Calamités, ruptures du rythme et déconvenues, le quotidien en est tissé. Autant s'y préparer. On nous en promet quelques unes. De plus, elles sont souvent imprévisibles.
En ce qui me concerne, autant dire et pourrait-on croire à première vue que je les ai cherchées, allant dans les pays où j'allais.
Qu'on ne me prenne pas pour autant pour une sorte de chercheur de typhons, de tempêtes ou de cyclones.
(D'autant que n'étant pas fils d'archevêque, malgré mon irréprochable tableau d'honneur, j'avais tendance, sachant qu'il n'y aurait pas d'autre offre, telle est la dure loi, à prendre ce qu'on me proposait comme lieu de parachutage.)
Pas vraiment, non, pas vraiment storm hunter,
j'ai cherché plutôt à éviter l'ennui répétitif de nos pays supposés tempérés et policés, tout en passant entre les gouttes brûlantes, explosives et les bourrasques les plus cinglantes, rudes et glacées du temps, curieux d'expérimenter cette liberté qu'on pouvait peut-être trouver dans ces foutus pays-volcans, pays non éteints, déployant des énergies et des audaces perdues sur la croute de notre vieille Europe cacochyme et repliée sur les plaies à peine sèches de ses petits et grands malheurs.
A vrai dire quand je suis parti, accompagné de femme et enfant, au Brésil pour un poste à Rio j'ai peut-être fait des envieux mais on ( on : ma grande famille enracinée, mes collègues, mes amis assez nombreux dans la ville où j'étais implanté, sauf mes proches les plus proches) m'a le plus souvent demandé ce que j'allais faire dans un pays aussi incertain, chaud, insalubre, sauvage et déraisonnable en résumé, déraisonnable comme j'étais sans doute moi-même de vouloir partir alors que j'avais une "carrière" ou du moins une voie, et ma compagne aussi, toute tracée et jugée un tant soit peu (promesses ! promesses !) prometteuse dans la France profonde et somme toute privilégiée où j'aurais pu construire filière et chaumière et m'enkyster . . . ;
mais c'était justement cette énorme et fluctuante folie qui m'attirait, hors barrières et prévisions, qui nous attirait, ma compagne et moi, une sorte de trop plein d'espoir sans doute.
Alors à ce jour, je ne sais pas où nous allons en termes de cataclysmes annoncés ou préfigurés, ni ici ni ailleurs, mais voilà, entre mille fluctuations, entre craquements annonciateurs, sans vouloir jouer les Cassandre nullement, le pire n'étant jamais sûr et les prévisions toujours à côté de la plaque tectonique,
voici ce que nous avons déjà vécu par exemple à Lima, capitale développée, équipée de toutes sortes de services, de traditions originales, tête d'un pays démocratique, pourvue de brillantes universités, d'un peuple multiculturel, patient et travailleur, ayant supporté déjà de terribles bouleversements, aspirant à la paix, producteur de richesses en tous genres y compris sur le plan des arts, des lettres et subtils ou surprenants divertissements. . . .
. . . et en rupture totale avec la tranquillité relative ou apparente en surface, déjà très relative avec ses coupures géantes d'électricité, ce plus ou moins lointain fond très inquiétant et inextinguible de luttes révolutionnaires nées des, reproduites depuis la conquête et aggravées, inégalités, dans la Sierra, les forêts et vallées perdues exploitées comme colonies, qui parfois se rapprochait des centres de décision finalement mal protégés, enfoncés dans le souvenir d'un Pérou riche et idyllique n'ayant jamais vraiment existé (voir Sébastien Salazar Bondy) tranquillité reposant sur le mol oreiller de l'économie anémiée par la difficulté des importations, mais subsistante en survie et sur le champ miné des énormes problèmes sociaux, structurels, architecturés, énormes à l'échelle de tout le continent mais ici exacerbés, envenimés par mille tentatives putschistes et populistes.
Cette image de deux revues de l'époque rend très vaguement compte, par exemple, de deux événements déstabilisateurs :
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