lundi 7 décembre 2020

RRR 1. Récit de Rêve Rapporté . . .

 . . . par l'interposition ou l'entremise involontaire d'un psychanalyste aujourd'hui déchu de son piédestal qui se dit victime d'un complot ou d'une cabbale après avoir eu de graves démêlés avec la justice de son pays et Interpol dans le cadre d'une commission rogatoire internationale mise en place pour l'accusation de crime en bande organisée, de cybercriminalité et de divulgation d'informations stratégiques classée secrètes par divers Etats. En effet, et quels que soient ses crimes réels ou faussement présumés, la mise en examen de cet homme d'influence a fait apparaître au jour, du moins aux yeux de quelques uns, des comptes-rendus de séances qui auraient dû rester dans l'ombre de son cabinet. Malgré les trop élémentaires précautions qu'il a très maladroitement (naïvement . . . ou peut-être plutôt à dessein, . . . mais alors dans quel but ?) prises en modifiant si légèrement les prénoms et patronymes de ses patients si haut placés pour la plupart dans le Gotha mondial, apparaissent ainsi en clair des séquences entières de la vie secrète et très privée de ceux qui par excès de confiance en ses talents d'analyste et en sa fiabilité de haut praticien,  l'ont autorisé à enregistrer ou à prendre des traces écrites de ces entretiens appartenant maintenant à la saisie légale de ses notes de travail.

Le fragment 630 CC faisant partie des pages mystérieusement répertoriées R3 dans ses archives, est d'autant plus difficile à classer qu'il est, parmi les documents inédits que je souhaite publier un jour, qu'il doit être considéré comme "très sensible" selon la nouvelle terminologie et qu'il est, de fait, de toutes façons, non publiable in extenso. 

Ce matin, Idel Castrof allonge son grand corps raide sur le divan de mon cabinet et me regarde en se retournant à-demi. Il a l'air vraiment ennuyé dans le survêtement rouge qu'il ne quitte plus depuis qu'il a été contraint de faire confiance à son demi-frère Aoul Castrof. 

Comme d'habitude, cependant, ça ne l'empêche pas de surjouer; il joue fort bien le gamin ennuyé qui dit, vraiment ça m'ennuie de vous le dire mais qui le dit.

Et il dit :

- La nuit dernière j'ai fait un drôle de rêve.

Il s'arrête un peu comme tout bon conteur puis il ajoute : les époques se mélangeaient et les pays aussi , j'étais berger . . . ni en Angola ni au Mozambique (petit rire sans me regarder), j'étais berger en Palestine. J'attendais dans une file. Je faisais la queue (rire à nouveau), non pas pour recevoir un cadeau ou une autorisation . . . non, j'attendais depuis longtemps pour l'adoration . . . 

Silence.

Il reprend :

- Et j'avais une terrible envie d'uriner.

Alors il m'adresse dans son vieux visage buriné, un peu décomposé, un sourire qui ne trompe pas, visible à cinquante mètres, un sourire comme en décrochait parfois l'abbé Pierre dans sa barbe, un sourire à désarmer une multitude.

- Un simple berger venu adorer l'enfant Jésus, reprend-t-il, juste avant l'arrivée des Rois Mages. Oui et j'étais trop pauvre pour faire un cadeau, mais j'avais une idée . . . 

Il marque un temps d'arrêt

- J'avais l'idée de m'approcher de la Vierge Marie et de lui dire :

" Au lieu de fuir en Egypte, ces histoires avec les Arabes ne vont jamais finir . . . "

J'avais subodoré une provocation politique, de celles qui lui servent maintenant à oublier sa prostate, mais je me trompais, c'était tout le contraire, l'histoire pour aujourd'hui se terminait par : "J'avais trop envie d'uriner, j'ai dû quitter la crèche et aller derrière le mur avant d'avoir pu parler à mon tour".

Mais je me suis encore trompé, l'histoire continue :

- Sur le mur où j'urinais, il poursuit d'une voix enfantine un peu moins enjouée, il y avait affichée la première page d'un journal : La Gazette de Kingston-upon-Hull, avec un gros titre dont je me suis dit sur le moment que je m'en souviendrais toute ma vie; c'était :

LE    DERNIER    DISCOURS    DE    FIDO    MAXIMOV.


(A suivre . . . )

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