samedi 28 avril 2018

S de Sentier lumineux.

Il n'était pas nécessaire d'aller au cœur des Andes où ils faisaient sauter les pylônes à haute tension ramenant l'électricité produite dans les très hauts barrages, plongeant ainsi la capitale dans l’obscurité pour avoir des nouvelles de Sentier.
Oui, je parle encore de Sentier autoproclamé Lumineux.
Un jour je venais d'arriver au Pérou et j'avais quelques contacts avec des théâtreux qui avaient organisé dans une maison appartenant à l'un d'eux, une fête où j'étais convié. Rhum et/ou Coca, c'était possible, ou rhum+Coca et citron vert, rien d'autre que ce Cuba libre à boire. Ce n'était pas triste. A la fin de la soirée, quelqu'un m'a glissé :

- Tu sais qu'il y avait, qui sont venus sur le tard, des types de Sendero.

Dans ma tête évidemment, mais ne connaissant pas grand monde dans l'ensemble des cinquante ou soixante participants, j'essayais d'imaginer, en souvenirs encore frais, lesquels étaient des sendéristes, peut-être pas forcément les plus costauds, ni les plus maladroits pour danser et de plus ça avait bougé, entrées et sorties avec la musique à fond. Autant le groupe Tupac Amaru à l'époque, semblait relativement intervenir dans le symbolique dans ses actions ou exactions, autant Sentier était déjà impliqué dans de nombreux assassinats et enlèvements utilisant sans états d'âmes, en y ajoutant la terreur, la rancœur bien compréhensible et l'injustice faite aux abandonnés de la sierra.

Le lendemain à la sortie d'un spectacle où jouaient les membres du même groupe d'acteurs, quelqu'un me dit, les gens de Sendero voudraient te voir. Le surlendemain, en effet en arrivant au boulot, ce n'était plus "ils voudraient vous voir" c'était "ils vous attendent dans la voiture". Je vois devant la porte de l'institution où j'étais censé avoir autorité, un gros 4 x 4, . . .je jette un œil au gardien de l'entrée, un homme de confiance qui m'invitait toujours à des combats de coq où je n'ai jamais été, qui me fait signe de monter par la portière venant de s'ouvrir. comme si c'était un acte obligatoire ou comme si, selon lui, je pouvais le faire sans risque.

Dans ce genre de cas on a peu de temps pour réfléchir, on ne sait pas trop ce qui fait qu'on y va ou pas. Bien sûr j'ai dû me dire quelque chose comme "je suis repéré, s'ils veulent me retrouver je ne leur échapperai pas, autant y aller". On a fait le tour de quelques cuadras (quartier, pâtés de maison) sur de larges avenues, le temps de subir un interrogatoire où mes trois interlocuteurs, à découvert, deux devant, un derrière assis à côté de moi, voulaient connaître l'opinion qu'on avait en France sur Régis Debray et savoir si on le considérait comme responsable en quelque chose de la mort du Che. J'ai dit avec un calme qui m'étonnait ce que tout le monde croyait savoir et précisé n'avoir aucune clarté particulière sur le sujet.

Au bout d'un moment ils m'ont ramené, sans plus.
Voulaient ils me voir de plus près et lancer clairement un avertissement ne sachant si, en dépit de toute vraisemblance, j'aurais pu avoir des velléités de jouer les informateurs ou plus invraisemblablement encore, les infiltrés ?

Par la suite nous n'avons eu aucun autre contact face à face, hormis une occupation des lieux lors d'une journée de grève générale organisée pas Sentier où ses partisans, après un défilé en ville, étaient entrés dans le local de notre école de langue au centre ville pour exiger symboliquement l'intervention de la France contre l'actuel gouvernement du Pérou (c'était l'époque où ils se sentaient ou se croyaient soutenus par un certain entourage de l'épouse de notre président de la république) avant la venue de l'un de ses plus hauts représentants.
Mais si j'en ai l'occasion je reviendrai sur cet épisode surprenant et encore trouble pour moi.

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