donc ma 666ème chronique atteinte après avoir renoncé à garder présents sur FB, 666 amis, comptés au plus près.]

jeudi 7 août 2025

Supréma-tisme et -cisme, glissement brutal d'une époque.

 Effondrement, retour au pire. 

Incroyable cheminement depuis 1915 en Russie. Le mot suprémaTisme / et maintenant je l'entends malgré moi sous tous les appels au suprémaCisme . . . / désignait une nouvelle forme de recherche artistique, volonté de continuer le cubisme en ramenant formes et couleurs a de purs éléments, le blanc, le noir et des couleurs élémentaires, des formes géométriques vraiment simples, le carré, la ligne droite. Malevitch était comme Tolstoï un illuminé de Dieu concevant la peinture comme un évangile destiné à ramener l'humanité déjà bien profondément engagée dans la première guerre mondiale à une cure de désintoxication radicale, passant par les formes les plus pures. 

Il ya là, dans ce rêve, dans ce manifeste, une violente nouveauté, un appel à découvrir d'autres mondes et un appel à la paix.


Sa force abstraite, envoutante, rend à l'art sa valeur sacrée. Son aspect terriblement raide, tranchant, apparemment peu ouvert aux nuances et richesses de l'humanisme peut, a pu, effrayer, cependant, cette démarche radicale, brutale, s'est avérée nécessaire pour ouvrir par une déchirure révolutionnaire la possibilité de la peinture abstraite et son règne terriblement fécond. Une vision du monde où nous sommes plongés dans une toute nouvelle dimension. Notre regard depuis n'est plus le même. La petitesse du monde a explosé, comme sous l'effet d'un télescope géant ouvrant le champ pictural a réflexion sur la matière, 
donnant naissance à d'autres univers.

Mais regardez inversement aujourd'hui ce qui surgit et porte le nom de suprémaCISME,  le Suprémacisme blanc, juif, ou je ne sais quoi d'autre aujourd'hui.

Au lieu de nous présenter une nouvelle vision du monde à laquelle il est toujours possible de ne pas adhérer, une vision prétendant échapper aux calamités bellicistes, comme le font Malevitch et ses disciples, on affirme à nouveau et on tente d'imposer par la force brutale, hors débat, hors décision démocratique, sans le moindre recours à l'esprit critique, les vieilles doctrines coloniales, racistes, déviantes infondées et bannies, outrageusement rétrogrades et anti-scientifiques ouvrant de nouveau l'humanité aux luttes sans fin aboutissant à des dominations et exploitations  infâmes. Les théories qu'on aurait pu croire interdites par la plus douloureuse expérience de l'histoire osent s'afirmer comme des solutions logiques, inévitables, uniques.

mardi 5 août 2025

Inclinaison des axes de la terre.

 . . . ça m'étonne, on n'en parle pas . . . .

. . . pourtant, avant un inévitable renversement des pôles géographiques à la suite de la fonte des masses de banquise océanique, au Nord, et la réémergence du continent terrestre que constitue sous la glace le pôle Sud, les inversions ou déplacements des pôles magnétiques plus courantes se produisent, . . .

et alors qu'en est-il de ce déjà très sensible glissement des saisons en fonction de l'inclinaison des pôles géographiques, précisément ?

tout le monde a pu constater déjà en Europe si intelligente, si avancée mais si décidément enkystée dans ses traditions qu'elle fait comme si elle n'avait rien remarqué, . . .  depuis quelques années le glissement suivant :

le printemps devient le plein été et l'été, malgré quelques résurgences de chaleur plus tardives en "étés indiens" parfois beaucoup plus tard, ressemble à l'automne, ciels bleus ou voilés mais fraîcheur déjà.

Si bien que je m'étonne qu'on n'ait pas encore songé à déplacer les vacances prises par la majorité des aoûtiens . . . . en juillet ou même en juin caniculaires, la reprise à plein des grandes entreprises et fabriques pourrait ainsi avoir lieu dés le 1er août. 

D'ailleurs les fameux orages du 15 août ont maintenant lieu en juin ou juillet.

De même, dans un autre genre de dénégation la vieille Europe dénaturée et déjà surpeuplée se surpasse, je m'étonne qu'on se réjouisse de l'augmentation exponentielle des animaux "de compagnie" ou "domestiques" prenant la place d'enfants désirés, traités comme tels, qui signifie non pas amour, douceur, bien-être assuré et retour à la nature mais désarroi, perte d'humanité, replis sur soi, détournement d'instincts naturels et reconnaissance de la seule domestication, oubli à la fois des valeurs propres à la race humaine et de la valeur rare et irremplaçable de la nature sauvage; mais c'est là une autre histoire de non-dit bien propre aux peuples décadents.

[ainsi parlait un confus complotiste de ma connaissance]

samedi 2 août 2025

Jumeaux.

 Les derniers jumeaux que j'ai rencontrés étaient des clones du père, même façon de marcher, de nager, de manger. C'était fascinant de voir leur masse familiale de largement plus de 300 kg avancer d'un même pas tranquille, inexorable, pour se plonger dans l'eau avec la même lenteur et détermination individuelle et collective. Surtout de les voir nager un crawl efficace, la tête hors de l'eau avec la puissance de leurs bras massifs, sortes de sumos presque debout dans les vagues.

Nouvelles du chat centenaire.

 Il est encore beau avec son pelage beige moiré de gris et de blanc toujours brillant, le tigre qui poussait des cris sauvages il y a peu, bien qu'il paraisse un peu gonflé, boursoufflé comme ses maîtres, effet de la vieillesse, de l'usure des organes digestifs et éliminateurs de graisse, effet de la sédentarité, de la trop abondante nourriture obtenue sans aucun effort, de la privation des aventures possibles sur les toits et dans les souterrains des immeubles.

Il s'est calmé le chat qui poussait des hurlements pour se faire entendre sans se faire comprendre. Nous ne savons pas pourquoi. Il est doux comme un agneau et tranquille depuis sa dernière visite au vétérinaire qui le trouve en parfait état.