vendredi 21 août 2020

H de Homonymes.

Récemment un certain Bon, préoccupé par l’occurrence de son nom ("propre"), en l’occurrence, le François Bon impossible à confondre avec un autre, fils de garagiste, ingénieux ingénieur, explorateur et diffuseur des ressources littéraires de notre monde avec et après l'imprimerie en machines, hypertextes, paroles proférées, fréquentation des friches industrielles, ateliers, interventions, performances inspirées, amour des architectures urbaines, Toile folie, la Grande, inflexions de voix, images filmées, concerts saturés et mots en abyme et en synergies connectiques, nous parlait de ça, nous disait qu'un nom dit de famille, aussi répandu soi-t-il ou pas, c'est quelque chose de construit . . . et hier j'ai cherché, une fois de plus, une fois encore, le rapport de parenté réel et  littéraire entre les deux Garcilaso de la Vega, le poète renascentiste tolédan célèbre dans toute l'hispanité de ses cinq chansons, deux élégies, de son épître et trois églogues et le péruvien dit El Inca Garcilaso.

Curieux non ? de trouver un autre Garcilaso de la Vega le fameux en arrivant au Pérou, qui plus est historien de première grandeur, grand témoin de la culture inca exterminée, considéré comme le premier écrivain du pays vice-royaume, historiquement , fils de militaire lui aussi et poète aussi.

C'est que c'est une histoire tendue, nouée de traditions, ascendances, préjugés et fausses évidences où se sont engouffrés critiques et psychanalystes. 

D'autant que ce jeune homme à vingt ans et quelques, quand il va pour enterrer son vrai père en Espagne - et que là, de plus, couches accumulées de  l'histoire imposée, greffée par les hommes, "Conquête" et bâtardise s'en mêlent - décide de changer son nom pour s'en imposer un autre et pas n'importe lequel. Il abandonne celui fixé par sa famille et revendique d'un coup l'ascendance indienne que son nom espagnol imposé aurait pu partiellement cacher, sa mère était une princesse Inca, et par son nouveau nom public, s'attribue l'héritage du sang de son père, conquistador vivant à Cuzco, descendant d'une noble famille qui se distingua déjà par un amiral héros d'une autre conquête, la Reconquête de l'Espagne musulmane et beaucoup plus tard, par ce guerrier désormais homonyme devenu très grand poète avec lequel il a un lien de parenté, premier Garcilaso de la Vega qui est en effet son arrière grand oncle.

Construction, construction quand tu nous tiens !

Les hommes sont faits et se font tout autant, se battissent de ruines et de sang. Parfois ils se font aussi, resurgissement en mémoire et monument des oeuvres de leurs ancêtres. 

Car rien dans cette terre Amérique n'échappe à la duplication impossible. La terra incognita  n'est pas tabula rasa. Vouloir retrouver le Paradis ou l'Eldorado, c'était surtout tenter d'effacer et de recommencer le monde en y transportant, fausse page vierge, nos discours imposés, gravant et marquant au fer rouge dans sa peau, notre inquisition et exploitation, y acclimater nos erreurs, en inventer d'autres et y lire, en notre nom, double estampillé, miroir retourné, la marque de nos limites, la condamnation de nos traditions brutales, de nos dévastations, fixé à jamais, imprimé, le témoignage des mondes que nous avons détruits.

  


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