vendredi 30 décembre 2022

Alphabio(pic).

 Vous aurez sans doute remarqué à quel point ma vie est loin d'être un (alpha)biopic.

Ni cinématographique, ni alphabétique puisque je laisse au lecteur toute latitude pour imaginer les scènes que je ne fais que très succinctement évoquer, d'une part et que d'autre part, je n'ai même pas envie de les ranger par ordre alphabétique car, pour le moment du moins, je préfère le grand désordre du tout venant de ma mémoire au jour le jour, d'impulsions qui viennent et vont à leur gré. Qu'enfin surtout, le biopic repose sur la célébrité du sujet dont on met au point la biographie alors qu'en ce qui me concerne, je suis un parfait inconnu. Par surcroit, un inconnu cachant son identité sous un pseudonyme au cas où une infime parcelle de notoriété surgirait au détour d'un récit trop précis.

Pourtant, j'ai eu ma part de succès quand je racontais dans un blog maintenant détruit, disparu, irrécupérable, ma vie de "lapin qui tenait le haut du pavé dans la noble rue du Sceau du Lièvre", c'était à peu près son titre ridiculement accrocheur pour les esprits naïfs. Les lecteurs attirés par tant de vanité enfantine (quel âge pouvaient-ils avoir ? de 8 à 88 ans et quelquefois plus jeunes ?) accouraient du monde entier. Je les saluais peu à peu, à mesure qu'ils se présentaient comme lecteurs situés sur la petite sphère, venus des coins les plus inattendus? Sauf  longtemps d'Australie, sans doute à cause du souvenir de cette triste affaire de lapins ravageurs qu'ils ont du là-bas massacrer en utilisant l'arme biologique de la myxomatose, jusqu'à ce que je les interpelle nommément et les appelle à une réconciliation, ces lecteurs potentiels, en tant que citoyens d'une nation s'étant livrée à quelques pratiques discutables et alors ils se sont mis, eux aussi, à lire, avec ou sans profit, ces aventures incroyables du Lapin Universel aujourd'hui devenu mythique et oublié de tous sauf de quelques amis privilégiés qui parfois m'en donnent des nouvelles.

Ainsi puis-je espérer au moins que ces récits jetés au grand malstrom des aléas du Net n'ont pas fini de sombrer dans l'oubli d'un trou noir d'où ils n'atteindront pas, par leurs éclats éteins depuis déjà longtemps, les gens, amis, ennemis, que j'aurais pu décevoir ou blesser ou même irriter, exaspérer, contrarier ou traiter dans mon élan, alors que j'étais encore habité de l'énergie nécessaire à une vocation, à une ambition, à la réalisation de projets impliquant les autres, avec une aveugle injustice ou quelque irréparable brutalité.

Je me souviens d'avoir grillé des feux et roulé sur un trottoir pour échapper à un embouteillage monstre à Lima. Tout ça pour arriver à l'heure à un rendez-vous qui me paraissait capital. Je ne crois plus être capable de cet emportement cynique à la 007. 

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Pourtant je me revois encore dans ma petite Susuki deux portes tout terrain, entretenue par un garagiste japonais génial, capable de franchir des dunes ou des à pics de carrières ou de mines dans ce pays ne fabriquant pas de voiture et où toute importation était impossible et où j'ai crapahuté pas mal, pas seulement en prenant d'assez vieux avions, en roulant sur des routes peu encombrées mais sur lesquelles le danger pouvait surgir sans . . . . et d'incroyables pistes où ne passaient que des camions prenant toute la largeur . . . 

Je m'y revois de temps à autre avec Henri et Marinette Cueco dans le désert de Chancay rempli de tombes anciennes d'où émergeaient dans les replis de sable, comme des naufragés dans les vagues d'un océan terrestre, cranes, ossements, tissus des suaires à motifs d'oiseaux. Marinette qui, à peine en retrait de son fameux époux, peintre et écrivain critique et militant, a tissé toutes sortes d'herbes dans son atelier, était fascinée, elle ne pouvait s'arracher du lieu. Nous avions pu observer juste avant ces petits oiseaux vivants capables de sauter dix ou quinze fois leur hauteur d'une simple détente pour faire la cour à leur belle, . . . . . . Et nous flottions, nous aussi naufragés vivants, au milieu des fragments de poteries, de tombes éventrées, celles de leurs lointains ancêtres, déterrés, sortis du sommeil sans images par des populations de "huaqueros", fouilleurs de tombes, sol ouvert sur le passé refermé, trop accessible, conservé dans la sècheresse du sable . . . corps desséchés, cheveux conservés, collections de générations entourées parfois de leurs provisions, de leurs objets, enfants et morceaux de corps de poupées.


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