mercredi 18 avril 2018

Paresse.

On m'a toujours dit que j'étais un paresseux contrarié. Quelle incompréhension ! Je n'ai jamais été paresseux mais emporté au loin souvent par mon imagination, par un désir de vie intense et d'aventure quand le réel me semblait insuffisant, répétitif, gris, humide et flou, piquant inutilement, bêtement jaloux, usant par frottement, gras, poisseux ou banalement nauséabond, mais donc, en définitive peu régulièrement laborieux.
Ainsi ai-je souvent, comme tant d'autres qui me liront ou pas, et bien avant son invention, pratiqué le zapping de plages entières de cours, leçons à apprendre, déclinaisons, équations, dictées de monotonies, au point que quand quelque truc au hasard m'intéressait vraiment le prof ne pouvait croire mes avancées et encore plus s'étonnait-il à mes solutions en raccourci par construction de figures en géométrie. J'ai donc traversé mes obligations un peu négligent toujours des fastidieuses punitions qui par orgueil me donnaient plus à rêver qu'à m'humilier. Quatre heures de colle un samedi  matin, répétées un dimanche, ni le "pion" me surveillant, ni moi, n'étions de bonne humeur , passées à lire je ne sais plus quel roman de Conrad au lieu d'apprendre le texte de Virgile dont seul le début m'est resté, douce musique des Bucoliques, m'étant refusé à aller au-delà des deux premiers vers, toujours en horreur d'apprendre par cœur (ah ce pâtre allongé sous le chêne et soufflant sa mélodie !) :

Patulae recubans sub tegmine fagi / Silvestrem tenui musam meditaris avena . . . /

Et s'il m'en reste quelque chose c'est bien cette indifférence aux critiques que je crois non fondées et cette rage à m'occuper à fond, sans plaindre aucunement ma peine, de ce que j'aime, sans égard aux oppositions et parfois aux risques, qui me valut plus tard, déjà, et que je n'attendais plus, ni n’aurais pu imaginer, une si bonne appréciation sur le livret scolaire du même et pas si méchant persécuteur. Quel élève et fils contrariant j'ai dû être, pensée compatissante pour mes parents et éducateurs. Y compris mon père qui patiemment essaya, vainement, de m'apprendre la flûte.

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