mardi 11 janvier 2022

O de ostensiblement.

 Beaucoup de mouvements se font derrière la scène du théâtre du monde sans être forcément malhonnêtes ou répréhensibles ou en quoi que ce soit "obscènes" (à ne pas montrer au spectateur selon les normes classiques), ou forcément secrètes.

Ainsi la plupart des recherches, des calculs, des prises de décisions, des actes intimes, des pensées, des sentiments, des associations d'idées, des  éclairs ou retournements de conscience, des nostalgies ou des auto-reproches, sans parler de tout ce qui fait que le monde tourne, change, suit sa pente, évolue, pousse, se déploie et se troue et s'use et se retourne, tout cela se fait  "derrière", en coulisses, dans le noir, l'ombre, la méconnaissance de la grande majorité des yeux et des sens ouverts aux affuts et pourtant prêts physiquement à en capter les signes, des signes qui même perceptibles n'ont aucun sens pour la plupart d'entre nous, signes qui n'attirent en rien notre attention ou que nous interprétons très partiellement et de travers.

Ainsi par exemple nous pouvons qualifier de beau, en tant que spectateurs passagers, comme spectacle naturel romantique, un iceberg qui fond et s'effondre en cascades et en bombe dans la splendeur d'une lumière arctique, alors qu'il pourrait signifier pour d'autres regards, catastrophe climatique et biologique, disparition de vies, d'espèces, rupture des équilibres, épuisement des courants, dégradation des climats qui nous baignent et nous portent. 

Ainsi  . . . mais ça n'a rien à voir, Descartes notait, 

lettre à Pierre Chenut, ambassadeur et ami de longue date,  le 6 juin 1747, à peine quelques années avant de partir à Stockholm pour y mourir bientôt de froid :

" . . . lorsque j'étais enfant j'aimais une fille de mon âge qui était un peu louche . . . "

et aussi :

. . . " nous avons raison de préférer ceux à qui nos inclinations secrètes nous  joignent ".  .  .

Certes, nos très étroites priorités éphémères ou nos tendances enracinées dans la prime enfance  (comme ici cette fixation amoureuse sur le strabisme), nous éloignent  - par une liaison qui s'établit en surface ou en profondeur de notre conscience aigue - d'une observation et d'une conduite rationnelle,  largement informée, largement étalée dans le temps et dans le spectre de la lumière.

Cependant . . . 

Que voilà un bon départ pour le "Traité des Passions" de notre homme donnant lui-même tant de grain à moudre à l'Ethique de Spinoza (pourtant rédigée "more geometrico", que ce rapport aux femmes  !

Femmes qui vont, par les questions qu'elles suscitent, subconsciemment ou par explicite questionnement épistolaire, ce sera le cas de la Reine Christine de Suède qui voulait à tout prix savoir ce qu'était réellement l'amour et avant elle de la Princesse Elisabeth de Bohème, faire avancer le schmilblick !

Ostensiblement  . . . celui dont quelques obtus mal intentionnés ont cru pouvoir faire un monstre froid de rationalité (pensez-vous  ! . . . il traitait les animaux et aussi les hommes en fin de compte, de machines !), assumera  son impétueuse nature, au point d'aller philosopher, à pieds refusant le carrosse, si fier chevalier, à cinq heures du matin (car elle est très occupée tout le jour) avec Christine, la très jeune et très savante reine, indépendante, sportive et impérieuse, "au pays des ours" (dont elle voulait faire "une nouvelle Athènes"), lui, qui , bien que cavalier et militaire, auteur d'un traité d'escrime, aime les chambres bien chauffées et qui toute sa vie s'est levé tard, paressant et rêvant dans son lit, bien qu'il n'en ait pas moins eu l'impression, à plusieurs moments de cette existence aventureuse, que le monde lui appartenait.

N'en suis-je pas, toutes proportions (infimes, renvoyant à l'infinitésimal en échelle graduée) gardées, moi, faible raisonneur, radoteur pacifique, qui dormais si bien le matin à me lever aux aurores maintenant, en fin de vie, pour l'amour d'une insomniaque ?

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