Je me souviens, ça remonte à quand ? Plus de vingt ans.
A ce moment-là l'hebdo de ma jeunesse (les années 60) paraissait pour ma retraite ou pré-retraite en numérique. Il avait bien changé. De grandes voix qui y avaient publié occasionnellement ou non s'étaient tues, où y publiaient encore, Cournot, Barthes, Foucault, Martinet, Karol, . . . Jean Daniel y restait encore présent et éditorialiste.
Pour nous, piétaille, il y avait un recoin à la fin du journal, il fallait bien chercher, où pouvaient publier librement les lecteurs. Il n'y avait pas foule, malgré cette liberté, les gens préféraient peut-être en général commenter directement les articles des journalistes plutôt que de se lancer dans leurs propres mini-publications. Le fait est que nous étions un très petit groupe à nous connaître, à nous répondre, à dialoguer, à nous quereller ou à nous ignorer.
Très vite, bien qu'intervenant dans les commentaires des articles de journalistes patentés, de préférence les articles politiques, j'avais choisi dans les blogs de lecteurs de raconter des histoires en une sorte d'auto-fiction composée de récits courts et baroques. Très vite cette auto-fiction recouvrant parfois des expériences réelles transposées en récits plus ou moins oniriques avait eu l'heur de capter quelques lecteurs qui devaient, blogueurs eux-mêmes dans les mêmes colones, devenir des amis, parmi eux le juif Abou à l'humour horriblement triste et délicieusement juif, à la plume si drôle, qui devient vite et reste un extraordinaire et vénéré ami, ou l'étrange, aujourd'hui disparue, Aquatinte, qui racontait tantôt son quotidien, tantôt ses souvenirs de Constantine en Algérie, entre appartenance aux colonisés intégrés et petits blancs colonisateurs.
Quant à moi, avec mon style répétitif, accumulatif, visionnaire et quasi ampoulé mes lecteurs ne sachant si je jouais les lourds archaïsants emportés dans le délire d'une langue illisible ou presque ou si j'étais un vrai poète antillais s'autoparodiant dans les excès lyriques du verbe.
En tout cas c'est de cet atelier qu'est partie ma recherche improvisée, une sorte de café-théâtre de l'écriture (déjà expérimentée dans d'autres textes beaucoup plus écrits) d'une mise en place de textes arrachés au quotidien et au banal de la vie : de nos tribulations avec un ami parisien pendant cette féria de Nîmes ou nous avions volé la plaque en cuivre d'un médecin psychanalyste trop surréaliste pour être vraie ou bien vu tomber comme dans une légende romaine, narration de mosaïque, un héros inattendu, jusqu'aux aventures d'un ami boxeur marocain dans les canaux et des ruelles de Sète jusqu'aux angoisses et aux ridicules de la salle de consultation d'une maison de santé cardiaque fameuse.
C'est là aussi que quelques amis et moi avions été, dans une discussion homérique, traités, déjà, par des sionistes forcenés, d' "idiots utiles" après une passe d'arme à propos de Palestiniens déjà plus que mal traités et humiliés par le gouvernement officiel d'Israël.