vendredi 27 avril 2018

requiem pour le mot Mort.

Il n'y a guère que dans les polars qu'on ose mettre le mot mort dans le titre.
Comme si l'hécatombe, le labyrinthique, le crapuleux, l'atroce mutilation des victimes, l'inutile calcul ou je ne sais quelle fascinante kyrielle de machinations enchaînées, pouvait mithridatiser le lecteur, le rendre imperméable à l'angoisse de cet acte auquel renvoie le mot. Acte généralement passif sauf dans l'intimité obscure du suicide.

Les prédicateurs et les philosophes qui en ont trop usé n'osent plus trop. D'ailleurs, à quoi servirait-il de s'y préparer si pour beaucoup d'entre nous, nous ne croyons à l'après, après ce "passage", que comme à la pure disparition ? pourquoi l'invoquer en le prononçant ? si justement aucune approche n'est possible de ce royaume qu'il désigne, au sas en forme de nasse irréversible, trappe du néant ?

Pourtant l'image radicale de la mort, ressuscitée des archéologies primitives et médiévales, fut-elle taillée dans un coquillage comme cette très petite sculpture qui était sur mon bureau avec un minuscule oursin fossile et qu'on m'a volés tous les deux, je ne sais quand . . . dont il ne me reste que cette photo ( le mot, lui, n'est ni une étiquette, ni une image il reste dans ma gorge, sourd et roque avec cet R suivi, prolongé d'un T muet) a envahi et colonisé notre iconographie.
Beaucoup plus que cette image ventage, XXe . . . de l'ange compatissant, aux grandes ailes . . . des tombes riches des cimetières moussus, moyennement anciens.

Serait-ce possible que cette image, 
squelette nu, crâne raclé, aigu des os,
hiéroglyphe, rébus,
métonymie,
glissement frontal et pied de nez, pour aussi directe qu'elle paraisse, frappant notre vue d'un brutal résidu, scorie de vitalité,
beaucoup plus efficace que celle du drap fantôme occultant,
soit, à tout prendre, moins inquiétante
que d'articuler de ses lèvres, de ses dents, de sa langue, le mot ?

L'image nous rassure et nous rejette, en forme de culte vaudou, dans la turbulence et la vigueur de la vie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire